Des hommes et des dieux

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C'est par ce verset du Psaume 81 que commence le film et que déjà le titre s'éclaire : "Vous êtes des dieux, des fils du Très-Haut, vous tous ! Pourtant vous mourrez comme des hommes, comme les princes, tous vous tomberez."

Huit moines ayant fait le choix de vivre sur cette terre algérienne. Il y a Luc, le vieux médecin, au service de la population ; il y a Christophe, le poète mystique, un peu impulsif ; il y a Christian, le prieur, qui cherche à comprendre ce mystère qu'est l'Islam aux yeux de Dieu et qui d'avance comprend qu'il lui faut pardonner celui qui lui ôtera la vie ; il y a Amédée, le vieux sage, survivant avec Jean-Pierre ; et puis Paul, Michel et Célestin ; et enfin Bruno, l'ami moine de passage qui mourra d'avoir été là quelques jours, au mauvais moment.

Leur vie est donnée ; à la suite du Christ ; elle est donnée aussi pour ces hommes et ces femmes qu'ils croisent dans leur quotidien en cette terre musulmane ; ces croyants avec qui ils partagent le travail, les étapes de la vie et même la prière - ce que le film montre finalement assez peu.

Leur vie est marquée, rythmée, par la prière communautaire et par l'eucharistie, celle-là même qui accompagne le déroulement du film, par scènes successives, qui le construit même de son début jusqu'à à cette communion au pain consacré avant l'enlèvement, en passant par la proclamation de l'Evangile et la présentation des offrandes. Leur vie est donnée ; leur vie est offrande ; leur vie est eucharistique. Et les chants de la prière comme les psaumes qui marquent leurs jours font résonner ces sentiments qui nous habitent et qui se bousculent en eux.

Car leur choix n'est pas facile : partir et sauver leur vie ; ou rester, par fidélité à leur vie de chaque jour et par amour, à la suite de Celui qui en qui ils mettent leur foi, Celui en qui ils ont déjà remis leur existence.

Qu'aurais-je fait ? C'est la question qui m'a été posée par une paroissienne, à la sortie du film... Comment savoir ? Eux non plus ne pouvaient le dire d'avance... Il leur a fallu la prière, la réflexion, le partage, pour comprendre que l'appel était non pas à quitter leur monastère et surtout ce village, cette terre, mais qu'il s'agissait pour eux de rester, comme en offrande. De rester parce que ce n'est finalement pas plus fou que d'être devenus moines et d'avoir déjà tout quitté, de s'être déjà donné. Partir ce serait laisser là tous ceux qui leur demandaient de rester et qui comptaient sur leur présence, tous ceux également qui vivaient dans la peur et qui avaient besoin de témoins de confiance, de paix et d'espérance.

Rappelons-nous St Paul, dans ce bel hymne à l'amour, en 1Co 13 : "L'amour endure tout... L'amour espère tout..." Ces mots résonnent de Christian à Christophe qui cherche le sens de tout cela. Voilà que ces mots ont du poids et qu'on ne peut les entendre à demi-voix...

Le film témoigne tout simplement de cet engagement fou à vouloir aimer. Il ne veut pas entrer dans les débats politiques de savoir qui a réellement tué les sept moines. C'est d'ailleurs le brouillard et peut-être ne saurons-nous jamais vraiment ; c'est l'Histoire qui peut-être le révèlera un jour... En tout cas c'est dans le brouillard que nos moines avancent et s'enfoncent avec ces hommes qui les ont enlevés. Ils ne reviendront pas ; leur vie est donnée librement. Le film nous laisse en suspens ; et nous retourne en nous-mêmes...

Merci à Xavier Beauvois qui signe là un très beau long métrage. Merci aux acteurs qui nous font entrer dans ces vies et dans cette vie de prière. Leur chant - car c'est eux qui chantent - comme leurs visages sont habités de cette présence qui accompagnait ces moines et  qui donnait sens à leur existence.

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