29 Avril 2021
Ste Catherine de Sienne, fête [Docteur de l’Eglise et co-patronne de l’Europe]
1Jn 1,5 – 2,2 / Ps 102 (103) / Mt 11,25-30
J’aime beaucoup cette page d’Évangile, qui a pas mal marqué mon histoire personnelle et spirituelle – et même, pourrait-on dire, vocationnelle, puisqu’au cœur de ce que la vie nous donne de vivre Dieu ne cesse de nous appeler et de nous modeler dans le don de soi aujourd’hui qui soit réponse à son appel qui nous entraîne et nous façonne jour après jour, de consentement en consentement.
J’aime donc beaucoup cette page d’Évangile, et la priant ce matin je me disais : combien j’aimerais que tous ceux qui peinent sur le chemin de leur vie entendent ces versets et osent y croire. Combien j’aimerais qu’ils rencontrent d’humbles témoins qui sachent les conduire et les accompagner dans cette confiance-là.
« Venez à moi », dit Jésus. « Venez à moi vous tous qui peinez. (...) Et moi je vous procurerai le repos ». Fr. Roger de Taizé aimait traduire : « Et je vous donnerai la paix du cœur ».
Rappelons-nous, les premières paroles de Jésus ressuscité : la paix, justement. « La paix soit avec vous ».
Venir au Christ et avancer avec lui sous son joug, le joug de sa présence de Ressuscité, comme il l’a promis, le joug de sa présence qui veut porter avec nous et pour qui tout est plus léger car tout est remis et déposé dans les mains du Père et dans son cœur tout-aimant qui veut nous sauver.
Alors la louange peut éclater – celle-là même du Christ au Père du début de notre page d’Évangile. La louange peut éclater et parfois nous en sommes les premiers surpris, elle peut éclater au cœur même de l’épreuve et de la traversée, dans l’expérience de la paix alors reçue et, avec elle, de cette joie intérieure qui nous envahit alors. Action de grâce pour cette Présence pressentie, pour cet amour qui illumine les ténèbres des jours difficiles et les transfigure, qui deviennent passage de vie, mystérieusement, dans ce don d’une Présence.
Et voilà que la vie nous traverse, voilà que nous renaissons à la vie, la vie telle qu’elle est pourtant, la vie en son réel concret, mais la vie. La vie qui est le fruit du don reçu, la vie qui en surgit. Et le chemin s’éclaire. Et il nous est donné de voir comment il se fait, par où ça passe, quels évènements, quelles rencontres, quelles Paroles des Écritures aussi et quels silences en font un chemin d’Emmaüs où Dieu se révèle et où nos cœurs peuvent prendre conscience que là se joue une vérité de nos vies.
« Venez à moi », dit Jésus. « Venez à moi vous tous qui peinez. (...) Et moi je vous procurerai le repos ». C’est promesse de vie, au cœur de nos traversées. Je pensais notamment et tout spécialement à celle de la maladie, vous l’aurez compris, mais n’est-ce pas le même appel et la même expérience que le Christ veut nous offrir à propos du péché qui marque notre vie à chacun et dont nous parlait la 1ère lecture ?
Le péché n’est-il pas d’ailleurs du même ordre que la maladie, un mal qui lui aussi nous traverse et nous entraîne, un mal qui peut nous décourager de nous-mêmes et parfois même d’un sens à la vie ? Même dans des petites choses, car nous voyons bien que nous n’y arrivons pas, que nous retombons, que la chute est originelle, elle est de tout-jours, chaque jour. Et nous désespérons parfois, car nous retombons dans nos travers, dans les mêmes pièges, dans nos difficultés à aimer et à supporter telle sœur, tel proche, tel parent, tel autre, parce qu’il nous agace, parce qu’il nous renvoie peut-être à telle blessure encore vive en nous, qui cicatrise tellement lentement, etc.
« Venez à moi », dit Jésus. « Venez à moi vous tous qui peinez. (...) Et moi je vous procurerai le repos ». Venons à lui pour lui demander là aussi sa lumière, celle qui ne fait pas disparaître le nuit – du moins pas pour toujours, pas encore – mais qui permet d’avancer quand même et qui transfigure nos visages.
Venons à lui, dans sa lumière de Ressuscité, pour lui demander que nos ténèbres soient éclairées d’une lumière nouvelle, celle du salut, celle de la confiance que l’amour de Dieu pour nous est sauveur. Que Dieu nous aime et ne veut pas nous condamner, nous enfermer dans une conscience culpabilisante de notre péché, quel qu’il soit, non, mais qu’au contraire il veut juste que nous regardions en vérité ce qui fait nos capacités à aimer comme nos manquements à l’appel, pour là apprendre à aimer avec lui, pour là apprendre à nous abandonner à sa grâce aimante, pour là nous découvrir aimés, malgré tout. Et que c’est salut, c’est résurrection.
Alors la louage et l’action de grâce peuvent surgir en nous. Et le chemin se fait, se trace au cœur du réel de notre vie qui balbutie en amour. Mais il se fait, il se trace en nous et entre nous, dans la force du pardon qui non seulement a pu s’envisager mais qui peut désormais se célébrer…
Ce matin, dans cette eucharistie, offrons tout simplement ce que ces mots éveillent en nous, ce qu’ils réveillent du réel concret de nos traversées, celles du mal en nous, celui du péché comme celui de nos épreuves de vie. Et tout cela, bien simplement, déposons-le avec le pain et le vin, offrons-le au Père, pour que le Christ le transfigure dans son amour sauveur, dans le don de lui-même pour nous et par amour. Et que là, pour ce jour déjà, nous recevions le repos, le repos du cœur, la paix et la joie.