6 Octobre 2024
27ème dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Gn 2,18-24 / Ps 127 (128) / He 2,9-11 / Mc 10,2-12
Ce soir, on ne pourra pas dire qu’on ne l’a pas entendu, qu’on n’a pas fait gaffe, car ça nous a été dit à deux reprises, dans la 1ère lecture et dans l’Évangile : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’un » ou « qu’une seule chair. »
Ça, on pourrait dire que c’est le projet de Dieu pour nous. Que Jésus nous rappelle. Et c’est beau. Ça vous paraît peut-être évident, mais c’est bon, je crois, de se le redire. Parce que la vérité c’est quand même que ça ne semble pas si facile pour beaucoup. Y compris la suite de ce que Jésus a dit : « Ce que Dieu a uni que l’homme ne le sépare pas ». Et ne nous voilons pas la face, il y a beaucoup de mariages qui ne tiennent pas, pour tout un tas de raisons, et je ne veux pas juger ni même en dire plus ce soir, ce n’est pas le propos.
En tout cas entendons, s’il vous plaît, que c’est beau ce que Jésus nous redit là, que c’est beau et grand parce que c’est ce que Dieu souhaite pour nous, j’ai même envie de dire que dans l’absolu c’est ce qu’il nous souhaite de meilleur.
Aimer, aimer tellement et pour de vrai que je vais décider d’en faire un chemin de vie, un chemin de toute ma vie, un engagement dans le don de soi pour l’autre et avec l’autre.
Et c’est beau, c’est grand. Et on le sait bien, d’ailleurs, y compris quand l’amour est blessé, y compris quand un couple fait le choix difficile et évidemment douloureux de se séparer. Parce qu’au fond de nous on y croit à ce projet de vie, on en rêve même, on voudrait y arriver.
Et c’est une vraie joie, pour nous prêtres ou diacres, que de vous accompagner sur ce chemin-là, si c’est votre appel, votre vocation. Et on pourrait prier ce soir pour tous les couples que nous connaissons qui se préparent au mariage, ici à St Jo ou autour de nous. Et on peut prier aussi pour ceux qui peinent, qui traversent des épreuves. Que le Seigneur les éclaire et les soutienne. Et nous avec, car c’est trop facile de se dédouaner en regardant tout ça de loin et en jugeant que tel ou tel aurait dû faire je ne sais comment. Prions, s’il vous plaît, ce soir pour tous ces couples que nous connaissons, et pour ceux qui traversent l’épreuve du doute quant à leur engagement, et parfois d’une forme de violence dans la séparation, car quand on a mal souvent on se fait mal mutuellement…
Et parfois on s’est fait mal parce qu’on a été voir ailleurs. C’est la question de l’adultère dont parle l’évangile. Sauf que je n’en dirai pas plus là-dessus, car ce serait tomber dans le piège que Jésus, lui, fait le choix d’éviter.
Ceux qui s’adressent à lui – vous l’avez entendu – veulent le mettre à l’épreuve. Et lui il décide de revenir aux fondamentaux, de ne pas se laisser enfermer par la Loi, en plus quand on la caricature.
N’oublions jamais cela, s’il vous plaît, dans nos débats de tous ordres : la Loi, les règles, aujourd’hui encore en Église, c’est au service de la vie et des personnes, c’est au service de la vie ensemble et de notre chemin de vie dans le projet de Dieu. Et Jésus fait ce choix-là : nous rappeler la grandeur de l’amour, l’amour qui décide de se donner et de poser un engagement de l’ordre de la vie. Les règles ce ne sont ensuite que des moyens. Ce sont des balises de vie, qui vont nous aider à voir comment on avance et où on en est des appels de Dieu et de ce qui semble de l’ordre du mieux pour notre chemin de vie au regard de l’Évangile.
Alors Jésus nous le dit, si l’amour c’est beau et c’est grand, ça suppose un engagement, une décision : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’une seule chair ».
Et on est prêt à y aller, à croire qu’on va y arriver mieux que d’autres peut-être autour de nous ou avant nous, parce que l’amour nous rend vivant. On le sait bien, c’est comme inscrit au fond de nous. Même le célibataire que je suis le sait bien. Parce que c’est ça qui donne sens à toute vie : aimer et être aimé. C’est inscrit en nous.
Et on sait, bien, comme le dit le Livre de la Genèse, que, oui, « il n’est pas bon que l’homme soit seul », il lui manque quelque chose, ce quelque chose inscrit en nous qui s’appelle le désir et le besoin d’aimer et d’être aimé.
Et ça n’est pas étonnant que ce soit inscrit en nous car nous sommes créés à l’image de Dieu. Or Dieu est amour ! Dieu est miséricorde, amour qui se donne et qui veut nous donner d’avancer avec joie, nous relever aussi quand la vie est trop difficile, l’amour sauveur qui se fait consolation, pardon, soin et guérison. Le salut, quoi.
