Homélie dim. 3 déc. 2017

1er dimanche de l’Avent / Année B

Is 63,16b-17.19b ; 64,2b-7 / Ps 79 (80) / 1Co 1,3-9 / Mc 13,33-37

Ces textes ont été choisis et nous sont proposés par l’Eglise pour nous donner la « tonalité » ou le sens de ce temps particulier qui commence aujourd’hui. Je rappelle juste que l’Avent c'est le temps des commencements et c’est ce temps qui nous est donné pour nous orienter vers Noël. Ça n’a de sens que si on vise Noël comme l’étape vers laquelle on est invité à s’acheminer.

L’Avent ce n’est pas juste un petit carême pour préparer nos cœurs au doux mystère de la naissance du petit Jésus ; non. On pourrait dire que l’Avent c’est comme si c’était déjà le mystère de Noël qui est déjà en train de se dire, pour que le jour J on soit prêt à accueillir pleinement la Bonne Nouvelle qui nous attend et qui est bien plus riche, bien plus vaste, que juste fêter la naissance du petit Jésus.

D’ailleurs vous entendrez dans certaines oraisons des semaines à venir et dans la bénédiction solennelle, comme on l’a entendu dans la 2ème lecture, que cheminer vers Noël, du coup, c’est nous préparer à accueillir la venue mais aussi le retour du Christ. Et pour certains d’entre nous, nous y faisons souvent peu attention, mais c’est ce que nous chantons pourtant à chaque anamnèse, juste après la consécration et l’élévation du pain et du vin qui deviennent mystérieusement mais réellement le sacrement de la présence de Jésus, c’est-à-dire le signe qu’il vient et le moyen par lequel il veut nous rejoindre aujourd’hui ; et là nous chantons, nous y ferons encore plus attention que d'habitude, que nous attendons sa venue dans la Gloire.

Mais pour cela, nous sommes appeler – Jésus vient de nous le dire dans l'évangile – à « veiller ». Jésus utilisé le mot à trois reprises, en quelques lignes seulement ; il insiste. Et donc l’Avent, nous dit la liturgie, est un temps de « veille ». Mais attention, pas de « mise en veille » comme quand on éteint sa télé ou quand on éteint son écran d’ordinateur pour aller faire autre chose ou être à l’heure à un office communautaire ; là, il s’agit d’une veille active, comme quand on veut tenir toute la nuit pour faire la fête et qu’il faut arriver à rester éveillé.

Petite parenthèse... Mes soeurs, je ne sais quelle est votre expérience récente en la matière, je ne sais ce que prévoit votre règle pour de telles fêtes nocturnes, je vous laisse voir avec la prieure…

L’Avent c’est ce temps où nous sommes invités à nous redonner les moyens ou à trouver comment nous tenir en éveil. Il s’agit de rester éveillé parce que nous attendons quelqu’un, quelqu’un qui vient, qui va passer ; parce que nous croyons qu’il vient Celui qu’on attendait, Celui que Dieu avait promis à son peuple. Et nous croyons qu’il veut encore venir nous rejoindre aujourd’hui ; nous croyons même qu’il est encore présent, mystérieusement puisque nos yeux ne le voient pas, mais qu’il est là, et qu’il n’attend qu’une chose : c’est que nous l’accueillions. C’est ce que nous fêterons à Noël ; et c’est aussi ce que nous célébrons à chaque eucharistie, dans cette autre attente dont je faisais allusion il y a quelques instants qu’il reviendra dans sa Gloire…

Nous sommes donc invités à veiller, invités à reprendre conscience que pour accueillir Dieu qui passe dans notre vie il faut se tenir prêt, debout, en scruteurs de l’horizon. Que veiller c’est se donner les moyens de garder les yeux ouverts, pour voir quelque chose qui advient.

