6 Mars 2021
3ème dimanche de Carême [avec rite des 1ers scrutins pour les catéchumènes de la paroisse / textes Année A]
Ex 17,3-7 / Ps 94 / Rm 5,1-2.5-8 / Jn 4,5-42
J’ai envie de commencer ces mots par une question. Une question qui n’est pas posée dans ce qu’on vient d’entendre mais qui est la toile de fond de ce récit, et en fait de notre vie spirituelle à tous. Cette question elle est toute simple : quelle est votre soif ?
Quelle est votre soif de vivre, quelle est votre soif d’amour, quelle est votre soif de reconnaissance peut-être, quelle est votre soif d’un sens à ce que vous vivez ? Quelle est votre soif, et du coup quelle est au cœur de cela votre soif de Dieu ou de sa Présence ou de son amour ?
Oui, demandons-nous quelles sont nos soifs !? Et qu’est-ce qui fait par exemple, que vous, Noémie et Zian, vous demandiez le baptême, qu’est-ce que vous attendez de Dieu qui dirait une soif qui vous habite ?
Quelles sont nos soifs à chacun ? Qu’est-ce qui a besoin d’être comblé, rassasié, étanché dans chacune de nos vies à tous et du coup aussi notre vie avec Dieu, au cœur du réel de ce que nous avons à traverser ?
Cette femme de Samarie, elle a sans doute une forme de soif d’aimer et d’être aimée. On apprend au fil du récit qu’elle a eu plusieurs maris, et sans doute est-elle un peu traitée comme une « paria » sans quoi elle ne viendrait pas puiser de l’eau à une heure où personne ne le fait, en plein « caniar », comme pour se cacher. Est-elle, comme on dit, une « femme de mauvaise vie », ou a-t-elle été abusée ou trompée ? En tout cas il se joue là quelque chose pour elle, il y a une blessure qui la pousse à se cacher. Et c’est là que Dieu vient la rejoindre.
On ne sait pas trop quelle est sa soif véritable, comment elle la dirait, elle, avec ses mots à elle. C’est tout le quiproquo de ce dialogue avec Jésus sur la soif, l’eau qu’elle veut puiser et l’eau vive que le Christ peut lui donner et qui donne accès à la vie éternelle.
On ne sait pas trop comment elle dirait. Et je ne suis pas sûr qu’on sache nous aussi dire toujours ce qui nous habite profondément. On pressent des choses, des attentes de vie en nous, des besoins ou des désirs d’aimer et d’être aimé, d’être mieux considéré ou reconnu, ou je ne sais quoi encore. On perçoit en nous, on pressent, notre attente de Dieu, de sa présence et de son amour, mais on balbutie. Tous autant que nous sommes.
Et nous voilà comme cette femme au bord de son puits, et pas n’importe quel puits puisque c’est le puits de Jacob, qui rappelle celui autour duquel se sont scellés des noces, une alliance, en l’occurrence avec la rencontre de Jacob et de Rachel (en Gn 29). Nous voilà embarqués avec cette femme par Dieu qui veut la rejoindre et nous rejoindre pour faire Alliance, pour renouveler son Alliance avec nous, c’est-à-dire Dieu qui nous rejoint au cœur du réel concret de ce que nous vivons et au cœur du réel concret de nos vies blessées et en quête d’un sens à ce qui nous arrive ; Dieu qui, là, nous dit sa présence, son amour, et combien il veut être le partenaire de ce que nous avons à vivre. Et que ce sera un chemin de libération, un chemin de guérison et de réconciliation avec nous-même et notre histoire, un chemin de salut.
C’est tout cela qui se joue pour cette femme, et c’est tout l’enjeu de notre vie chrétienne, petit à petit, pas à pas, année après année. Le baptême que vous allez recevoir, Zian et Noémie, en est une étape importante, et sans doute un fruit déjà, le fruit d’une rencontre avec Dieu, par telle ou telle rencontre humaine ou tel ou tel évènement qui vous y a éveillé.
Mais comme cette femme qui affine petit à petit sa compréhension de qui est cet homme face à elle – qu’elle va reconnaître comme un prophète, puis qu’elle appelle Christ et donc reconnaît comme le Messie promis par Dieu, puis dont on va lui dire en finale qu’il est le Sauveur du monde –, comme cette femme, donc, nous aussi, petit à petit, nous apprenons à comprendre comment Dieu est là et qui il est, comment il nous rejoint, et qu’est-ce qui dans notre vie a besoin de cette présence, de cet amour de Dieu, de ce salut qui peut nous guérir de nos peurs et nos angoisses, qui peut nous libérer de l’enfermement et du découragement que le mal provoque en nos vies, et qui peut nous ouvrir un chemin de vie éternelle, dès aujourd’hui, c’est-à-dire de vie avec Dieu qui nous rend vivant, quoi qu’il arrive, quoi qu’il nous tombe dessus, et quelles que soient nos blessures, quelles que soient nos peurs, quels que soient nos découragements.
