16 Mai 2021
7ème dimanche de Pâques – Année B
[Carmel ND de Surieu]
Ac 1,15-17.20-26 / Ps 102 (103) / 1Jn 4,11-16 / Jn 17,11b-19
Je ne sais pas comment vous recevez ces paroles de Jésus mais personnellement je trouve assez émouvant d’être entraîné et associé à sa prière. Et pas n’importe quelle prière : sa grande prière au Père juste avant sa Passion, cette grande prière qui est comme un point d’orgue à son discours d’adieux aux disciples – dans l’évangile de Jean –, ce discours que nous avons entendu au fil des jours depuis deux semaines à peu près.
Et dans cette prière, et notamment dans le passage que la liturgie nous en donne à entendre ce matin, on retrouve quelques-uns des thèmes de ce grand discours d’adieux – ce testament spirituel de Jésus – : la promesse de la joie par exemple ; mais aussi l’appel à se laisser travailler ou émonder par la Parole de Dieu – ici Jésus nous dit : se laisser sanctifier par elle – ; ou encore la question du rapport au monde, comme lui qui a été envoyé dans le monde mais qui n’est pas du monde…
Et je suis notamment frappé par ce point-là, cet appel-là : nous ne sommes pas du monde, dit-il, et pourtant nous sommes appelés à y être pleinement, nous y sommes envoyés par le Christ lui-même. Nous sommes appelés à y porter du fruit, nous sommes appelés et envoyés pour y être témoins du salut, à la suite du Christ, pour vivre et continuer sa mission.
Mais nous ne sommes pas du monde, nous ne sommes plus du monde ; au sens où nous sommes au Christ, nous sommes du Christ. Et cela seul doit guider notre vie. C’est cela qui doit nous donner le cap et nous indiquer comment être présents dans ce monde.
Ce monde, nous ne le savons que trop bien, il est défiguré par le mal et par la mort. Il nous suffit d’allumer la radio pour l’entendre et en reprendre conscience s’il fallait. Je ne parle même pas de la pandémie, mais aussi de ces guerres qui n’en finissent pas.
Et nos vies sont elles-mêmes traversées par le mal, pas seulement la maladie et je ne sais quelles autres épreuves qui nous touchent directement ou par nos proches, mais aussi, regardons-le en vérité, par ce mal qui nous traverse, dont nous sommes partie prenante, le péché, toutes ces fois où nous manquons la cible de l’appel à aimer – en Hébreu c’est ça l’image et le sens du mot : pécher c’est manquer la cible.
Notre monde et nos vies sont défigurées par le mal et par la mort. Et là le Christ nous envoie. Il nous appelle, et il compte sur nous, pour que par nous il puisse continuer d’offrir le salut. C’est l’appel à aimer, nous aimer les uns les autres de cet amour même de Dieu pour nous et pour ce monde, son amour sauveur, sa miséricorde. C’est l’appel à prendre soin, à pardonner, à consoler, à permettre à celles et ceux que la vie cloue au sol de se relever et de reprendre leur route. J’ai envie de dire : tout simplement.
Nous sommes au Christ, nous sommes du Christ, choisis et appelés, envoyés, pour vivre cela. A notre petite mesure, pas plus, peut-être, mais toute notre mesure, pour que la somme des gouttes d’eau que nous pourrons apporter – comme dirait Sainte Mère Teresa de Calcutta – soit tel un océan de vie, dans le Christ, qui libère petit à petit de tout mal et qui l’emporte sur les forces de mort qui nous assaillent.
Le Christ a donné sa vie pour cela. Parce que Dieu aime ce monde et veut le sauver. Parce que Dieu nous aime et voudrait sauver toute notre humanité – et même toute la création, d’ailleurs.
Il nous appelle, il nous envoie. Pas seuls, mais ensemble. Car c’est ensemble, dans la complémentarité de nos charismes et de nos vocations, que nous pouvons être – comme je dis souvent – ses mains qui vont prendre soin, sa voix qui osera des paroles de salut, et ses pieds qui iront à la rencontre. Ensemble. Au souffle de l’Esprit Saint qu’il a promis à l’Ascension et que nous attendons et demandons avec force pour qu’il descende sur nous, tout particulièrement en ces jours où nous allons fêter la Pentecôte.
L’Esprit Saint… L’Esprit Saint c’est le lien d’unité entre le Père et le Fils, c’est la force de vie et d’amour de Dieu. Nous en avons besoin, chacun, pour vivre la mission à notre mesure, mais aussi ensemble, car il y a un enjeu d’unité entre nous, de paix, d’amour véritable et de pardon. Nous le savons bien. Dans nos communautés comme dans nos familles... Nous le savons bien…
Il nous faut le demander, cet Esprit Saint, avec force et insistance. Et entendre que ce qui va nous sanctifier, c’est-à-dire nous rendre saints comme Dieu seul est saint, c’est-à-dire capables d’aimer dans la perfection de l’amour qu’est Dieu, capable d’aimer de cette plénitude d’amour qu’il est et qu’il veut nous offrir et offrir à ce monde, ce qui va nous sanctifier, donc, nous rendre saints et donc aimants de l’amour même de Dieu, son amour sauveur, sa miséricorde, c’est l’écoute dans l’Esprit Saint de la Parole – la Parole de Dieu qu’est le Christ Jésus – l’écoute de la Parole jour après jour qui va nous travailler, nous façonner, nous configurer à aimer de son amour. Dans l’Esprit Saint qui nous est promis et qu’il nous faut demander.
L’unité entre nous, dans nos communautés comme dans l’Église du Christ, nous le savons, c’est un défi. Nous aimer vraiment, apprendre à nous soutenir, à nous supporter avec douceur et humilité – comme on l’entendait jeudi dans la 2ème lecture –, nous soutenir au-delà des rivalités et de je ne sais quels méfiances et jugements que trop vite nous portons les uns sur les les autres – et même dans un Carmel, je pense –, apprendre à nous pardonner et à nous regarder et nous voir avec les yeux mêmes de Dieu sur nous. C’est un enjeu, un défi. C’est l’appel à nous aimer dont il était question dans la 2ème lecture de ce jour.
Car Jésus l’a bien dit, juste après le lavement des pieds et juste avant son grand discours d’adieux à ses disciples : c’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que nous sommes ses disciples, et donc que nous serons crédibles pour ce monde dans l’humble témoignage que nous voulons y apporter, le témoignage de l’amour sauveur de Dieu, un témoignage en paroles et en actes, par notre vie de tous les jours, dans ce que le Christ nous soufflera de vivre pour que nous soyons sa présence continuée en ce monde, sa présence qui se rend visible.
C’est ce que nous célébrons à chaque eucharistie où nous invoquons l’Esprit Saint sur le pain et le vin et sur tout le peuple dont nous sommes, pour que nous devenions ce que nous recevons : le Corps du Christ, sa présence en actes dans ce monde.
Alors ce matin encore, en ces jours où l’Église nous invite à demander tout particulièrement l’Esprit Saint que les apôtres ont reçu à la Pentecôte et qui est la Loi nouvelle déposée dans nos cœurs, en ces jours et ce matin tout particulièrement, demandons au Christ que l’Esprit Saint nous configure toujours et encore, nous et toute l’Église, qu’il nous configure par l’écoute de sa Parole à aimer comme lui, le Christ, nous as aimés.
Que nos vies et toute notre Église témoignent ainsi de la miséricorde du Père dont notre monde a tant besoin. Amen.