Commémoration solennelle de Notre-Dame du Mont Carmel
[16 juillet – Solennité au Carmel]
1R 18,42b-45a / Ps 14 / Ga 4,4-7 / Jn 19,25-27
La question que je me suis posée ce matin, et que j’ai posée au Seigneur dans ma prière, c’est celle de savoir qu’est-ce que cette fête peut nous dire à nous aujourd’hui, pour vous mes sœurs mais aussi pour nous qui sommes de passage dans votre Carmel ; qu’est-ce que le Seigneur veut nous dire ?
Il me semble qu’un peu spontanément on pourrait se dire qu’on fête d’abord une fondation. Celle d’un lieu et d’une spiritualité ; mais entendons-le surtout au sens d’un appel à faire mémoire de ce pourquoi nous sommes là ; vous mes sœurs, de façon particulière, évidemment, mais nous aussi, en fait, nous qui apprenons à devenir fils du Père, avec le Christ, fils et héritiers avec lui par la grâce de Dieu – comme a dit St Paul dans la 2ème lecture...
L’appel des premiers compagnons du Mont Carmel il a été l’appel à se retirer au désert, se retirer dans le silence et la prière, pour y chercher Dieu, comme Elie que nous fêterons dans quelques jours. Elie qui monte sur la montagne avec son serviteur et qui de là-haut va intercéder auprès de Dieu.
Et cette montagne, la prière d’ouverture nous l’a dit, cette montagne à gravir, elle est le signe de la montagne véritable à laquelle nous voulons parvenir : le Christ lui-même. Et nous le savons bien – vous le savez bien mes sœurs – l’union à Dieu, l’union au Christ, c’est une longue et patiente ascension, d’autant plus longue et patiente qu’il s’agit en même temps de descendre dans nos profondeurs, pour y découvrir cette présence toute aimante que nos cœurs aiment et cherchent…
La Vierge Marie nous apprend qu’aimer Dieu c’est se tenir en sa présence là où il est. C’est se tenir dans le silence à l’écoute de sa Parole et dans la longue rumination de ce qui sera donné, ce qui sera entendu, pour se laisser enfanter à cette Parole et qu’elle soit donnée au monde.
La Vierge Marie nous enseigne aussi – c’est l’évangile qu’on vient d’entendre – que notre mission de disciples du Christ elle est déjà de se tenir au pied de la Croix, avec lui et avec ces frères et sœurs qu’il nous donne pour la suite des jours, se tenir là dans le silence et la compassion, se tenir là dans la douleur de cette violence du monde qui tue et qui fait taire l’amour. Se tenir là et intercéder, implorer le salut de Dieu pour celui qui souffre et qui meurt.
Alors on pourrait voir en cela une contradiction, entre l’appel à se retirer pour gravir la montagne et parvenir au Christ et cet autre appel à nous tenir au pied de la Croix et à intercéder-là pour le salut du monde.
Bien au contraire ; et vous le savez bien mieux que moi, mes sœurs : votre mise à l’écart du monde dans le silence et la prière, votre mise à l’écart du monde pour marcher vers votre Seigneur et votre Époux, elle est en même temps le lieu même où vous pouvez participer à son œuvre de salut. Avec Marie qui est là au pied de la Croix. Car il s’agit d’intercéder pour le monde, intercéder pour que le monde s’ouvre au salut de Dieu, ce salut qui nous est déjà acquis par la mort et la résurrection du Christ-Jésus.
Comme disait frère Roger de Taizé : « Rien n’est plus responsable que de prier » … Il en va du salut du monde…
Ste Thérèse d’Avila l’avait bien compris quand elle s’écriait : « Le monde est en feu », et qu’elle réformait alors le Carmel…
La prière sauve le monde. Il y a là un acte de foi à poser… La prière sauve le monde car elle participe de ce salut du monde qui nous est acquis par le Christ-Jésus mais qui reste à accueillir et à déployer.
Mais votre vie cachée nous le rappelle : c’est son œuvre à lui, pas la nôtre. Ce que nous avons à vivre c’est en réponse à ses appels, c’est à l’écoute de sa Parole, et c’est dans la rencontre de l’autre qui est là et que lui, le Christ, nous appelle à aimer. C’est son œuvre à lui. Voilà donc pourquoi notre mission à tous est d’abord celle de la prière, ce que votre vie, mes sœurs, nous rappelle tout particulièrement…
Alors oui, nous tenir au pied de la Croix avec Marie c’est pleurer avec elle le mal et la mort qui blessent le cœur aimant du Christ, et c’est en même temps le vivre dans la confiance dans le salut de Dieu. C’est alors intercéder pour ce monde et pour que ce salut de Dieu le transfigure, et notamment que des hommes et des femmes de bonne volonté soient acteurs de paix et de réconciliation…
Et nous tenir sur la montagne avec Elie c’est vivre tout cela dans la confiance et la persévérance, dans un oui de chaque jour au oui premier, ce oui par lequel nous avons répondu à l’appel. Dans cette confiance que Dieu va répondre, cette confiance que donne le salut ; la confiance, aussi, que nos justes demandes seront exaucées et que Dieu aime et veut sauver ce monde tellement défiguré par la violence et par le mal…
Nous tenir là avec Marie c’est renouveler notre acte de foi au Christ qui se tient là lui aussi, en cette espérance-là, le Christ que notre cœur aime, le Christ que nous cherchons et voulons aimer.
Alors laissons-nous renouveler en cette eucharistie, laissons- le Christ-Jésus nous renouveler dans son amour, lui qui s’offre et se donne à nous pour le salut du monde.
Et humblement, patiemment, avec Marie sa mère et notre Mère, continuons à marcher et à nous y aider, continuons à gravir pas à pas la montagne, continuons à chercher celui que notre cœur aime, à le recevoir et à vivre en sa présence ; et là, à prier pour le monde. Amen.