Laïcs et ministres ordonnés, quelle collaboration ?

Laïcs et ministres ordonnés, quelle collaboration ?

Je termine ces jours cette lecture ecclésiologique fort stimulante, qui n’est pas sans liens avec l’actualité ecclésiale. Car nous sommes à quelques jours à peine de l’ouverture de la dernière phase du synode sur la synodalité, avec la seconde Assemblée synodale à Rome de ce processus qui a donné à vivre des étapes diocésaines et continentales.

Ce livre que je veux présenter ici en quelques lignes est en fait le recueil des Actes d’un colloque qui s’est tenu à Montpellier il y a un an exactement, en septembre 2023. Ce colloque s’est réuni sous la présidence du Cardinal Ouellet qui en a assuré l’introduction, une conférence magistrale fort intéressante, et quelques éléments de conclusion.

Il s’agit, en ces pages et prises de paroles, de mieux comprendre et articuler la question de ce qu’on appelle le sacerdoce commun de tous les baptisés avec ce « sacerdoce ministériel » qu’est celui des ministres ordonnés. Mieux articuler et penser les liens et complémentarités des responsabilités et des possibles quant à la vie et la mission de l’Eglise que sont ceux de ces ministres ordonnés mais aussi de tout baptisé, jusque dans la coresponsabilité y compris pour la conduite de la vie de l’Eglise. Pour ceux qui ont participé aux travaux de la phase diocésaine préparatoire à l’Assemblée synodale qui va s’ouvrir, rappelez-vous : on nous demandait de travailler la question de ce que le secrétariat du synode appelait la « coresponsabilité différenciée ».

La question de fond est-celle ci : comment ces deux modes de participation à l’unique sacerdoce du Christ sont ordonnés l’un à l’autre et comment cela peut-il et doit-il jouer dans une Eglise synodale. Pour le dire avec mes mots à moi : quelles différences et particularités – et pourquoi –, et quelles complémentarités fécondes – et comment – ?

Concrètement l’ouvrage se subdivise en trois grandes parties :

  1. une surtout biblique d’abord, en deux premières contributions assez denses mais passionnantes, une centrée plutôt sur la notion de sacerdoce dans le Premier Testament, et l’autre sur les figures de Pierre et de Marthe dans l’évangile de Jean ; cette partie est augmentée d’une troisième intervention-témoignage un peu décalée, mais intéressante, d’une LEME en responsabilité dans la formation, qui nous partage son parcours, comment c’est pour elle vocationnel car en réponse à un appel, ainsi que des convictions et des points d’attention dans la collaboration laïcs - ministres ordonnés.
  2. Vient ensuite une partie plutôt historique et sociologique qui, je l’avoue m’a moins intéressée – j’ai eu du mal à entrer dans les trois contributions qui la constituent.
  3. Puis c’est la section théologique de ce colloque, avec quatre interventions dont les trois premières que j’ai trouvées fort stimulantes et qui appelleraient à être travaillées de plus près et à plusieurs : la 1ère est du cardinal Ouellet et envisage la question de ces deux modes de participation au sacerdoce du Christ d’un point de vue pneumatologique – sacerdoce baptismal et Esprit saint qui procède du Fils / sacerdoce ministériel et Esprit saint qui procède du Père – ; la 2ème vient réinterroger et réarticuler ces notions de sacerdoce au regard des textes du concile Vatican II, suite à quoi une 3ème prise de parole, d'ordre canonique, vient questionner les modes de participation des laïcs en cette fameuse « coresponsabilité différenciée » avec les ministres ordonnés ; enfin la 4ème contribution – que j’ai trouvé moins stimulante que les trois autres – vient interroger la question du « faire »  et de la charge de plus en plus lourde des uns et des autres quant à la mission (en contexte de baisse des vocations et de diminution des forces vives dans nos communautés).

D’une façon ou d’une autre, beaucoup de ces contributions sont venues repointer ce qui est pour moi un enjeu et une question capitale à travailler, celle des charismes et des compétences au service des offices, ministères et missions de chacun, dans une complémentarité à discerner et à déployer, mais aussi à interroger au coeur d’une écoute des besoins pour la mission et pour la vie de l’Eglise, et dans une écoute mutuelle de ce que chacun peut apporter. L’enjeu de cela c’est de pouvoir exercer ensemble un discernement commun – ecclésial – de ce qu’il nous faut vivre aujourd’hui là où nous sommes – là encore : pour la mission, et donc pour la vie et la conduite de l’Eglise aussi, comme lieu pour nourrir notre être-disciple-missionnaire et pour nous fortifier pour le témoignage évangélique et de vie que nous pourrons – et devons – offrir au monde.

Bon, je l’avoue, ces pages sont denses. Mais, moi, ces questions m’intéressent. Et c’est très concret pour la vie de notre Eglise aujourd’hui. Avec de vrais enjeux quant à une juste place de chacun, non pas dans la concurrence mais dans une saine complémentarité des vocations, des charismes et des ministères, au service de la mission du Christ et d'une communion ecclésiale qui permette à tous de se laisser conduire et nourrir par Lui.

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Laïcs et ministres ordonnés, quelle collaboration ? Approche interdisciplinaire, sous la direction de Jean-Sébastien Strumia, Les Presses universitaires de l’Institut catholique de Toulouse, janvier 2024, 323 pages, 29€.

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