Homélie dimanche 20 octobre 2024

29ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B

Is 53,10-11 / Ps 32 / He 4,14-16 / Mc 10,35,45

 

Ce dimanche c’est le « Dimanche des missions ». Mais la mission c’est quoi ? Ce n’est pas que « au loin » et pas que pour certains ! La mission c’est ce que nous sommes tous appelés à vivre à la suite de Jésus, sa mission à lui que nous devons poursuivre, c’est l’annonce en paroles et en actes de l’Évangile. J’ai envie de dire : tout simplement.

Avec quand même une question qu’on pourrait se poser chacun, à savoir : quel missionnaire nous sommes les uns et les autres, c’est-à-dire : quel missionnaire je suis – moi Christophe –, quel missionnaire vous êtes chacun, et quels missionnaires nous sommes ensemble, en communauté ici à St Jo, auprès des étudiants et des jeunes pros, et plus largement des jeunes qui nous entourent ?

Le problème avec cette question c’est que ça en appelle une autre et même deux autres… C’est quoi être missionnaire ? et puis comment l’être ?

Et même ça amène une question subsidiaire : c’est quoi le rapport avec ces textes qu’on vient d’entendre ?

C’est Jésus qui nous envoie en mission, à sa suite. C’est par exemple la fin des évangiles, après sa résurrection, où il nous envoie poursuivre sa mission et son œuvre de salut. Et c’est ça l’enjeu : être témoins avec le Christ de l’œuvre de salut que le Père veut vivre et annoncer aujourd’hui encore. C’est vivre avec le Christ le combat contre le mal que Dieu vient livrer en ce monde pour nous en libérer. Parce que c’est ça le salut : Dieu qui veut nous libérer du mal, de tout mal, non seulement le mal que je fais, le péché, mais aussi ce mal qui défigure ma vie et ce monde, celui qui me tombe dessus et me fait souffrir. Jusqu’à vouloir nous libérer de la mort elle-même comme fin de toute vie.

Pour le dire autrement, le salut c’est la vie en plénitude c’est être vraiment des vivants, quoi que la vie nous fasse traverser, et quel que soit ce mal qui nous habite. Dieu veut nous libérer de tout mal et que nous soyons pleinement vivants.

Et notre mission, c’est d’annoncer ça. C’est d’être témoins de ça. Et donc d’en vivre. Parce que les grandes idées toutes faites c’est sympa, mais ça peut rester de grandes idées un peu abstraites. Jésus ne prêche pas des choses abstraites, il annonce ce qu’il vit, ce qu’il fait : le salut. Jésus pardonne, Jésus guérit, Jésus ressuscite même l’un ou l’autre – que ce soit par exemple le fils de la veuve de Naïm ou que ce soit son ami Lazare.

Dieu veut pour nous la vie. Et c’est ce que Jésus est venu annoncer et révéler, c’est ce qu’il est venu manifester dans le concret de nos existences.

Et ce qui me frappe toujours, c’est que Jésus ne le fait pas sans nous, sans nous associer. Je pense, en vous disant cela, à une phrase qu’on entend souvent dans des récits de guérison, quand Jésus dit à tel ou tel : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Que je vois, Seigneur… Que je puisse me remettre en route et marcher à ta suite… Que je sois libéré de tel péché ou tel mal qui me ronge… etc.

Cette phrase – ce « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » – vous aurez peut-être remarqué qu’on avait la même ce soir dans l’évangile, au tout début, quand Jacques et Jean s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, ce que nous allons te demander, nous voudrions que tu le fasses pour nous » ; et Jésus leur pose cette question : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? »

Bon… le réel c’est que leur question elle est peut-être un peu à côté de la plaque !? Mais comme nous aussi, parfois, dans ce qu’on demande à Dieu dans la prière ! On voudrait je ne sais quoi pour notre confort ou notre bien-être ou notre réussite, sauf que Jésus n’a qu’une chose à nous donner : ce pour quoi il est venu, ce qu’il est lui-même, le salut de Dieu.

Voilà ce que nous avons à annoncer, voilà de quoi nous devons être les missionnaires : de Jésus sauveur. Jésus dont le prénom veut dire : « Dieu-sauve ». Et elle est là la Bonne nouvelle de l’Évangile, la Bonne nouvelle que nous avons à annoncer au monde et dont notre monde a besoin aujourd’hui encore !

Mais la question ce sera : comment nous allons pouvoir l’annoncer… Si vous sortez dans la rue en criant ça, en criant que « Dieu est sauveur et veut nous sauver et que c’est trop génial », y’a fort à parier que ça risque de résonner un peu dans le vide – avec un peu de chance ça va rejoindre une personne peut-être que ça va venir ébranler et interroger, mais la question c’est qu’est-ce qu’elle va pouvoir en faire…

En tout cas Jésus, lui, il ne s’y prend pas comme ça ! Et du coup l’enjeu pour nous c’est de regarder comment il fait et c’est d’apprendre de lui, à l’écoute de sa Parole et des évangiles...

