24 Août 2024
Col 3,12-17 / Ps 102 / Lc 10,25-37
Qu’est-ce qu’on va retenir ou entendre de tout ça ? Qu’est-ce que ça peut nous dire ou nous redire à nous aujourd’hui ?
Ça ne vous aura pas échappé – en tout cas j’espère ! – que ces textes nous parlent d’amour, ou plutôt que ça nous parle de ce que veut dire aimer ; et même, en fait, de ce que ça appelle concrètement dans nos vies.
Dans la 1ère lecture St Paul nous a dit des choses assez précises et qui sont un peu comme une charte de vie que tout couple devrait connaître quasi par cœur – et nous tous d’ailleurs dès lors qu’on est membre d’une communauté – : ce que St Paul nous dit c’est l’enjeu à s’aimer avec tendresse, compassion, bonté, humilité, douceur et patience ; la question du pardon, aussi, et d’apprendre à se supporter l’un l’autre – se supporter au cœur du réel concret de chaque jour, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses difficultés, ses agacements aussi, etc., et donc se supporter dans le double sens de ne pas trop vite nous énerver l’un l’autre, mais aussi dans le sens de nous soutenir dans ce qui est et ce qui vient, dans ce qui nous tombe peut-être dessus, en tout cas dans ce que nous avons à traverser.
Et oui, nous le savons, ça suppose parfois – pour ne pas dire souvent et même tout-jours – se supporter ça suppose, comme nous l’a justement dit St Paul, de la patience, de l’humilité aussi, ça suppose des pardons à bien vouloir donner et recevoir, et ça suppose pas mal de tendresse – par contre, Luc, tu l’excuseras mais St Paul a oublié l’humour !
En tout cas se supporter, se soutenir, s’aimer, ça suppose surtout de le choisir, et de le rechoisir jour après jour. Et pour cela d’y croire. Y croire parce que nous avons déjà expérimenté que c’est chemin de vie, malgré tout parfois, malgré les choses plus difficiles. Mais c’est chemin de vie.
Et c’est bien de cela que nous voulons rendre grâce aujourd’hui : de ces 40 ans de compagnonnage, ces 40 ans de vie ensemble et d’engagement qui sont signe pour nous de cet appel de Dieu à aimer et à nous aimer, signe que c’est possible – possible de durer – et que c’est bon ! Un appel qui n’est pas une douce illusion de jeunes amoureux qui veulent y croire encore, mais bien un engagement qui est de l’ordre du possible, un possible bien réel, dans une vie qui a appris et qui va continuer à apprendre à mettre en œuvre cet appel à aimer, s’aimer dans le don de soi, aimer en consentant à marcher humblement ensemble. Avec tendresse, compassion, bonté, humilité, douceur et patience, etc. Et l’humour.
Il y a 40 ans, Luc et Marie, vous avez fait ce pari de confiance d’oser y aller, et même de croire que Dieu serait là avec vous sur ce chemin. A la mesure de la place qu’on voudra bien lui faire, mais qu’il serait là, qu’il s’engageait avec vous.
Dieu nous a aimés et nous aime de cet amour-là dont parle St Paul et dont vous êtes témoins pour nous en ces 40 années pour lesquelles nous voulons rendre grâce aujourd’hui.
Après, comment Dieu est présent, comment nous accompagne-t-il ? Pas de façon magique, mais dans telle ou telle intuition de vie qui nous habite et qui va nous aider à avancer ensemble. Mais aussi par tel ou tel évènement qui va nous donner de faire tel ou tel choix ou d’être témoins de la vie qui est là et qui nous traverse. Dans telle ou telle rencontre aussi, et par celles et ceux qui vont être pour nous témoins de l’amour qui se fait présence à l’autre pour l’écouter, prendre soin de lui et le relever.