On nous a même dit dans l’évangile qu’il faut être des veilleurs qui soient des portiers… A l’époque de Jésus les villes étaient gardées par des veilleurs, justement, – et ce sera encore pareil au Moyen-âge avec les châteaux forts. Celui qui veille est le gardien de la ville, il est celui qui décidera d’ouvrir ou pas à celui qui demandera à entrer dans la ville. Et Jésus nous dit que pour accueillir le passage de Dieu dans notre vie et dans ce monde il faut être comme ces veilleurs là, comme ces portiers…

Ça veut donc dire – nous le savons mais c’est toujours bon de le réentendre pour que ça s’ancre en nous –, que Dieu veut passer dans notre vie, qu’il veut venir à notre rencontre… Parfois nous avons du mal à y croire, nous ou nos proches, c’est vrai, car nous ne le voyons pas de nos propres yeux et parce que nous avons parfois l’impression qu’il n’est pas là ou qu’il nous abandonne à nos épreuves. Alors nous doutons de sa présence – comme ce que rappelait Isaïe dans la 1ère lecture –, nous doutons même de son existence, pour certains. C’est comme si nous baissions la garde, comme si nous fermions les yeux. Alors, de fait, malheureusement, nous ne verrons pas qu’il venait à notre rencontre…

Or c’est justement là l’enjeu. Car pour tenir debout dans l'épreuve, ou pour permettre à un proche de se relever, nous ne le pourrons pleinement qu’avec lui, avec sa force à lui, avec sa paix promise.

Certains pourraient vous dire et vous demander : « Ok, mais comment vient-il ? »… La réponse elle est multiple, et elle nous sera donnée et redite petit à petit au cours de l’année liturgique qui commence ; à Noël déjà, puis à Pâques et à Pentecôte ; et même chaque dimanche voire chaque jour où Dieu vient nous visiter et demeurer en nous par cemystère étonnant qu’est l’eucharistie.

Sans oublier, c’est indissociable, ce que nous avons entendu la semaine dernière, Jésus qui est là dans toutes ces personnes, notamment les plus fragiles, qui croisent notre route et qui sont en attente ou en besoin d’une présence, d’une aide, d’une parole qui remet sur pieds ou en confiance de vie…

Entrer en Avent c’est en tout cas faire ce pari de confiance, c’est renouveller et refonder ce pari de confiance, que Dieu passe dans notre vie. Quoi qu’il arrive. Qu’il veut passer dans notre vie à chacun. Et qu’il veut même par nous et avec nous naître aujourd’hui encore à ce monde qui en a tant besoin. Mais qu’il dépend de nous de garder les yeux ouverts pour essayer d’apprendre à voir quand et comment il passe ; et qu’il dépend aussi de nous de vouloir lui ouvrir notre porte.

J’aime bien, d’ailleurs, ce verset du livre de l’Apocalypse au verset 20 du chapitre 3, où Jésus nous dit : « Je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un m’entend et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je dînerai avec lui et lui avec moi ». Voilà qui illustre bien notre évangile et qui fait bien le lien aussi entre le temps de l’Avent et cette eucharistie, quand nous nous approcherons tout à l’heure pour communier… « Je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un m’entend et ouvre la porte, j’entrerai chez lui »…

La question qu’il reste à se poser – et je terminerai par là – c’est celle de savoir ou plutôt de décider chacun comment nous allons vivre ce temps de l’Avent. Est-ce que nous sommes prêts à vivre ces 4 semaines qui viennent comme une chance pour nous préparer et même entrer déjà dans le mystère de Noël, et donc à nous y mettre de suite, car le temps va filer ?! Vivre ce temps comme une chance pour nous préparer à Noël c’est-à-dire une chance de mieux pouvoir entrer dans le mystère de ce Dieu qui veut nous rejoindre, parce que ce monde en a besoin, parce que ce monde que Dieu aime a besoin qu’il vienne naître et renaître encore au cœur de toute la violence qui nous accable, pour que la paix grandisse, sa paix.

