15ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C
Dt 30,10-14 / Ps 68 / Col 1,15-20 / Lc 10,25-37
Bon… cette parabole on la connaît tellement que le risque c’est quand même qu’on ne l’écoute plus vraiment. On se dit : « Ah oui, l’histoire du bon samaritain, faire du bien à notre prochain, ok, ça va j’ai compris ! » Et la question c’est quand même qu’est-ce qu’on aura reçu chacun de cette Parole que le Seigneur veut nous adresser et qu’il veut nous adresser aujourd’hui, dans l’aujourd’hui concret de là où nous en sommes chacun…
Ce risque là il nous guette tous, moi y compris, d’autant que dans mon cas, par exemple, j’ai vécu une expérience spirituelle assez forte il y a quelques années – j’étais déjà ici à St Jo –, avec ce texte justement. J’étais alors en pleins questionnements avec ma maladie et sur ce que le Seigneur pouvait attendre de moi et j’ai vraiment reçu quelque chose de l’ordre d’une réponse avec un élément de ce récit du Samaritain. Et je peux presque dire que souvent, maintenant, je l’entends d’abord par ce prisme-là. Et donc il y a un vrai enjeu à écouter vraiment, à se laisser interpeler, questionner, alors qu’on même qu’on croit connaître tout ça par cœur.
Et donc, ce matin, ce qui m’a vraiment interpelé – et je veux partir de là – c’est la question départ, la question à Jésus, une question sur laquelle on s’arrête assez peu ou en tout cas on passe assez vite et on va sur la suite, ça nous paraît bien plus important…
La question de cet homme qui est Docteur de la Loi c’est quoi ? Il demande à Jésus : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
On pourrait se dire que c’est une bonne question. Je ne sais pas si c’est la vôtre, savoir comment avoir en héritage la vie éternelle, mais ce que je sais c’est que cette question elle ressemble à pas mal de questions de jeunes de cette communauté, notamment les nouveaux dans la foi : par exemple quand on nous demande : « Qu’est-ce que je dois faire pour vivre vraiment comme un chrétien ? » ; ou encore – c’est presque pareil – : « Qu’est-ce que je dois faire pour que mon carême ce soit un bon carême ? » … « Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je dois faire pour… ? »
Ce qui m’intéresse avec cette question du Docteur de la Loi c’est d’abord qu’on entende que c’est une question piège. Le texte nous l’a dit, c’est pour mettre Jésus à l’épreuve, c’est pour le coincer. Et du coup à la fois c’est une bonne question – il est quand même subtil le gars – mais y’aurait tout pour que Jésus dérape – sauf que c’est mal le connaître, c’est quand même le Fils de Dieu, et d’ailleurs il va renvoyer le gars à lui-même pour qu’il donne lui la réponse, il est malin Jésus !
Blague à part, cette question elle en contient plusieurs pour nous, pour nous aujourd’hui. D’abord c’est quoi la vie éternelle, et puis ça veut dire quoi l’obtenir en héritage, et l’obtenir comment ?
La vie éternelle – c’est Jésus qui le dit dans l’évangile de Jean, au ch.17 (v.3) –, la vie éternelle c’est de connaître Dieu le Père et celui qu’il a envoyé, le Christ-Jésus. Connaître Dieu et connaître Jésus… Et là, peut-être qu’on se dit : « Mince, moi je croyais que la vie éternelle c’était le paradis promis », d’où la question de comment faire pour être sûr d’y aller, et même que faire pour être sûr de l’obtenir, de l’avoir en héritage ?!
La vie éternelle c’est connaître Dieu et Jésus son envoyé. Mais attention, connaître ça n’est pas juste comprendre qui il est, connaître ça n’est pas un truc intello juste avec la tête et la raison, non. Connaître, dans la Bible, c’est comprendre de l’intérieur, avec le cœur, c’est être proche de l’autre, c’est même vivre en intimité avec lui.
Et dans l’ancien Testament par exemple, on dit d’un homme et d’une femme qu’ils se sont connus pour parler des relations sexuelles et donc intimes. La connaissance de l’amour dans le don de l’un à l’autre. C’est ça connaître. Et du coup, connaître Dieu et connaître Jésus, ça veut dire vivre en intimité avec eux, être proches de Dieu, et même l’aimer, l’aimer intimement.
Et on pourrait là de la question de notre vie de prière à chacun et puis aussi de comment on s’y prend pour écouter la Parole de Dieu, puisque c’est quand même le lieu par excellence pour comprendre qui il est, pour le connaître aussi au sens de l’écouter et de marcher à sa suite.
Mais je reviens à cette question de la « vie éternelle » et de cette vie éternelle en « héritage » …
Notre problème c’est qu’on a souvent en tête que cette vie éternelle c’est une promesse, c’est un truc à venir. Oui, pour une part. Mais l’éternité de Dieu ça n’est pas un futur vers lequel tendre, un truc à chercher à obtenir, telle une récompense pour une vie à sa suite qui aurait porté du fruit, même si évidement Dieu attend de nous que nos vies portent du fruit, son fruit à lui, le fruit d’un amour en actes, le fruit d’un salut concret – et c’est d’ailleurs de ça dont il est question avec la parabole du Samaritain.
