19 Août 2017
Col 3,12-17 / Ps 33 (34) / Mt 6,24-34
Ce texte d’évangile qu’on vient d’entendre, il peut nous surprendre… Certains d’entre vous se demandent peut-être – et vous êtes en droit de vous le demander – quel est rapport avec ce qu’on célèbre ? Quel rapport avec l’amour et le choix de s’engager dans le mariage ?
La 1ère lecture qu’on a entendue juste avant, c’était plus évident. Paul qui s’adresse à une communauté chrétienne nous donne des conseils pour le vivre-ensemble. Ça marche pour une communauté humaine et notamment chrétienne et donc ça marche pour un couple et pour la famille qui pourrait en advenir. Car votre engagement, Pauline et Vincent, c’est aujourd’hui la naissance d’une petite communauté où la vie est appelée à se transmettre et à s’ouvrir autour de vous.
J’aime ces mots de St Paul que vous avez choisi de nous partager ; ces mots, Pauline et Vincent, que vous avez qualifiés, quand nous préparions, de paisibles et de vrais ; ces mots qui sont en même temps un appel qui vous est adressé et qui nous est, à tous, par vous adressé ; St Paul qui nous dit : « revêtez votre cœur de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur, de patience » ; St Paul qui ajoute : « supportez-vous et pardonnez, si vous avez des reproches à vous faire »… Ainsi, je crois, l’amour sera plus fort, et sera surtout dans le réel, au-delà des épreuves et des tensions, car il y en aura. L’amour sera vrai car il sera une décision, celle d’avancer ensemble, celle de prendre soin de l’autre tel qu’il est et pas seulement comme j’aurais voulu qu’il devienne, dans l’écoute patiente des aspirations de chacun, dans la bienveillance qui croit en l’autre, et dans le pardon aussi.
Parce que ça veut dire quoi aimer, aimer pour de vrai ? Aimer ce n’est pas juste être amoureux et en faire une force de vie. Non. Aimer c’est une décision. C’est parce que j’aime l’autre, parce que ça vibre en moi, parce que ça me fait vivre, parce que ça me révèle à moi-même aussi, au-delà de mes blessures et de mes manques de confiance en moi et au cœur de cela, c’est parce que j’aime l’autre et que je sens que mon chemin de vie pourrait être là qu’alors je décide d’en faire quelque chose, que je décide de m’engager à aimer pour le chemin qui s’ouvre. C’est cela que nous célébrons aujourd’hui. Pas l’amour en tant que tel, même si c’est déjà bien, même si c’est déjà beau, mais la décision de s’engager à aimer. Décision folle car personne ne peut savoir qui il sera dans 50 ou 60 ans, mais décision qui est pourtant un véritable chemin de vie et de liberté, le choix de l’autre pour ce qu’il est déjà pour moi et pour ce qu’il me permet déjà de vivre, le choix de l’autre comme chemin de bonheur ensemble, au cœur des évènements heureux qui seront donnés mais aussi comme force au cœur des épreuves, que ce soit dans le soutien mutuel ou que ce soit dans les pardons qui seront à vivre entre vous.
Ce chemin sur lequel vous avancez et que vous décidez d’assumer aujourd’hui, ce chemin sur lequel vous vous engagez, Pauline et Vincent, nous savons tous qu’il est difficile autant qu’il est beau. Et nous avons tous autour de nous l’expérience qu’il en faut de la patience, de l’humilité, de la bienveillance et de la douceur. Et que parfois ça ne suffit pas. Qu’il faudra apprendre toujours à se dire les choses, qu’il faudra décider toujours de se comprendre et même parfois de se faire aider. Et qu’il y aura des pardons à vivre, à se demander et à s’offrir. Mais n’oubliez jamais qu’à deux on est plus forts, et que votre engagement de ce jour vous le prenez même à trois, car Dieu s’engage avec vous, aussi fou cela puisse-t-il paraître, aussi incompréhensible cela puisse-t-il être. C’est un pari de confiance que nous faisons, au nom de la foi qui vous habite. Si Dieu existe, ce que je crois, alors il s’engage avec vous car vous le lui demandez aujourd’hui. Et si Dieu s’engage avec vous, alors il sera présent et il vous aidera à avancer. Mais à la mesure de la place que vous lui ferez, car Dieu jamais ne s’impose. Ça se saurait ! Dieu ne prend que la place qu’on lui laisse, il nous aime trop pour s’imposer et contraindre notre liberté.
La 1ère lecture comme le psaume nous ont parlé de cette place que vous pouvez faire et que nous pouvons apprendre à faire à Dieu. Rendre grâce. Rendre grâce chaque jour de ce qui a été bon et beau, de ce qui a été de l’ordre de la vie qui fait du bien. Dire merci, tout simplement. Prendre le temps pour cela. Avec Dieu, comme nous le disent nos textes, mais aussi en couple, d’autant plus si je crois que l’autre est celui que Dieu me donne pour prendre soin de moi. C’est cela que nous célébrons aussi, c’est pour cela que le mariage est un sacrement c’est-à-dire un signe et un moyen que Dieu nous donne pour dire et manifester son amour et sa présence. Je disais souvent à mes paroissiens que Dieu n’a que nos mains humaines pour prendre soin de ce monde et de chacun et Dieu n’a que nos voix pour donner espérance, pour révéler l’amour possible et pour adresser des paroles de réconfort et de consolation. Et vous devenez l’un pour l’autre, Pauline et Vincent, témoins en actes de cela. Vous êtes appelés à l’être et à le devenir l’un pour l’autre et à le vivre, du coup, pour celles et ceux qui croiseront votre chemin.
