Il a donné pouvoir à ses serviteurs

Il a donné pouvoir à ses serviteurs

L’assemblée finale et dernière phase du Synode sur la synodalité se tient à Rome depuis quelques jours et pour tout ce mois d’octobre. C’est dans ce contexte là que j’ai lu et que je recommande vivement ce livre : 5 contributions à la question de la gouvernance dans l’Eglise, par 5 femmes.

Certes, je maintiens et je crois qu’il faut le redire : le synode porte d’abord sur la question de la mission. L’enjeu est là : tous partie prenante de l’appel à la mission, tous appelés à vivre cette mission à la suite et à l’école du Christ. Et n’en déplaise à mon évêque qui écrit ici en Préface à ce livre que la question de la gouvernance est la question centrale du Synode ; je crois qu’elle est seconde, elle est bien là et on doit se la poser, mais elle découle de la question première qui est d’abord celle de la mission.

Ceci étant, la question a son importance. Et ces 5 contributions le montrent bien et le développent de façon passionnante. Je recommande vraiment !

Sans doute le contexte de la crise des abus et de l’après-CIASE, en France, accentue cette « centralité » de la question de la gouvernance au coeur de nos débats sur la synodalité. Et de fait il y a de gros enjeux à réfléchir à nos pratiques en terme de pouvoir, de service et d’autorité. La gouvernance est ou devrait être service de la croissance des personnes et du Corps que nous formons, pour que nous puissions vivre la mission – tous et tous ensemble. Et pour que ce soit ajusté et juste, que le regard soit mieux ajusté à la réalité et aux appels du monde, alors il nous faut discerner dans une riche complémentarité de nos points de vie, de nos positionnements aussi. En ce sens la gouvernance doit elle aussi être plus synodale, c’est-à-dire dans une écoute réelle de chacun et des besoins pour la mission. Ce qui appelle forcément à revisiter les fonctionnements de nos instances voire en repenser ou en réformer certaines.

Je le redis, ces contributions sont fort intéressantes et stimulantes, notamment la 1ère, de Geneviève Comeau – où il est question de mission mais aussi d’autorité comme service de la croissance de chacun – ; la 3ème également, d’Agata Zielinski – sur pouvoir et service, le service comme pouvoir d’agir, et donc pouvoir-de qui ne doit pas être ou devenir pouvoir-sur ; et pour ne pas risquer de dévier et de passer d’un pouvoir à une certaine domination, qu’il soit un pouvoir-ensemble, c’est-à-dire avec et jamais sans l’autre que l’on veut servir, et d’ailleurs jamais sans d’autres, ensemble, dans la complémentarité de nos fonctions, ministères et charismes – ; enfin, la dernière et 5ème contribution est, de mon point de vue, assez remarquable, d’Isabelle de la Garanderie – il y est question de l’articulation entre « sacerdoce commun » et « sacerdoce ministériel » au regard de la ministérialité de l’Eglise et donc de tous ; il y est également question des charismes et de leur éventuelle institutionnalisation progressive en ministères.

Car c’est là, d’ailleurs, une question-clé, je crois : celle des charismes – et, de coup du discernement de ceux-ci et de l’écoute que ça appelle – ; quels charismes pour la mission, mais aussi pour la conduite et la vie de l’Eglise, au service de cette mission et donc de tous. Avec cette autre question qui est d’abord celle des besoins, au regard des appels du monde : quels charismes et compétences pour répondre à ces besoins et appels du monde, et du coup quels ministères et quelles articulations entre eux.

Cette question des charismes est centrale et elle est d’ailleurs effleurée dans quasi toutes les contributions de ce petit livre.

Vous l’aurez compris : je vous le recommande fortement, je le trouve précieux par bien des aspects, pour réfléchir et avancer sereinement sur toutes ces questions. N’hésitez pas à oser vous lancer dans ces pages, qui restent assez abordables et lisibles, je crois, même pour des non-spécialistes de théologie et d'ecclésiologie.

Concrètement – et pour finir – : ces 5 contributions sont précédées d’une Préface de mon évêque et d’une Introduction à l’ouvrage par la journaliste Maria-Lucile Kubacki – deux contributions un peu similaires, toutes deux sur l’itinéraire que nous offre ce livre et les enjeux et questions qui se posent ; mais c’est dit avec deux styles propres et deux regards finalement complémentaires, même si c’est un peu redondant quand même. L’ouvrage se conclue par un Envoi d’Etienne Grieu, jésuite – à mon avis les moins intéressantes, mais ce n’est que mon avis, et il est vrai que l’exercice est difficile d’avoir une sorte de mot final ou d’ouverture...

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Il a donné pouvoir à ses serviteurs. Cinq regards de femmes sur la gouvernance dans l’Eglise, éditions de l’Emmanuel et La Xavière, juillet 2024, 165 pages, 19€.

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Vous aurez remarqué que je n’ai pas du tout parlé ici des 2ème et 4ème contributions. Celle de Joëlle Ferry aborde la question de l’autorité, du pouvoir et du service d’un point de vue biblique, au regard des premières communautés chrétiennes et notamment de ce qui est dit de la place des femmes. Et c’est intéressant, même si ça m’a moins donné à réfléchir – mais c’est moi.

Et la 4ème, de Christine Danel, est plutôt un partage et analyse d’expérience quant aux structures de gouvernance et de service de l’autorité dans sa communauté religieuse. J’en retiens trois éléments qui seront toujours à articuler pour une saine gouvernance et une obéissance ajustée – puisque ça aborde cette notion là aussi – : qu’il y ait (1) des structures institutionnelles de régulation du pouvoir exercé, avec (2) des pratiques concrètes qui favorisent la participation de chacun au bien de l’ensemble, et enfin, dans (3) une attitude d’écoute réelle et de respect de l’autre, et de liberté. A méditer... 

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