29 Mars 2021
Lundi de la Semaine sainte
Is 42,1-7 / Ps 26 (27) / Jn 12,1-11
Cette scène est magnifique mais en même temps très étonnante si on prend le temps de contempler de près ce qui vient de nous être raconté.
Marie, telle la servante de maison, prend le temps de ce rite d’accueil du pèlerin fatigué par la route ou de l’hôte de passage. Mais contrairement à l’usage, elle ne le fait pas avant le repas ni juste avec de l’eau, même un peu parfumée. Non, avec un parfum de très grand prix, visiblement en grande quantité vu qu’on nous précise que l’odeur se répandit dans toute la maison. Il y a une sorte de démesure de ce geste, qui semble aller au-delà du rite proprement dit.
C’est comme si par ce geste et par ce parfum Marie nous révélait combien il est important cet hôte qui est là. Combien il a du prix à ses yeux. Certes c’est l’ami, mais plus que cela, celui qui a ressuscité son frère Lazare, au chapitre précédent. C’est comme s’il n’y avait rien de trop précieux pour dire que personne n’est plus important que celui qui se tient là. Sauf Dieu évidemment. Mais justement.
Et il me semble que dans ce geste de démesure on peut entendre une confession de foi : c’est le Maître et Seigneur qui est là, c’est Dieu lui-même, Dieu venu en notre humanité qui se tient là au milieu d’eux.
Mais chose étonnante encore, et même heurtante, elle va alors lui essuyer les pieds avec ses cheveux. Et là c’est paradoxal, décalé, presqu’indécent même. C’est une autre démesure ! Elle aurait dû prendre un linge et même un linge de grand prix. Mais non, elle prend elle-même. Comme pour nous dire que rien n’a plus de prix aux yeux de Dieu que nous-mêmes, que notre humanité, et que Dieu s’abaisse jusque-là, jusqu’à se laisser faire en ce geste qui pourrait mettre mal à l’aise non seulement celui qui le reçoit mais aussi celles et ceux qui assistent à la scène.
Jésus se laisse faire, et ce geste dit tellement de son incarnation. Il est le Maître et Seigneur qui veut rejoindre notre humanité totalement. Et par ce geste des cheveux, Marie se donne totalement à ce service du prendre-soin, totalement parce qu’elle le fait de toute sa personne.
Et il y a là encore comme une confession de foi, mais comme en reflet, de Dieu qui a épousé totalement notre humanité et qui veut rejoindre les tout-petits, ceux-là même qui n’ont peut-être rien pour l’honorer, rien d’autre qu’eux-mêmes et leur désir de se laisser rejoindre par Dieu pour se laisser sauver.
Ce geste en son paradoxe est un geste prophétique, il parle, il nous dit que Jésus est bien le Maître et Seigneur, Dieu, venu nous rejoindre en notre humanité, totalement, et qui vient sauver les petits et les pauvres pour nous révéler à tous l’amour miséricordieux du Père et son salut.
Ce salut qui va passer par sa mort que Jésus annonce et par sa résurrection. Jésus le dit, ce geste c’est « en vue du jour de [son] ensevelissement », lui qui avait dit à Marthe et Marie, au chapitre précédent : « Je suis la résurrection et la vie ».
Ce geste du serviteur, ce geste du prendre soin du maître ou du pèlerin fatigué par la route ou de l’hôte de marque, Jésus va le faire à son tour – ce sera jeudi – nous révélant que s’il est bien Maître et Seigneur il le vit dans le service de l’humanité blessée et fatiguée et qu’il nous appelle à faire de même.
Il se révèle en son incarnation comme serviteur de la miséricorde du Père, serviteur de notre humanité et de la dignité de chacun, quel qu’il soit et quelle que soit son histoire, serviteur de la vie.
Jésus se révèle en son incarnation serviteur de la Présence de Dieu, comme l’annonçait le prophète Isaïe en 1ère lecture, serviteur de son salut qu’il est venu révéler et pour lequel il va mourir, lui qui a ouvert les yeux des aveugles et qui veut nous libérer de nos enfermements et de nos ténèbres.
Pour l’heure, contemplons Jésus qui se laisse faire. Et comme Marthe, Marie et Lazare offrons ce matin encore un repas en son honneur, celui de notre action de grâce pour le don de sa vie, celui de sa Présence qui se donne à nous et nous entraîne à sa suite.