Homélie dimanche 27 octobre 2013

30ème dimanche du Temps Ordinaire / Année C

St Chef (avec 1ères communions)

Si 35,12-14.16-18 / Ps 33 (34) / Tm 4,6-8.16-18 / Lc 18,9-14

Dans cette page d’évangile qu’on vient d’entendre, Jésus nous raconte une histoire. Visiblement Jésus ne parle pas directement à ses disciples même s’ils ne sont sans doute pas très loin et que cette parabole va donc les interroger eux aussi sur ce qu’ils sont et sur ce qu’ils font. L’enjeu c’est justement ça, c’est qu’on se laisse interroger, nous aussi… Jésus s’adresse plus particulièrement, nous dit le texte, à « certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres ». Il y a là quelque chose de paradoxal : être convaincu d’être juste, d’être du côté des bons, mais mépriser ceux qui sont là autour. Ça nous pose déjà deux questions – plus une 3ème que je garde pour tout à l’heure – deux questions, donc, qui nous concernent tous je pense : (1) quand est-ce que je me crois « juste », bon, et pourquoi ? Et puis (2) quand est-ce qu’il m’arrive de mépriser les autres – qui, d’ailleurs ? – et qu’est-ce qui se joue là-dedans ?

Pour nous aider à y voir plus clair Jésus raconte donc une parabole, une histoire, dans laquelle il y a deux personnages ; ils ne sont pas à opposer parce qu’en fait ils sont comme deux attitudes qui nous traversent tous si nous regardons notre vie en vérité : un pharisien, d’abord, c’est-à-dire un juif pieux et instruit qui connaît la Loi – ce qu’on appelle les livres de la Loi ou la Torah c’est-à-dire la Parole de Dieu. C’est un juif pratiquant qui sans doute fait tout comme il faut ou du moins du mieux possible. Si on transposait un peu vite, on pourrait dire un « bon » paroissien du dimanche. Face à lui, un publicain, c’est-à-dire un collecteur d’impôt, un juif qui travaille pour le compte de l’occupant romain, un « collabo » ; quelqu’un qui n’est donc pas génial, pour dire un peu vite, en tout cas pas aussi bien en apparence que le pharisien.

Notre pharisien comme le publicain sont dans le Temple, le lieu de la présence de Dieu. Et ils prient. Le contenu de la prière du pharisien est intéressant : il s’adresse à Dieu mais vous aurez peut-être remarqué que c’est lui, le pharisien, le centre de sa prière. Pas tellement pour confier à Dieu ce qu’il vit ou ce qu’il a à traverser, ou ce qu’il attend de lui ; non : il est, lui le pharisien, le centre de la prière en ce sens où il parle de lui seulement, sans laisser en fait aucune place réelle à Dieu ; et surtout il le fait en se comparant aux autres ou plutôt en situant les autres par rapport à lui. Je vous relis ce qu’il dit dans sa prière : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne ». Je relève trois choses dans cette prière : d’abord il a de la chance notre pharisien d’être un homme si bien et en plus de le savoir ! Il est tellement bien notre homme qu’il jeûne deux fois par semaine – ce qui visiblement doit être un truc super ! en tout cas ça doit correspondre à une prescription de la Loi – et il donne de grosses sommes d’argent, sans doute pour les pauvres, ce qui le rend encore meilleur ! Mais il est tellement à ce qu’il fait, ce brave priant, il est tellement dans sa prière, il est tellement concentré sur ce temps qu’il donne à Dieu, qu’en fait il est ailleurs, il est à autre chose ; il est en train de regarder le publicain qui est là à ses côtés… Il est en train de dire : « moi je suis bien, pas comme lui »… Eh bien moi ça me fait penser direct à ce verset d’évangile qui devrait guider nos rapports entre nous : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés »… Et ça me fait penser à un autre passage, ça me fait penser à cette scène de la femme adultère, dans l’évangile de Jean, quand Jésus dit aux pharisiens : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre »… Notre pharisien, je ne sais pas ce qu’il a dans le cœur, mais j’ai l’impression que Dieu n’est pas, à ce moment là, sa vraie première préoccupation… Et c’est là que je vous sors ma 3ème question : on pourrait se demander dans quel état d’esprit nous sommes là le dimanche… Est-ce que nous sommes vraiment là pour Dieu ? Est-ce que nous voulons vraiment que la Parole de Dieu, l’eucharistie et la prière nous transforment le cœur et nous ajustent à Dieu ? La question elle se pose à nous tous, adultes et enfants, « bons » chrétiens – vous mettez des guillemets s’il vous plaît – et chrétiens de loin… Et elle se pose de façon particulière ce matin avec cette fête de la 1ère communion qui nous rassemble… Est-ce que nous sommes d’abord là pour Dieu ? Est-ce que nous voulons bien lui faire une place ?

Face au pharisien, il y a le publicain. Notre collecteur d’impôt il est là, presque tout tremblant, n’osant même pas lever les yeux, ayant sans doute peur de ce regard des autres qui sont là en train de le regarder. Ce publicain, il n’a pas grand-chose de bien sur lui à dire à Dieu ; il le sait ; il ne peut que murmurer ces mots : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis »… J’ose croire en la sincérité de cette parole. Je le vois bien, recroquevillé sur lui, se frappant la poitrine. Il sait très bien que ce qu’il fait au quotidien n’est pas bien. Mais peut-être qu’il n’a pas le choix en ce sens où il est pris dans un système duquel c’est trop dur de sortir ; peut-être qu’il a une famille à nourrir. Et il se lamente de ce qu’il est devenu et de son incapacité à s’en sortir autrement. J’ose croire cela. Alors tout simplement il s’en remet à Dieu. Il se tourne vers ce Dieu qui est un « juge » - comme a dit la 1ère lecture – un « juge » aimant et compatissant, un Père à l’écoute de ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes, c’est-à-dire un Dieu qui certes nous veut responsables de nos actes – il ne cesse de le dire tout au long des Ecritures – mais un Dieu qui quoi qu’il arrive nous aime et qui veut nous sauver, c’est-à-dire nous permettre de grandir et d’avancer. Et qui pour cela a besoin que nous nous ouvrions à sa présence, il a besoin que nous acceptions de reconnaître que nous ne sommes pas les meilleurs ou pas tout-puissants comme le pharisien mais que nous sommes des être fragiles et même faibles parfois, que nous sommes des êtres blessés mais aussi pécheurs. Le reconnaître pas pour nous regarder le nombril et nous lamenter ; mais pour nous laisser rejoindre par Jésus lui-même et lui demander d’être notre force pour vivre à sa suite… C’est exactement ce qui nous est proposé de vivre à chaque eucharistie, à chaque messe où Jésus se donne à nous, de façon mystérieuse c’est vrai mais réelle, puisqu’il l’a promis…

On va prendre quelques instants de silence, maintenant, pour laisser ces mots résonner en nous et confier au Seigneur ce que ça réveille en nous. C’est ça déjà, tout simplement, la prière…

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