Voilà comment comprendre, au cœur de notre célébration et au cœur de notre foi, les premiers mots de Paul dans notre 1ère lecture, quand il nous a dit : « Vous avez été choisis par Dieu ». En faisant librement le choix de vous marier à l’Eglise, en faisant ce choix libre de recevoir le sacrement du mariage, vous le devenez, à votre mesure évidemment ; vous devenez choisis par Dieu pour apprendre à être et à devenir des témoins en actes de son amour, des témoins en actes de l’amour qui peut tout, malgré sa fragilité et malgré les apparences parfois. En n’oubliant pas que le cœur de notre foi, le cœur de la foi chrétienne, c’est la résurrection, c’est la confiance et l’espérance qu’avec Dieu aucun chemin n’est sans issue, qu’avec Dieu la vie est et sera, quoi qu’il arrive, plus forte que tout mal et que toute mort. Et donc qu’au cœur de épreuves que nous avons tous à traverser, un chemin de vie est possible, avec Dieu. La question sera toujours celle de savoir comment lui faire une place, comment entendre les chemins de vie qu’il souffle en nous, et comment découvrir sa présence au cœur de cela.
Je crois qu’il est là dans chaque événement et chaque rencontre qui donnent de croire en la vie, dans chaque événement et dans chaque rencontre qui sont de l’ordre de la vie qui est là et qui nous traverse, aussi petite, fragile et imperceptible serait-elle. Alors il nous faut nous donner le temps de nous arrêter pour regarder, pour relire ce que nous vivons, pour recueillir ces presque riens du quotidien qui nous font nous tenir debout dans la vie, et alors rendre grâce. Découvrir ainsi que le Seigneur ou la vie – c’est pareil – nous donnent ce dont nous avons besoin.
Et le voilà le lien avec l’évangile qu’on a entendu, j’y reviens – je n’avais pas oublié ! Jésus nous a dit : « Votre Père céleste sait ce dont vous avez besoin » ; et la Bible ne cesse d’essayer de nous faire comprendre qu’il nous donnera ce dont nous avons besoin. Apprenons juste à voir et à recueillir ce qui est donné, apprenons à remercier l’autre pour ce qu’il me permet de vivre et de découvrir de mon chemin, osons aussi nous demander pardon quand nous nous blessons ou que nous sommes dans l’incompréhension. Et ce dont nous avons besoin sera donné. Ou plutôt, nous verrons que ce dont nous avons besoin est déjà donné, est déjà là, dans telle parole de confiance, dans telle personne qui va nous aider ou nous apporter de la joie, dans tel événement qui va nous donner d’avancer ou de nous relever, etc.
C’est exactement cela que Jésus essaye de nous dire quand il nous invite à chercher le Royaume. Car son Royaume de paix et d’amour est déjà là, il est déjà advenu par la prédication en actes de Jésus. Il est dans les petites choses de chaque jour, aussi petites qu’une graine de moutarde qui va devenir un grand arbre, et aussi précieuses qu’une perle ou qu’un trésor enfouis dans un champ. C’est là, mais c’est à recueillir, à faire advenir, dans nos actes et nos paroles du quotidien.
Alors, je le redis, apprenons toujours et apprenez toujours plus, Pauline et Vincent, à vous dire merci pour ce qui est bon et beau, à vous demander pardon aussi, et à vous partager ce qui fait vos joies et vos peines, vos questions également ou vos colères. Et pareil avec Dieu, chacun et ensemble si vous y arrivez petit à petit. Et demandez-lui qu’il vous éclaire dans les choix que vous aurez à faire, écoutez en vous les désirs de vie qu’il dépose ou les intuitions qu’il souffle en vous. Ecoutez chacun et partagez ensemble ce qui résonne en vous. Ecoutez aussi ce que les appels du monde autour de vous viennent bousculer en vous et pour votre couple, car sans doute que là Dieu veut vous parler ou vous guider. Dieu, là, veut vous faire signe pour ce qu’il attend de vous pour que vous soyez à votre mesure ses mains et sa voix dans ce monde, l’un pour l’autre, mais également pour celles et ceux qui croiseront votre chemin et qui cherchent peut-être un sens à leur vie ou au cœur de ce qu’ils traversent.
Comme le disait l’évangile, ne vous souciez pas d’abord des choses matérielles ou de votre lendemain. Ne vous en souciez pas trop. Vivez chaque jour tel qu’il est donné. Dans la confiance que Dieu est là avec vous et dans la reconnaissance de la vie qui vous traverse. Celle que vous transmettrez à vos enfants à venir, si Dieu et la vie vous en font le don, mais aussi celle que vous transmettrez autour de vous, forts de cet amour qui vous habite et dont vous allez prendre soin pour qu’il porte du fruit et pour qu’il rayonne en ce monde qui en a tant besoin.
Je vais m’arrêter là. Je vous propose que nous prenions quelques instants de silence pour confier au Seigneur ce que ces mots d’homélie éveillent vous, lui confier ce qui bouillonne en nous maintenant, ce qui nous habite chacun, dans cette confiance – ce pari de confiance – qu’il est là, qu’il nous entend et qu’il porte avec nous ce que nous voulons bien déposer en lui. Amen.