Donner du temps à l'éternité

J'aime ces mots, ce titre... d'un livre d'un théologien tchèque que j'ai ici découvert, Tomas Halik. J'avais entendu parler de lui par un confrère théologien mais aussi plus récemment par un ami allemand faisant ses premiers pas en théologie et se passionnant pour ce qu'il trouve ou découvre ou qu'on lui conseille... Alors j'ai été voir. Il s'agit là du seul livre pour l'instant traduit en français de ce penseur contemporain.

 

Donner du temps à l'éternité... L'auteur nous offre dans ces pages une sorte de grand commentaire de la rencontre de Jésus avec Zachée. Zachée le mal-croyant et le mal aimé, Zachée qui attendait dans son arbre, Zachée dont Jésus se fait proche en se déplaçant vers lui et en décidant de le rejoindre chez lui. Zachée modèle de ces périphéries vers lesquelles nous sommes appelés à nous rendre ?

Le contexte de ce livre est celui de l'athéisme post-communiste que traversent les pays de l'Est dont est Tomas Halik mais aussi une forme d'athéisme que je dirais diffus de nos sociétés contemporaines occidentales post-modernes. Avec cette question lancinante du : si Dieu existe, alors où est/était-il, que fait/faisait-il ? C'est toute la question ici abordée et pensée du silence de Dieu et de la patience dans laquelle ce silence nous demande d'entrer. C'est d'ailleurs le sous-titre à ces pages : La patience envers Dieu. La foi ne serait-elle pas affaire de patience ?

Le livre est fort stimulant à la pensée. Je ne le cache pas, il faut s'accrocher, c'est moins simple à lire qu'il n'y paraît un peu vite à cause du style très expérientiel de l'auteur. Certes, j'aime cette façon de faire théologie, à partir du concret vécu, à partir de l'expérience, une théologie non spéculative au sens d'abstraite et trop philosophique, trop conceptuelle. Mais des pages qui n'en sont pas pour autant plus simples, plus faciles d'accès...

On y croise d'ailleurs un certain nombre de philosophes comme Nietzsche et Simone Weil, des auteurs de littérature comme Kafka, des figures spirituelles de premier plan telles Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus, Thomas Merton, et d'autres...

C'est passionnant, vraiment intéressant et stimulant. Et il me semble que ces lignes de la p.262 résument bien ces pages, sont comme une synthèse-conclusion de ce que l'auteur veut nous partager ; c'est Dieu qui parle : “La foi respire elle aussi, si elle vivante, elle a ses jours est ses nuits. Dieu ne se manifeste pas seulement par ses paroles, mais aussi dans son silence. Il ne parle pas seulement aux hommes dans sa proximité, mais aussi dans sa distance. Tu as oublié d'écouter ma voix en ceux qui vivent mon silence, mon éloignement, qui, sur l'autre rive, dans la vallée des ténèbres, contemplent la montagne voilée des nuées de mon mystère. C'est là que tu devais me chercher, c'est avec eux que tu devais venir, c'est eux que tu devais rapprocher au moins un peu plus du seuil de ma porte. C'était la porte spécialement préparée pour toi.”

Finalement, pour conclure ces lignes, disons encore que Tomas Halik nous invite à une nouvelle théologie de la libération, pour reprendre ses mots, une théologie de la libération intérieure, une théologie de la libération des certitudes, y compris théologiques, et de ce fait là à un nouvel apophatisme : Dieu sera toujours au-delà de nos représentations et de nos compréhensions, même théologiques, et l'autre, dans sa quête quelle qu'elle soit, y compris jusque dans son athéisme, n'a-t-il pas quelque chose à me révéler dans son expérience du silence et de l'éloignement de Dieu à sa vie ?

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Tomas Halik, Donner du temps à l'éternité. La patience envers Dieu, Cerf, avril 2014, 273 pages, 24€.

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