Il n’est pas bon que l’homme soit seul, non, et on le sait bien, si ça nous arrive : on déprime, on tourne en rond, on se demande à quoi ça sert de vivre. On a besoin les uns des autres. Et cela plus largement que la question amoureuse ou du mariage, on le sait bien aussi, la question de l’amitié notamment, ces amitiés qui sont tellement importantes.
On pourrait d’ailleurs, ce soir, se demander de quels liens, de quelles relations, on pourrait rendre grâce, qui nous sont une « aide » précieuse pour vivre. C’est le mot qu’on a entendu d’ailleurs dans la 1ère lecture : Dieu cherche à donner à l’homme – l’humain, l’Adam – « une aide qui lui corresponde ». Et les chiens, les chats, les plantes vertes et les chevaux, c’est sympa, mais ça n’est pas pareil ! Alors de l’homme – l’humain, l’Adam – Dieu nous fait hommes et femmes – ish et isha –, et là ça colle, ça va mieux, ça se comprend et ça se complète. Et ça nous parle du couple, évidemment, mais en fait de notre humanité sexuée qui est appelée, dans la diversité de toutes nos relations, à l’altérité, la complémentarité et la réciprocité.
Je le redis, hommes et femmes, mariés et célibataires, nous avons tous besoin d’un autre, nous avons tous besoin des autres, nous avons tous en nous ce manque de côté, d’une présence qu’on attend et qu’on espère et qui dit notre finitude : tous, nous sommes en manque de cet Autre – avec un grand A – qu’est Dieu. Et de cet autre, cet élément constitutif de toute vie, qu’est l’amour : aimer et être aimé.
C’est magnifique tout ça. J’aimerais qu’on prenne le temps de s’en réjouir, avant d’entendre les histoires d’adultère ou de difficultés à vivre un engagement pour toute la vie...
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul » ; alors rendons grâce pour celles et ceux qui nous sont proches, qui nous aident à vivre et à croire en la vie. Mais prions aussi pour ceux qui n’en peuvent plus et qui désespèrent d’être seuls.
Ça nous engage tous, ça, envers eux aussi : comment nous ferons-nous proches de ceux qui sont en manque de relations ? Et en vous disant cela je pense au chapitre 10 de l’évangile de Luc, avec la parabole du « Bon Samaritain ». Vous irez relire tout ça, mais retenez déjà que cette parabole, Jésus la raconte pour illustrer un point précis : que veut dire aimer son prochain ? Qui est mon prochain ? Et la réponse de Jésus est très claire : mon prochain c’est celui dont je me ferai proche, quelle que soit son histoire.
Mon prochain ce sera celui que j’accepterai de voir, qui est là, qui a besoin d’une « aide qui lui corresponde » – et donc qui corresponde à son besoin… Et là on pourrait se demander chacun, à qui ça nous fait penser, très concrètement, autour de nous ou au boulot ou dans notre quartier… Vous voyez, tout ça c’est concret, et c’est bien plus large que juste la question du mariage. Ça nous concerne tous, ça nous appelle tous.
Alors oui, parfois ce sera difficile et parfois même certaines relations nous paraîtront sans issue. Dans le mariage mais aussi en amitié... Est-ce que je veux bien croire que notre chemin ensemble vaut le coup quand même, malgré tout, parce qu’un jour ça a été fondateur et que, pour le mariage par exemple, je ne me suis pas engagé juste par hasard ou sur un coup de tête ou juste par pulsions sexuelles. Non, on le sait bien.
Alors est-ce que je suis prêt à me faire aider, à trouver autour de nous quelqu’un qui soit pour nous une « aide », un tiers, quelqu’un qui nous permette d’écouter et d’entendre ce qui se joue pour nous sur ce chemin de vie qui est difficile en ce moment ?
Allez relire Mt 18, s’il vous plaît, Jésus nous donne des étapes très concrètes pour ces chemins de réconciliation et de pardon qui vont inévitablement devoir se vire un jour ou l’autre, pour de petites choses ou des plus graves.
Mais justement, n’attendons pas que ça devienne grave, n’attendons pas que ce soit devenu douloureux au point que ça nous paraisse sans issue possible ou même qu’on ne leu veuille même plus.
Si Jésus nous invite à ne pas séparer ce qui a été uni – et là il parle du mariage – c’est parce qu’il sait notre capacité à trouver des chemins de vie. Mais si on s’en donne les moyens. Et déjà celui de la prière pour y voir plus clair et pour trouver les bons mots à dire à l’autre, pour pouvoir oser les pardons à vivre, et pour demander la force de l’Esprit Saint qui peut apaiser toute chose et redonner vie là où la mort semble prendre le dessus…
Bon, je ne développe pas plus, ça ne vous concerne pas encore ces histoires de divorce. Mais retenons quand même que rien n’est impossible à Dieu, et donc avec Dieu…
Allez, je m’arrête là, je sens que je pourrai parler encre longtemps sur tout ça… Il me semble qu’on a de quoi prier avec ce que j’ai essayé de vous partager, et qu’un certain nombre de visages ou de situations vous sont peut-être venus à l’écoute de ces mots. Eh bien tout simplement confions-les au Seigneur, là maintenant, et prions. Amen.