Homélie mariage de Lucie et Clément

Homélie mariage de Lucie et Clément

1Jn 3,1-3.18-24 / Lc 6,43-49

La question, là maintenant, c’est qu’est-ce qu’on va entendre de tout ça ? pour vous, Clément et Lucie mais aussi pour nous tous – les couples comme les autres !

Cette page d’évangile qu’on vient d’entendre, je ne sais pas trop comment vous recevez ça, mais on pourrait dire que cet arbre dont il est question c’est comme une parabole pour votre engagement, Clément et Lucie, une parabole pour votre couple – et bien sûr pour notre vie à tous, et notamment notre vie chrétienne.

Il s’agit de donner du bon fruit. Pas un fruit qui pourrisse. C’est la question de la fécondité de notre vie à tous, et c’est la question de la fécondité à venir de votre couple. Et quand je dis « fécondité » je ne suis pas en train de parler des enfants – pas que, en tout cas – ; c’est toute la question de comment votre amour va rayonner, comment votre couple va rayonner de cet amour que vous vivez et comment vous allez par là-même être témoins de Dieu et de son amour.

Parce que votre amour, et tout amour, a sa source en Dieu – et je crois que ça vaut même pour ceux qui ne connaissent ou ne reconnaissent pas Dieu. Si Dieu est amour, comme dit l’évangéliste Jean, alors tout amour est don de Dieu et dit quelque chose de ce projet de vie et de bonheur que Dieu veut pour nous. Et d’ailleurs nous le savons bien, tous autant que nous sommes, et même nous, prêtres qui sommes pourtant célibataires : ce qui donne sens à nos vies à tous, de bien des manières, c’est d’aimer et d’être aimé. Ça vaut pour des couples mais ça vaut aussi en amitié. Nos cœurs sont faits pour aimer. Et elle est là cette fécondité à laquelle nous sommes appelés, tous.

D’autant plus, pour nous qui sommes chrétiens, car Dieu compte sur nous pour être témoins de cet amour qui sauve, qui donne sens à toute vie, qui remet en route quand les épreuves nous clouent au sol ou nous paralysent. Et votre mission première, comme couple, c’est bien de nous rappeler cela, cet appel de Dieu, un appel bien concret, un appel qui commence par celui ou celle qui est là, un appel qui commence par cet amour que des parents vont donner à leurs enfants, cet amour que nous allons recevoir et apprendre alors à vivre pour d’autres.

C’est toute la dimension sociale de l’amour. L’appel à aimer en paroles et en actes celles et ceux que notre route va croiser. Et c’est ce qu’on a entendu dans la 1ère lecture, l’appel à nous aimer les uns les autres comme le Christ nous le commande. C’est-à-dire comme lui, à son école, à son exemple. Et il sera avec nous, il va souffler sur nous son Esprit Saint qui nous aidera à discerner comment faire concrètement dans telle et telle situation et avec telle ou telle personne, y compris quand aimer est difficile.

Aimer comme le Christ nous a aimés…

Lucie et Clément vous avez voulu que juste après cette homélie, et comme porte d’entrée dans votre sacrement de mariage, vous avez souhaité revivre le geste du lavement des pieds, ce geste étonnant – un peu décalé aujourd’hui et sans doute surprenant pour ceux qui sont plus loin de la foi ou d’une pratique ecclésiale –, ce geste du Dernier repas de Jésus, tel que nous le rapporte St Jean dans son évangile (cf. Jn 13). Ce geste qui est très marqué culturellement et qui était vraiment un geste de la vie quotidienne de l’époque de Jésus, ce geste il dit ce que veut dire aimer : s’abaisser à hauteur de l’autre pour prendre soin de lui, s’abaisser à hauteur de l’autre pour soigner ses blessures – je vous rappelle qu’à l’époque on marche des heures en sandales sur des chemins rocailleux, et je ne crois pas qu’il y avait à l’époque de crème de soin pour les pieds. Ce geste il dit cette tendresse à prendre soin de l’autre, de l’autre fatigué par la route des jours, pour qu’il retrouve force et qu’il puisse se remettre en route. Voilà ce qu’est l’amour, voilà l’appel à aimer, ce qu’il faut vouloir et décider de vivre.

Aimer c’est se faire proche, c’est écouter l’autre, c’est vouloir apaiser ce qui est douloureux ou qui nous empêche d’avancer, et c’est remettre en route, redonner confiance.

Et puis ce geste du lavement des pieds il dit aussi que c’est laver, purifier, ce qui salit nos vies – ici les pieds plein de poussière et qui sont peut-être blessés aussi pour la route. Et c’est une belle image du pardon, le pardon qui n’est pas qu’une parole facile et rapide pour passer à autre chose, mais qui est tel ce geste qui prend son temps pour bien faire les choses, mais qui veut redonner sa beauté à l’autre, malgré tout, malgré les paroles ou les gestes blessants, malgré le doute à continuer la route parce qu’on est trop fatigué, ou je ne sais quoi.