L’éternité de Dieu ça n’est pas un futur. L’éternité c’est hors du temps, Dieu est hors des limites du temps. L’éternité de Dieu c’est un éternel présent. C’est aujourd’hui. Même si un jour, pour nous qui sommes marqués par les limites du temps qui s’écoule et de la finitude de la mort, même si un jour ce sera en plénitude, pour toujours. Mais un tout-jours qui est déjà un chaque jour.
L’éternité de Dieu, la vie éternelle c’est dès maintenant. Et il ne s’agit pas de faire je ne sais quoi pour obtenir un jour une récompense et avoir son passeport pour le Paradis, non, c’est vivre c’est vivre déjà de Dieu lui-même et avec lui. Avec lui qui veut marcher avec nous et se faire connaître de nous et de tant d’autres. Et c’est là qu’il nous attend.
Et d’ailleurs, je ne sais pas si vous avez fait attention dans la 1ère lecture, mais qu’est-ce qu’on nous a dit ? L’enjeu à écouter la voix du Seigneur notre Dieu, en observant ses commandements. Pourquoi ? Pour revenir au Seigneur Dieu, revenir vers lui de tout notre cœur...
Je me permets d’insister : revenir à lui, et non pas aller vers lui. Et Moïse ajoute d’ailleurs que cette Loi c’est pour aujourd’hui et c’est inscrit dans les cœurs, que ça n’est pas à chercher dans les Cieux et ça n’est pas au futur. C’est aujourd’hui. Et c’est pour revenir auprès de Dieu – Dieu qui est donc là…
La vie éternelle c’est de le connaître, donc de le connaître aujourd’hui. Maintenant. Un jour après l’autre.
Alors vous allez me dire : « Ok, mais concrètement comment on fait ? » Eh bien on vit chaque jour qui nous est donné avec Dieu. Et donc on écoute sa Parole et ses appels, et on met en pratique. Et donc : c’est la suite de notre texte. C’est l’appel à aimer, aimer en actes, aimer comme ce Samaritain qui va se faire proche de cet homme blessé. Et ça, c’est exactement comme Dieu fait avec nous. C’est ce qu’il a fait avec l’incarnation de Jésus, avec la venue de Jésus. Dieu s’est abaissé jusqu’à nous pour nous révéler et nous offrir son salut. Dieu est venu nous aimer en actes pour nous révéler son salut et le chemin de vie et de salut qu’il nous propose. Et ça c’est déjà de l’ordre de cette vie éternelle à laquelle nous sommes appelés.
Et vivre de cette vie-même de Dieu, cette vie en plénitude, cette vie qui rend vivant, cette vie qui est ce que Dieu veut pour nous, vivre de cette vie-là c’est pour aujourd’hui, en vivant du même amour que celui de Dieu lui-même. Ce même amour qu’il est lui-même.
Rappelez-vous d’ailleurs cet appel que je cite souvent dans l’évangile de Luc, au ch.6 verset 36 : Jésus qui nous appelle à être « miséricordieux comme le Père est miséricordieux », aimer de cet amour même qui est celui de Dieu, cet amour – comme disait le pape François – qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance, cet amour qui vient se faire proche des pauvres et des petits, des malades et de ceux que la vie cloue au sol, pour prendre soin d’eux et que ça puisse les relever, leur redonner confiance en la vie et même en eux et en Dieu, et qu’ils puissent alors en vivre quelque chose pour d’autres, à leur tour. Et ainsi l’amour sauve le monde...
Et là, en cet appel à aimer comme le Père nous a aimés en son Fils Jésus et par son Fils, à son exemple, nous allons être invités à faire ce qui est de notre possible, à notre mesure, et notre mesure seulement, mais toute notre mesure. Comme le Samaritain. Et ça c’est quelque chose qui m’a toujours frappé : il fait ce qu’il est capable de faire et après il passe le relais à l’aubergiste. Par contre il ne se défausse pas de l’homme blessé, non, il promet de revenir et de rembourser ce que ça aura coûté.
Parfois on est un peu paralysé face à l’autre qui souffre parce qu’on a peur que ça prenne toute la place et de pas savoir gérer ou dire non ou je ne sais quoi. Apprenons à passer le relais. Et peut-être que l’auberge c’est alors l’Église, une communauté d’hommes et de femmes qui selon leurs charismes propres vont s’entraider à se passer le relais et à discerner qui peut faire quoi. Pour aimer concrètement...
Aimer – je terminerai par là –, l’amour, c’est cela l’éternité promise, mais qui est une promesse pour aujourd’hui. Quand j’aime, quand j’arrive à aimer de l’amour même de Dieu, alors je suis déjà de cette vie éternelle, qui n’est pas un futur bienheureux après une vie difficile, ni une récompense pour les meilleurs, mais le salut que Dieu veut, pour nous et même pour tous, dès ici-bas, et dès aujourd’hui… Je vous laisse méditer… Amen.