Homélie dimanche 28 juillet 2024

17ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B

2R 4,42-44 / Ps 144 / Ep 4,1-6 / Jn 6,1-15

 

Il me semble qu’on connaît bien cette page d’évangile, en tout cas ça peut réveiller des souvenirs de nos années de caté…

Quoi qu’il en soit, c’est intéressant qu’on l’entende déjà en comparaison ou en écho avec la 1ère lecture : Jésus n’est pas le premier à multiplier les pains et à la faire au nom de Dieu. J’allais dire que le miracle ou l’extraordinaire du miracle n’est pas tellement là sauf à être comme un signe-déclic pour les disciples et pour la foule : cet homme, Jésus, vient bien de Dieu, il agit au nom de Dieu, comme un prophète. Et d’ailleurs les gens ne s’y trompent pas, on vient de l’entendre : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde ».

Ils ont compris qu’avec Jésus il y a quelque chose de Dieu qui est en train de se jouer pour eux et plus qu’un simple prophète habituel. Et nous, nous connaissons la fin de l’histoire, avec la résurrection et ce qui va se mettre en mots très vite dans les 1ères communautés chrétiennes : non seulement il y a bien plus qu’un prophète, non seulement il est le Messie de Dieu qui devait venir, mais plus encore il est Dieu lui-même qui est venu jusqu’à nous.

Bon… vous allez me dire que tout ça on le sait. Alors qu’est-ce qu’il nous faut entendre aujourd’hui plus particulièrement ? Qu’est-ce que le Seigneur veut peut-être nous dire aujourd’hui ?

Il me semble qu’il nous faut déjà entendre cette démesure de Dieu. Jésus avait moins de pains que le prophète Élisée et avec ce petit peu là il nourrit beaucoup plus de personnes qu’Élisée. Et il en reste, 12 paniers, 12 paniers comme les 12 tribus d’Israël, 12 paniers, c’est-à-dire : pour tous ! Tous, c’est-à-dire, tous les autres qui ne sont pas là.

Dieu vient et veut nourrir tous les hommes. Dieu se fait homme pour nourrir nos faims à tous. Il sort dans le temps, il vient à un moment précis de l’histoire, pour nous dire ce désir-là qui est le sien. Et qui vaut pour nous aussi. Car Dieu n’est pas l’homme d’un moment, il est dans l’éternité, hors du temps et des frontières géographiques, Dieu n’est que dans un présent qui dure tout-jours – c’est-à-dire chaque jour et pour toujours, sans fin.

Ce miracle nous concerne donc nous aussi aujourd’hui. Aujourd’hui encore il veut nourrir tous les hommes, toute notre humanité.

Mais du coup la question sera : qu’est-ce qu’il veut et qu’est-ce qu’il peut nourrir pour nos vies ?

On est dans l’évangile de Jean, et dans cet évangile on est toujours dans des jeux de mots et des sortes de quiproquos : Jésus se sert de nos attentes humaines pour dire les faims et les réalités spirituelles qui nous concernent aussi. Rappelez-vous par exemple l’histoire de la Samaritaine, et cette histoire de soif et d’eau véritable qu’il vient nous donner, la source de vie et de salut qu’est l’Esprit Saint.

Ici il s’agit de nourrir les foules. Mais quelles sont nos faims véritables, nos faims profondes, ce qui nous manque et qui pourrait nous fait mourir, nous faire « crever sur place » nous aussi, ici ce soir, vous et moi ?! Mais aussi nos contemporains, celles et ceux qui nous entourent ?!

Qu’est-ce qui nous empêche de vivre pleinement, qu’est-ce qui nous empêche d’être des vivants pour de vrai ? Qu’est-ce qui nous paralyse peut-être ou nous cloue au sol ?

C’est tout ce qui touche au sens de notre vie, ce qui donne sens : la question du mal et de la souffrance, celle de notre péché aussi ou de ce qui nous fait désespérer de nous-mêmes ou des autres ; c’est aussi la question de notre désir d’être aimé et d’aimer en retour, qui donne sens à notre existence à tous. Et nous sommes pauvres en amour – et je ne parle pas que des déceptions amoureuses de l’un ou l’autre ; nous balbutions tous en amour, en amour véritable qui fasse grandir l’autre et soi-même.

Alors quelles sont nos faims véritables, quels sont nos désirs de vie profonds, que nous devons tourner vers Dieu pour que là il vienne nous rejoindre et nourrir le réel concret de notre existence à chacun ?

Jésus le dira juste après cette scène : il est le Pain véritable, celui qui peut combler nos désirs de vie. Il nous faut manger sa Parole, lui le Verbe de Dieu, c’est-à-dire nous mettre à son écoute, et nous découvrons alors le chemin du bonheur véritable dans le don de nous-mêmes par amour. Voilà le message de l’Évangile, la Bonne nouvelle du Salut que Jésus vient révéler et à laquelle il nous appelle !