Ce geste du lavement des pieds, Jésus l’a laissé comme un héritage à vivre, un enseignement à mettre en pratique. Et si vous allez le vivre l’un pour l’autre, Clément et Lucie, c’est bien parce qu’il y a un enjeu premier à ce que vous preniez soin l’un de l’autre et de votre route ensemble, de votre couple, pour que le fruit soit beau et bon. Mais c’est aussi pour pouvoir le vivre ensuite pour d’autres, le vivre chacun et ensemble. Comme témoins de cet amour de Dieu pour vous, cet amour de Dieu pour nous, cet amour que Dieu voudrait pour tous.

Prenez soin de vous, de votre couple, pour être de vrais témoins, pour être de ces témoins sur lesquels le Christ puisse compter. A votre mesure, pas plus, mais toute votre mesure. Et dans les pardons qu’il y aura à vivre, parce que vous ne serez pas meilleurs que les autres et votre couple, comme tout couple, devrai se donner les moyens de grandir en amour, de le rechoisir aussi, et de vivre les chemins de pardon et de réconciliation que la fatigue et les incompréhensions et autres tensions des jours vont appeler.

Il me semble qu’on rejoint là ce que disait notre page d’évangile quand Jésus affirme que « L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon » ; c’est-à dire que nous pouvons vivre de belles choses qui soient bonnes pour nous et pour les autres, à la mesure de comment nous aurons pris soin de ce qui nous habite. La rancœur entraîne à plus de rancœur. Le pardon ravive l’amour qui s’était blessé. Nous le savons bien, tous.

Et nous le savons bien aussi, aimer ça appelle des choses bien concrètes pour que ça dure et que ça nous rende vraiment heureux. Le pardon en fait partie. Comme la décision de se rechoisir chaque jour.

Et en préparant ces mots d’homélie je repensais à ce verset de psaume qui moi m’habite souvent et qui est un peu comme une feuille de route pour ma vie spirituelle – c’est celui que j’ai mis sur la petite carte de mes 20 ans d’ordination, cette prière qui dit au Seigneur : « Fais que j’entende au matin ton amour, car je compte sur toi »

« Fais que j’entende au matin ton amour, car je compte sur toi »… C’est une prière au Seigneur, mais faites-en aussi une demande l’un pour l’autre. Telle une ligne de conduite ou une feuille de route, une boussole : « Fais que j’entende au matin ton amour, car je compte sur toi »

Vous êtes d’ailleurs celui et celle que Dieu vous donne, l’un à l’autre, pour prendre soin concrètement de vous, de chacun de vous. Par le sacrement de mariage que nous célébrons cet après-midi vous devenez l’un pour l’autre les mains de Dieu qui vont prendre soin et apaiser, les mains de Dieu qui vont encourager aussi à avancer et à croire qu’on peut le faire, et puis vous êtes appelés à être l’un pour l’autre, Clément et Lucie, être l’un pour l’autre sa voix, la voix de Dieu, qui va réconforter et encourager, qui va consoler et oser des paroles de réconciliation.

Et par votre sacrement de mariage, par votre décision de le célébrer avec nous, vous en devenez témoins pour nous, vous en devenez le signe et le rappel que nous sommes tous appelés à cela, à vivre cela, à aimer de cet amour-là et à être ainsi, chacun à notre petite mesure mais toute notre mesure, être ces mains de Dieu qui veulent prendre soin et sa voix qui ose des paroles de salut, des paroles d’amour, des paroles de confiance en l’autre et en la vie.

Nous sommes tous appelés à cela, et vous les couples, vous l’êtes de façon toute particulière, pour le rendre effectif dans votre famille déjà, le rendre effectif, même, par votre vie familiale, pour que ça rayonne, et que l’évangile soit vécu en actes, pas seulement en paroles ou par de pieux discours, mais bien en actes et en vérité – comme disait la 1ère lecture.

Alors c’est beau, ce que nous célébrons avec vous, Clément et Lucie, ce que nous célébrons grâce à vous. Prenez appui sur le Seigneur, toujours ; il s’engage avec vous aujourd’hui. Prenez appui sur lui, abreuvez-vous à son amour, par la prière mais aussi par ses sacrements, l’eucharistie notamment mais aussi le sacrement du pardon. Et demandez souvent la force de son Esprit Saint, pour aimer mieux, pour oser des chemins de réconciliation, mais aussi pour discerner ensemble à quoi il vous appellera dans le concret des décisions à prendre et de ce qui adviendra au fil des années et de votre vie ensemble.

Demandez-lui aussi la force et le courage de vous rechoisir, quand ce sera plus difficile, mais aussi de trouver les bons appuis à vos côtés, les aides qui vous permettent d’avancer malgré tout et de retrouver la saveur de votre amour et de cette joie à vous engager et à vous donner l’un à l’autre…

Alors je ne sais comment nous recevons tout cela les uns les autres, comment l’amour est une évidence ou comment il a pu être blessé… Tout simplement, recueillons maintenant dans le silence de nos cœurs, recueillons ce que tout cela vient éveiller, tout ce qui remonte en nous, et déposons-le bien simplement dans le cœur aimant de Dieu, faisons ce pari de confiance qu’il est là – ce que je crois ! – et que tout cela l’intéresse, qu’il nous aime, qu’il veut marcher avec nous et qu’il veut porter avec nous tout ce qui fait nos vies…

Alors oui, prenons quelques instants de silence et confions-lui tout cela ; et nous prions pour vous, Clément et Lucie. Amen.

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