Peut-être que certains se disent ou diront  autour de vous : mais après tout, à quoi bon, tout est tellement désespérant parfois, pourquoi l’accueillir, pourquoi y croire ? Moi je crois que la raison c’est celle qu’on a chanté avec le psaume, c’est cette promesse de Dieu qui veut prendre soin de nous, tout simplement parce qu’il veut pour nous le bonheur, un Dieu qui veut nous aider à traverser avec lui les épreuves de nos vies pour que nous restions dans l’espérance et la confiance que la vie vaut le coup d’être vécue, et qu’elle peut être vécue, pleinement, même quand on serait tenté d’en douter…

Et c’est vrai qu’il arrive autour de nous, ou nous-mêmes parfois, qu’on reproche à Dieu son absence – comme dans la 1ère lecture – ; mais du coup, pourquoi ne pas se demander comment nous rendre plus présent à lui, notamment pendant ce temps de l’Avent, concrètement ?

Dans la prière déjà, l'écoute intérieure dont vous êtes signe pour nous par votre vie, mes soeurs ; et par une écoute peut-être plus assidue de la Parole, soi-même ou à la messe mais aussi, par exemple, à quelques uns d’un quartier ou d’un village ou d’un hameau – dans le jargon diocésain on appelle ça des Fraternités locales.

Et puis profiter de ce temps de l’Avent pour se rendre mieux présent à Dieu qui vient par tous ces petits gestes à vivre chaque jour qui disent notre foi en ce Dieu qui vient à nous dans les rencontres et les évènements du quotidien, ces paroles de réconfort que nous devons oser prononcer et ces gestes de tendresse et de réconciliation qu’il nous faut poser…

Je vous le rappelle, Dieu est le Dieu miséricordieux, qui nous appelle à aimer comme lui, qui nous appelle à la consolation, au pardon et à l'espérance. Et nous le savons, mais c’est bon de se le redire, c’est à accueillir pour nous mêmes pour le vivre en actes autour de nous !

Nous n’y arrivons pas toujours, peut-être dans certaines situations que nous vivons en ce moment, peut-être certaines situations de détresse que nous traversons ou côtoyons ou dans certaines réconciliations sur lesquelles nous butons ou que nous avons encore à vivre ; voilà la grâce de Noël qu’il nous faut oser demander dès aujourd’hui, puisque déjà nous entrons aujourd’hui dans la célébration de ce mystère, qui n’est pas juste un rappel du passé qui nous réchauffera le cœur comme un conte qu'on se redit au coin du feu mais bien une promesse de vie…

Nous sommes en tout cas invités à nous mettre en état d’attente mais il s’agit d’attendre activement et pour cela à scruter ce qui va advenir pour nous et nous y ouvrir. Alors je prie pour que nous trouvions chacun comment vivre pleinement ce temps des commencements, que nous trouvions chacun comment nous préparer à accueillir Noël dans la paix et dans une confiance en la vie et en Dieu qui soit renouvelée. Que cette eucharistie, ce soir encore, y contribue déjà pour une part…

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Petit bonus, lu ce jour dans les dernières pages du dernier livre de Jean Vanier, Un cri se fait entendre (Bayard, septembre 2017) ; quelques lignes (p. 196) qui consonnent avec mes balbutiements du jour (pour l'un ou l'autre point en tout cas) et surtout avec notre entrée en Avent mais aussi avec l'actualité et ce que nous entendons des cris du monde :

« Nous sommes dans une période d'attente, qui est aussi une promesse. Viens, Seigneur Jésus, car nous n'en pouvons plus. Nous sommes las de la souffrance. Nous sommes las des divisions. Nous sommes las de voir notre si beau jardin – la Terre – saccagé par l'avarice des nations et des puissants. Et Jésus nous fait signe : il va venir. Mais il va venir dans le cœur des pauvres et des exclus [qui] nous révèlent le chemin du Royaume. (...) Jésus est comparable à un aimant, qui désire attirer à lui chaque personne. Jésus vient frapper à la porte de nos cœurs. Il attend que nous disions oui pour pouvoir entrer et manger à notre table. Pour devenir notre ami. Oui, viens Seigneur Jésus, viens... »

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