17 Octobre 2018
Voilà un titre de livre bien accrocheur, dans le contexte ecclésial que l'on connaît, même s'il est sorti juste avant l'été et donc avant la Lettre au Peuple de Dieu du pape François. Et si ce n'est pas le titre initial, en italien, il invite à entendre en ces pages un acte de réflexion en vérité au coeur de la crise que nous traversons.
Si c'est avant tout une crise de confiance terrible, avec des vies brisées — la suite de ce post' n'entend absolument pas minimiser cela, simplement ce n'est pas son propos —, elle pourrait être pour nous un moment favorable pour s'interroger, pour refonder théologiquement nos fonctionnements ecclésiaux, pour les purifier peut-être, les réformer. Toute crise peut être traversée comme devenant une chance et ouvrant alors un chemin, si on s'en donne les moyens. Puisse celle là le permettre...
Ce temps que nous vivons vient notamment mettre en crise nos conceptions d'une certaine gouvernance dans l'Eglise et du coup nos conceptions de l'exercice du ministère presbytéral et même épiscopal dans les choix théologiques qui le fondent, comme dans le décisions disciplinaires qui l'ont modelé ces derniers siècles, depuis cette crise précédente que fut celle de l'époque de la Réforme. Je ne suis pas en train de dire qu'il faut fermer un chapitre de notre histoire et repenser je ne sais quoi je ne sais comment. Non, il convient de s'interroger, de comprendre ce qui se joue en profondeur quant à nos fonctionnements et leurs justifications et de comment il nous faut de ce fait là repenser ou réorienter notre ecclésiologie. Et ce livre peut nous y aider à sa mesure.
Le frère Michael Davide est moine bénédictin, italien. Il ose ici une parole, une réflexion. Comme il le dira dans les toutes dernières pages, il n'entend pas tant donner des solutions aux problèmes ou questions qu'il pointe et soulève, qu'il remet aussi en perspectives, que de nous bousculer par des provocations qui sont même, insiste-til, une provocation à penser. Qu'il en soit remercié ! Même si, autant le dire tout de suite, je ne suis pas forcément d'accord avec toute sa réflexion, même si j'aimerais qu'il parle non pas du prêtre mais des prêtres — comme le fait le concile Vatican II – ou même si certains aspects de ce qu'il essaye de penser restent encore un peu obscurs ou difficiles, comme en enfantement, en balbutiements qui demandent à mûrir encore... J'ai par exemple eu un peu de mal avec son développement sur le sacerdoce de Melchisédek...
Ceci étant, ces pages sont franchement stimulantes et mériteraient d'être lues, partagées et travaillées à plusieurs. Vraiment, je crois.
De ces réflexions je retiens tout particulièrement et je souligne tout ce qui est développé, que je trouve important, sur la centralité du baptême comme fondement de toute vie et de toute suite du Christ, dont le sacerdoce ministériel est un mode de déploiement. Restant quand même la question de sa sacramentalité, avec le risque parfois de réduire un peu vite un ministère à une fonction. Il y a là, en tout cas, un champ à explorer... Comme celui des “viri probati”, effleuré ou suggéré ci ou là, et celui de la distinction et même l'opposition que l'auteur fait entre vocation personnelle d'un jeune (vocation qu'il appelle “d'en haut”) et élection communautaire ( au sens d'appel, de choix ; une vocation dite “d'en bas”). Ma question serait : comment tenir les deux sans les opposer et comment les envisager plutôt dans une féconde complémentarité des accents propres de l'une devenant appel pour l'autre ? C'est toute la question du lien et de l'appel communautaires, et donc de l'appartenance communautaire, dans la vocation personnelle. Et c'est aussi, en fait, la question plus large de l'articulation entre charismes et ministères, entre appels personnels, besoins ecclésiaux et élection (choix, appel) pour un ministère (qui est, pour dire un peu vite, un charisme reconnu et institué comme ministère, pour le service des communautés et de l'annonce de l'Evangile, en réponse à un besoin ecclésial).
Passionnant, donc ! Ajoutez à cela les questions de vie spirituelle et de sexualité, de prise en compte de l'humanité et de la corporéité de toute personne et de toute vie, y compris celle des prêtres, la question aussi des fragilités assumées. Cela joue pour le célibat, évidemment. C'est également la difficile question de l'homosexualité, ici abordée avec un regard et une parole qui sont courageux.
Des pages fort stimulantes, un questionnement vaste, qui invitent à voir en la crise actuelle que nous devons vivre courageusement un signe des temps pour avancer.
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frère Michael Davide, La vérité vous rendra libres. Spiritualité et sexualité du prêtre, Salvator, juin 2018, 152 pages (petit format), 16€.