Comme dans cette parabole d’évangile qu’on a entendue et qui dit non seulement ce que nous sommes appelés à vivre, ce que veut dire aimer son prochain – celui qui est là et dont je voudrais bien me faire proche –, mais qui dit aussi comment Dieu fait avec nous, comment il a fait avec Jésus qui est venu s’abaisser à hauteur d’homme pour nous ouvrir au salut, c’est-à-dire nous ouvrir un chemin de vie au cœur même de ce qui est parfois trop difficile et douloureux, au cœur de nos découragements, de nos paralysies et de tout ce qui nous empêche d’être réellement des vivants malgré tout.
Et dans l’évangile de Jean, au chapitre 15, Jésus redira que l’unique commandement, c’est de nous aimer les uns les autres comme lui, le Christ, nous a aimés – comme lui, à son école –, lui qui est l’amour en actes du Père, l’amour sauveur de Dieu pour notre humanité, au cœur de ce monde et de nos vies qui sont l’un comme l’autre défigurés par le mystère du mal.
Alors à deux, on le sait, on est plus forts face aux épreuves. Même s’il arrive qu’on soit par moments une épreuve l’un pour l’autre – mais pas vous, Luc et Marie !? A deux on est plus forts pour se soutenir et pour soutenir celles et ceux qui nous entourent et qui en ont besoin, mais aussi pour trouver des solutions là où l’on buterait sur nos limites. Et à deux, surtout, on n’est jamais que deux, si on veut bien croire que Dieu s’engage avec nous, qu’il est là, qu’il veut et qu’il peut nous soutenir, nous éclairer, et nous aider à avancer.
Je le dis souvent, Dieu a choisi de n’avoir que nos mains d’hommes et de femmes pour prendre soin des uns et des autres, et pour oser des gestes de tendresse et de consolation, pour aider l’autre à se relever et à reprendre sa route. Dieu a choisi de n’avoir que nos voix humaines pour se donner à entendre et pour oser des paroles de pardon et d’encouragement, de consolation et de réconfort. Dieu a choisi de se faire proche de celui qui peine et qui souffre grâce à ce que nous consentirons à vivre les uns pour les autres, en osant nous approcher nous aussi, comme le Samaritain de l’évangile.
En ce sens vous avez été donnés l’un à l’autre, Luc et Marie, comme présence de Dieu, présence qui se fait amour en actes. Et en ce sens le mariage est bien un sacrement : à la fois le signe de l’amour de Dieu pour nous – un amour qui s’incarne concrètement dans la relation et dans le désir de s’aimer et de se donner, un amour qui donne la vie et qui est appelé à rayonner pour d’autres – ; à la fois signe de cet amour de Dieu, donc, et le moyen concret que Dieu prend, pour vous déjà, l’un l’autre, et pour celles et ceux qu’ensemble on va aimer concrètement. Vos enfants et petits-enfants déjà, Luc et Marie, et toutes celles et ceux qui ont pu trouver amitié et soutien auprès de vous.
C’est en ce sens que St Paul nous a dit en début de notre 1ère lecture que nous sommes « choisis » par Dieu. Il compte sur nous. Sur chacun de nous, à notre mesure – notre petite mesure parfois, mais toute notre mesure.
Alors nous rendons grâce, cet après-midi, pour ce que Dieu vous a permis de vivre, Luc et Marie, et nous lui confions la suite du chemin. Nous le prions et nous lui demandons son Esprit Saint.
Et nous lui rendons grâce aussi pour sa confiance en notre capacité à tous à répondre à son appel, son appel à aimer, nous aimer et rayonner de cet amour, en paroles et en actes, comme le Samaritain de l’évangile et comme le Christ Jésus.
Alors que cette eucharistie nous donne de l’accueillir toujours et encore, lui le Christ, et que là nous prenions force pour être et pour devenir toujours plus ce que nous allons célébrer et recevoir : le Corps du Christ, c’est-à-dire sa présence en ce monde, en étant des témoins en actes de son amour. Amen.
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Il y a 10 ans nous nous retrouvions déjà, pour célébrer les 30 ans de mariage de Luc et Marie. Pour (re)lire mon homélie d’alors c’est pas ici – pour celles et ceux qui voudraient, évidemment...