18 Janvier 2024
Dans son Rapport de synthèse de sa 1ère session de travail d’octobre 2023 l'Assemblée du Synode des évêques sur la synodalité appelle notamment à ce que soient travaillées et approfondies théologiquement et canoniquement un certain nombre de questions ecclésiologiques que pose celle de la synodalité dans l’Eglise. Il s’agit par exemple de questions de coresponsabilité et de participation des laïcs – notamment les femmes – à la gouvernance de l’Eglise, au nom de leur baptême, ou alors d'un renouvellement d’une théologie et d’une pratique des ministères – avec notamment la question que posent certains d’un élargissement de ceux-ci aux femmes.
Derrière tout cela il y a notamment une question de fond – que je trouvais criante dans les remontées de groupes de la phase diocésaine préparatoire du Synode – sur le sens et le rôle des ministères dans une Eglise pensée non pas d’abord – ou non pas seulement – dans son organisation mais bien dans la sacramentalité de sa nature et sa mission.
Le contexte européano-occidental d’une chute massive des ordinations vient interroger tout cela d’une façon particulière – et peut-être un peu biaisée, par certains aspects. C’est en tout cas le propos de ce livre d’Alphonse Borras, prêtre et canoniste belge qui faisait partie des experts de l’Assemblée synodale d’octobre dernier à Rome.
Ces pages a été écrites en 2017, reprenant et développant une conférence donnée en 2012. L’auteur commence par y analyser assez rapidement le contexte de cette chute du nombre de prêtres, les représentations que nous avions du ministère qui sont alors mises à mal et dont nous avons du mal à nous défaire. Il se penche alors sur les questions que cela soulève et énumère quelques pistes avancées ou essayées pour remédier à la situation. C’est son 1er chapitre.
Le livre se poursuit par ce qui me semble le coeur de la réflexion, à savoir une mise en perspective théologique de ces questions en repartant de la mission de l’Eglise et sa nature sacramentelle et du sacerdoce commun de tous les baptisés, pour redire alors la spécificité des ministères – et notamment de celui des prêtres – comme service de ce sacerdoce baptismal (on développe ici la question de ce ministère comme ministère de présidence et de discernement des charismes, initiatives et intuitions – la question sera alors : comment et avec qui –, au service de l’unité et de la catholicité des communautés et de la mission de tous les baptisés).
Ces pages sont passionnantes et s’il me fallait essayer de balbutier la question qui pour moi se pose là et à laquelle il nous faut répondre – ce que fait ici notre auteur –, il me semble que je dirais les choses ainsi : De quel(s) ministère(s) a-t-on besoin et pour quelles communautés ? Et que “dit” – ou plutôt que représente – le ministère presbytéral, comment sert-il – ou doit-il mieux servir – le sacerdoce commun des fidèles, et dans quelle “pluriministérialité“ ou “coresponsabilité différenciée” – pour reprendre une expression du Rapport de synthèse – qu’il nous faut penser ou repenser ? Pour le dire autrement : Pourquoi des prêtres – et quels prêtres –, au service de quelles communautés (des communautés missionnaires, mais qui le sont comment et donc qui ont besoin de quoi pour cela) ? Les mots à articuler seraient ici ceux de ministère(s), de mission et de communautés (de besoins, aussi), et ceux de sacerdoce commun, de sacerdoce ministériel et de coresponsabilité(s)...
J’en reviens au livre d’Alphonse Borras. Après ce chapitre théologique vient un troisième moment sur les aspects canoniques à tout cela et notamment ce que permet ou prévoit le droit en terme de conduite des communautés mais plus largement aussi en terme de coresponsabilité et de synodalité. Sont aussi analysés ce qui a pu s’essayer ci ou là pour pallier au manque de prêtres.
Le chapitre suivant va plus loin encore – mais assez brièvement – en essayant de comprendre ce qui se joue quand il n’y a quasi plus de prêtres – ce que Borras appelle la “précarité absolue” – et quels sont les possibles qui peuvent s'envisager, ce qu’ils viennent illustrer et permettre ou alors déplacer voire contredire des aspects théologiques développés au chapitre 2.
Je le redis, le coeur du livre – et à mon avis son plus grand intérêt, pour moi en tout cas – se trouve vraiment au chapitre 2. Même si les aspects canoniques du chapitre 3 sont intéressants aussi car ils nous permettent de mieux comprendre les enjeux de ce qui a pu s’essayer ou se réfléchir ces dernières années...
Pour info, Alphonse Borras sera un des intervenants de l’Université d’été organisée début juillet au Centre Théologique de Meylan-Grenoble, en partenariat avec le diocèse : trois jours de rencontres et de théologie autour des questions de gouvernances, de synodalité et de communion ecclésiale. Du 4 au 6 juillet 2024. Pour en savoir plus – et même pour se préinscrire déjà – c’est en cliquant ici !
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Alphonse Borras, Quand les prêtres viennent à manquer. Repères théologiques et canoniques en temps de précarité, Médiaspaul, février 2017, 206 pages, 17€.