« Donnez-leur vous-même à manger », dit-il à ses disciples. Voilà une différence à relever avec la 1ère lecture. Et voilà le chemin que Jésus nous indique qui est non seulement notre mission mais aussi le chemin de vie qu’il veut nous montrer. Le chemin du bonheur véritable c’est celui du service de l’autre : le rejoindre dans ses attentes et ses besoins, se faire présence comme Dieu qui est venu se faire proche de nous en Jésus-Christ, et là aimer concrètement, prendre soin, nourrir et relever, permettre que la vie soit plus forte que nos épreuves et nos désespérances, dans l’humble présence qui se fait écoute et charité en actes.

C’est comme ça que Dieu a fait avec nous, avec la venue de Jésus. Il s’est fait présence en actes, compassion et consolation, pardon et guérison. On appelle ça le salut. Son amour est sauveur, l’amour du Père dont il témoigne et qu’il annonce et manifeste, sa miséricorde.

Et nourrir les foules, de pain, c’est déjà prendre soin de l’autre. Cette attente là, ce besoin-là de ce jour-là, est un signe pour nous et l’appel à se demander – je me répète mais j’insiste – se demander : quelles sont nos faims véritables, nos besoins profonds que nous avons à tourner vers Dieu, et quelles sont-elles, quels sont-ils, ceux de nos contemporains que nous avons à servir, nous qui sommes envoyés en mission par le Christ, au nom même de notre foi en lui et de notre désir de vivre à sa suite et de nous laisser sauver par Dieu ?

Dieu a besoin de nous pour poursuivre sa mission. Je le dis souvent, je le redis ce soir : nous sommes ses mains aujourd’hui pour prendre soin concrètement de celles et ceux qui sont là autour de nous, et nous sommes sa voix pour oser des paroles de réconfort et de consolation, de pardon aussi et d’annonce qu’il y a un Dieu qui est là et qui veut prendre soin de chacun – avec nous et par nous.

« Donnez-leur vous-même à manger », dit Jésus… Et rappelez-vous ce que Marie avait dit à Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira »

Voilà le chemin qui nous est donné. Pas tout seuls, ensemble, en Église. D’où l’enjeu de ce que St Paul nous a dit dans la 2ème lecture et que je vous invite à aller relire dans la semaine, qui est comme une feuille de route pour notre vivre ensemble, pour que nous vivons concrètement l’appel à nous aimer les uns les autres et que cet amour non seulement soit le ferment de notre unité et qu’il soit notre force pour vivre ensemble la mission, mais justement, que ce vivre-ensemble permette à l’amour concret vécu entre nous de rayonner.

Parce que nous ferons l’expérience d’aimer et d’être aimés, nous déjà, alors nous pourrons le vivre pour d’autres, car nous saurons que c’est chemin de vie, chemin de bonheur. Nous en aurons fait l’expérience déjà. Par contre n’en restons pas là, n’en restons pas à un « entre-nous » car ça n’est pas chrétien, parce que Dieu ne veut pas sauver quelques-uns qui seraient meilleurs que les autres – en plus si c’était vrai ça se saurait ! – non, il veut sauver tous les hommes, et c’est à tous, vers tous, qu’il envoie ses disciples après sa résurrection. Ses disciples et donc chacun d’entre nous, chacun et ensemble…

Alors qu’avons-nous à présenter ce soir au Seigneur, quelles sont nos questions de vie et de sens, ce qui nous habite, ce qui nous préoccupe peut-être aussi, ce qui est peut-être lourd à porter ou difficile à vivre, qu’est-ce que nous avons à déposer auprès de lui pour que là il vienne nous rejoindre et que là il vienne nous relever et nous dire son amour, sa présence, son salut ?

Et qu’avons-nous à lui présenter aussi du monde et de celles et ceux qui nous entourent, de leurs soifs de vie, aussi, et de leur quête de sens ?

C’est au cœur de tout cela que le Seigneur veut nous rejoindre et c’est là qu’il nous attend.

Et là, au cœur de tout cela, il veut se donner à nous ce soir par son eucharistie, pour nourrir nos vies, et nous rendre plus disciples comme lui, nous rendre aimants à son image, pour que nous devenions ce que nous allons recevoir, comme dit St Augustin, que nous devenions le Corps du Christ, sa présence aujourd’hui.

Alors je ne sais comment vous recevez tout cela, ce soir encore, je ne sais comment ça vient vous rejoindre, je ne sais quelles sont vos attentes réelles du salut, vos attentes de Dieu, mais aussi vos découragements, peut-être, ou vos fatigues à vivre, vos questionnements du sens de la vie. Offrons-les maintenant au Seigneur, offrons-lui ce que ces mots et sa Parole viennent réveiller ou rejoindre en nous.

Et demandons-lui que là il vienne jusqu’à nous, et que là il vienne faire son œuvre de salut pour nous rendre témoins de lui et de son désir de salut pour tous, à commencer pour nous par celles et ceux que nous rencontrerons dans les jours qui viennent et celles et ceux, aussi, qui dans le monde comptent sur notre prière… Alors prions ! Amen.

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