Ça ne veut pas dire qu’avec la foi tout devient simple dans nos vies – ça se saurait–, et que les épreuves du quotidien ne vont pas nous clouer au sol, parfois, ou nous décourager ou nous faire douter de cette présence de Dieu avec nous et du fait qu’il soit notre partenaire de vie pour avancer et pour porter avec nous le poids des jours. Non, parfois nous sommes bien comme le peuple d’Israël au désert qui a eu soif aussi et qui se demandait à la fin de la 1ère lecture : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? »
On se demande ça parfois, nous aussi ; mais comme j’aimerais qu’on n’oublie jamais cette promesse de vie que le Christ fera à ses disciples après sa résurrection, quand il les enverra en mission et qu’il leur dira : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». Ce sont les tout derniers mots de l’évangile de Matthieu (Mt 28,20), c’est dire leur importance...
« Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». C’est une Parole de Vie, c’est promesse de vie.
Je l’entends aussi comme un appel à tout vivre en mettant notre confiance en cette Présence promise, qui est cette promesse de Dieu qui est là avec nous au cœur de ce que nous avons à traverser, Dieu qui est là avec nous et qui nous rejoint au lieu même de nos blessures ou de notre quête d’un sens à la vie, comme Jésus qui vient rejoindre la Samaritaine, et comme Jésus vous appelle, Zian et Noémie, et nous appelle tous, à sans cesse nous laisser rejoindre par lui. C’est ce que nous célébrons à chaque eucharistie, on ne le redira jamais assez, et c’est le sens de l’Alliance que Dieu contracte avec nous.
Alors mettons notre confiance en cette Bonne nouvelle, mettons notre confiance en cette promesse, mettons notre confiance tout-jours – c’est-à-dire pour toujours et chaque jour – mettons notre confiance en Dieu qui nous appelle à mettre notre foi en sa présence qui sauve, Dieu qui nous appelle à devenir, disait St Paul dans la 2ème lecture, « justes par la foi » c’est-à-dire ajustés à son projet pour nous, son projet de vie et d’amour, être ajustés à sa Présence qui sauve, comme on le voit dans cette page d’évangile avec le Christ qui se fait présence à cette femme fatiguée par la vie et qui par cette rencontre expérimente une forme de libération, de réconciliation à elle-même. Jusqu’à en devenir témoin pour d’autres qui reconnaîtront en lui, Jésus, le Sauveur du monde…
Alors je ne sais quelles sont vos soifs à chacun, je ne sais qu’est-ce qui a besoin d’être rejoint aujourd’hui par Dieu, par sa Présence, son amour, son salut, qu’est-ce qui a besoin d’être guéri ou libéré…
Mais vous, Noémie et Zian, le jour de votre baptême, laissez-vous plonger dans l’amour de Dieu qui veut étancher nos soifs et nous ouvrir à sa vie, laissez-vous remplir de cet amour, et laissez au fond de la cuve du baptême tout ce qui peut vous détourner de lui, tout ce qui vous fait douter de la beauté de la vie, tout ce qui vous enferme ou vous décourage. Et qu’avec vous nous en soyons tous renouvelés dans notre foi, dans notre confiance en Dieu qui est là avec nous pour tout-jours, Dieu qui vient et qui veut nous rejoindre et qui nous appelle à nous laisser aimer par lui, jour après jour, année après année, au fil des évènements et dans la patience du quotidien. Alors nous pourrons apprendre à aimer comme il nous aime et à en être témoins pour d’autres, chacun à notre mesure...
Alors profitons de ce temps de carême pour demander au Seigneur qu’il convertisse nos cœurs à cette Bonne nouvelle, qu’il nous donne de l’accueillir justement comme une bonne nouvelle, c’est-à-dire quelque chose de vraiment bon pour nous. Que ce temps de marche vers Pâques nous permette d’ouvrir nos vies au Seigneur dans le réel de ce qu’elles sont pour que là le Christ vienne nous rejoindre et se révéler à nous.
C’est ce que nous célébrons déjà dans cette eucharistie où déjà il se rend présent et nous permet de devenir ensemble et chacun ses témoins. Amen.