Comment il fait, Jésus, pour annoncer le Royaume et pour annoncer le salut ? Il va à la rencontre des uns et des autres. Ceux qui souffrent, ceux qui sont marginalisés, les malades, les pécheurs, la Samaritaine, etc. Il se fait proche pour entrer en dialogue. Et il s’intéresse à nous : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Et là il va répondre avec ce qu’il est.

Et ce qu’il est c’est Dieu lui-même qui s’est abaissé à hauteur d’homme pour le sauver, pour le guérir et le relever, pour lui donner la vie. Par amour. Et rien que par amour : Dieu ne vient pas pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé – nous dit St Jean. Dieu qui a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils, son Unique, pour que par lui le monde soit sauvé – St Jean encore.

Dieu s’est abaissé. C’est ce geste étonnant du lavement des pieds en Jn 13, où Jésus prend la tenue du serviteur et nous invite à faire de même. Il s’agit de devenir serviteurs les uns des autres, serviteurs de celles et ceux qui sont là et que Dieu veut rejoindre. Devenir serviteurs de cette rencontre de Dieu avec les uns et les autres qui voudront bien se laisser rencontrer, celles et ceux qui sont traversés par le mal et la souffrance, celles et ceux qui désespèrent peut-être au cœur de ce que la vie leur donne de traverser, celles et ceux qui sont paralysés par la peur de la mort ou de l’avenir ou de je ne sais quoi d’autre.

Jésus s’est fait serviteur de notre humanité, il s’est fait serviteur de cette rencontre de Dieu avec l’humanité blessée, et il a consenti pour cela à être ce serviteur souffrant qu’annonçait le prophète Isaïe – c’était la 1ère lecture –, ce serviteur qui va être rejeté et mis à mort au nom même de l’amour, l’amour qui veut nous libérer de toute violence et de tout péché, l’amour qui se fait homme pour de vrai, jusqu’à traverser et être traversé par la souffrance qui marque notre vie à tous, et jusque dans ce mystère de la mort qui nous guette et nous attend.

Et là, il ouvre pour nous un chemin, un chemin de vie : le salut de Dieu qui se fait résurrection, la vie plus forte que tout mal et que toute mort. C’est le cœur de notre foi et c’est de cela dont nous devons apprendre à devenir témoins.

Et en devenir témoins ça veut dire deux choses : l’annoncer et le vivre. Et je le redis : l’annoncer ça n’est pas balancer des idées toutes faites, aussi belles seraient elles, mais qui risquent de rester abstraites et un peu lointaines, non ; il s’agit de témoigner humblement de ce que nous aurons déjà vécu de ce salut de Dieu pour nous, dans nos épreuves ou nos questionnements de vie, et grâce à telle main tendue ou telle intuition de vie reçue dans la prière, ou tel évènement, ou telle Parole d’Évangile qui sera devenue Parole de vie qui nous a relevé et remis en route.

Annoncer notre expérience du salut, donc, et le vivre ce salut, en devenir serviteurs : nous faire proches, comme Jésus, de celui qui est là et qui souffre ou qui galère à trouver un sens à sa vie. L’autre qui est là, quel qu’il soit, quelle que soit son histoire ou sa foi, et quel que soit le mal qu’il ait pu faire.

Dieu veut sauver tous les hommes et n’en perdre aucun, nous dit St Jean dans son évangile. Dieu veut se faire proche de tous. Petit à petit, pas à pas, au nom de son amour sauveur, sa miséricorde – dont a parlé la 2ème lecture –, cet amour de Dieu qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance – comme dit le pape François –, cet amour qui veut se faire proche et guérir nos vies de ce mal qui nous paralyse et nous cloue parfois au sol – guérir au sens de nous permettre de nous relever et de reprendre la route.

C’est d’ailleurs ça aussi le sens ou l’image du lavement des pieds au soir de son dernier repas : Jésus prend le temps de laver les pieds qui sont salis par la route mais qui sont aussi fatigués et endoloris ; il s’agit de les apaiser, pour que la marche des jours puisse reprendre…

Alors… Quel missionnaire allons-nous être, chacun, c’est-à-dire : qu’est-ce que nous avons peut-être déjà vécu du salut, qu’est-ce que nous avons expérimenté un peu, déjà, de ce salut de Dieu au cœur de notre histoire à chacun ? Comment Dieu est venu nous rejoindre et nous guérir de telle peur ou telle paralysie ou tel péché ou telle souffrance ? Et comment, ça, nous entendons que ça nous engage et ça nous appelle, que ça nous envoie pour d’autres, pour être la voix de Dieu qui va consoler et réconforter, et pour être, à notre mesure, ses mains qui vont prendre soin et relever, qui vont remettre en route ?

C’est ça vivre l’Évangile, vivre la mission du Christ, à sa suite, et même à son école…

Alors prenons le temps, là maintenant, de rendre grâce peut-être pour ce que nous avons pu expérimenter déjà de son salut pour nous. Et demandons-lui de savoir nous faire serviteurs nous aussi, à sa suite, serviteurs du salut et de l’amour qui se fait proche. Amen.

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