5 Juin 2021
Ce livre... je le recommande car il faut entendre les victimes, les écouter vraiment...
Ce livre, je l'ai lu car je connais un peu, pour le croiser de temps en temps dans un monastère qui m'est familier, le prêtre qui prend la parole dans ces pages, avant d'autres qui tentent de mettre en mots à leur tour leur histoire...
Au coeur de ce livre, l'affaire Régis Peyrard, celle du diocèse de St Etienne. Et le témoignage du P. Jean-Luc Souveton qui a mis plus de 42 ans avant d'arriver à oser prendre la parole, s'y autoriser, et qui a ensuite vécu une autre forme d'abus, de la part de son évêque – c'est du moins comme cela qu'il l'a vécu et c'est cela qu'il nous faut entendre. Car les victimes on en parle, mais les écoute vraiment ?
L'intérêt, je trouve, de ces pages, c'est d'entendre, c'est d'être témoin de la difficile mise en mots et son pourquoi, et c'est les points de vue différents qui s'expriment autour de cette afffaire. Je m'explique : non seulement le témoignage de Jean-Luc Souveton mais l'analyse de son récit que nous livre ensuite une psychologue spécialiste de ces questions d'abus, puis le récit d'une jeune femme dont les frères ont été abusés mais n'ont pas voulu ou pas réussi à témoigner, dans un premier temps, et qui raconte comment elle s'est battue, dans sa famille, avec son histoire, puis avec la justice, pour que l'affaire puisse être jugée et que les victimes osent être entendues, et combien il y a de violence familiale, de silence, de déni, autour de tout cela.
Cet ensemble de récits et d'analyse et en soit à entendre et à lire.
C'est complété par un récit concernant un autre prêtre dans un autre diocèse, en l'occurence celui de Grenoble-Vienne, et par plusieurs autres d'autres victimes. Plus, en annexes, deux articles de Luc Chatel dans Le Monde des religions, l'un sur l'affaire Peyrard (qui est, je le redis, le coeur de ce livre), l'autre sur l'affaire Preynad ou plutôt le procès Barbarin.
Je dois à ce propos faire une petite remarque : j'ai été heurté, choqué même, car ces pages finales se concluent par un Addendum qui sont vraiment les derniers mots du livre et qui précisent que le cardinal Barbarin a été condamné en mars 2019 pour non-dénonciation dans l'affaire Preynat. On finit là-dessus. Ce livre réclame la justice pour de vrai et jusqu'au bout, dans l'écoute réelle des victimes. Et il faut ! Mais la justice c'est aussi de la respecter en ses décisions jusqu'au bout, quitte à dire qu'on n'est pas d'accord et pourquoi. Si je dis cela c'est parce que cet Addendum devrait aussi préciser qu'il y a eu relaxe en appel en janvier 2020. Ce livre était-il prêt avant et n'a-t-il pu le préciser ? J'ai du mal à le croire car il sort en 2021 et l'impression et le dépôt légal sont précisés comme datant de décembre 2020... Est-ce un choix de Luc Chatel, qui a visiblement dirigé la publication ce livre ? Certes, un pourvoi en cassation avait alors été posé... qui n'a été rejeté qu'en avril 2021, confirmant donc la relaxe mais arrivant trop tard pour apparaître ici. Il n'empêche, la relaxe était déjà prononcée, mais suspendue et mise en attente par ce pourvoi... Il aurait fallu le préciser... Certains diront peut-être que je défend l'institution car j'en suis, ou qu'il est dommage de s'arrêter là-dessus et pas sur le reste dont je parlais avant. C'est vrai. Mais on finit sur cette non-présison qui n'est pas anecdotique du point de vue-même de la justice... Que l'on soit d'accord ou non et que du coup on le précise ou pas...
Ceci étant, je le redis et je veux terminer par cela : il faut lire et entendre les victimes. Comprendre ce qui se joue pour elle. Car on pourrait vite penser qu'un Jean-Luc a sur-réagi à ce qui s'est joué avec son évêque, par exemple, mais justement il nous faut comprendre et entendre en profondeur ce qui s'est joué de son point de victime, et pourquoi c'est difficielment audible pour nous, peut-être, et justement pourquoi il nous faut écouter vraiment. Je trouve que de ce point de vue là l'analyse de son récit par la psychologue est capitale. De même la préface à ces pages signée de la présidente d'une association de soins et de prévention des abus sexuels.
Tout cela pour dire que vous ne perdrez pas votre temps à oser vous plonger en de telles pages. Que je recommande donc. Car il faut. Il faut entendre. Et le décider.
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Abusés. Des victimes de prêtres témoignent, collectif, éditions TempsPrésent, décembre 2020, 197 pages, 14€.
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Autre parole de victime dont je recommandais aussi la lecture sur ce même blog : celui de Daniel Pittet (en 2017), avec préface du pape François.