15 Septembre 2021
Mercredi 15 septembre 2021 / ND des Douleurs
He 5,7-9 / Ps 30 / Jn 19,25-27
Au lendemain de la fête de la Croix glorieuse, nous voilà invités à nous tenir en ce lieu là, au pied du Christ en Croix, aux côtés de Marie. Et à contempler ce qui se joue là…
Avec Marie, qui est là aux pieds du Christ, j’aimerais que nous nous laissions interroger : que savons-nous vraiment de la souffrance de l’autre ?
Là, au pied de la croix, il y a Marie, impuissante, qui perd son fils, douleur extrême de l’âme et du cœur, et qui sans doute la prend même au corps… Et il y a Jésus qui souffre de la violence des hommes, qui souffre de la condamnation de l’innocent, et qui souffre même d’une forme d’expérience d’un silence de Dieu – rappelez-vous son cri en Croix : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné…
Que savons-nous de la souffrance de l’autre qui est là, et en même temps : que savons-nous vraiment de ce qui se joue pourtant en lui, intérieurement, spirituellement, qui n’en est pas moins vrai ni réel ?
Quelle est-elle, notamment, la foi de Marie à cette heure-là ? Quelle confiance en Dieu et son salut, malgré tout ?
Et pour Jésus : qui peut voir et savoir l’œuvre de résurrection déjà en cours, bien au-delà des apparences ?
Nous sommes invités à nous tenir au pied de la Croix, celle du Christ mais aussi, dans ce qui fait nos jours, celle de l’autre qui est là et que nous connaissons ou croisons. Nous tenir au pied de sa Croix et risquer une présence. Pas tant oser des paroles qu’être là et se laisser rencontrer mutuellement dans la souffrance de l’autre et ce qu’elle peut provoquer en nous. Compatir. Se laisser être touché au plus intime de nous-même pour pouvoir entrer avec lui en promesse de salut.
Marie souffre avec Jésus. Elle est transpercée de ce mal qui le met à mort – comme le lui avait annoncé le vieux Syméon quelques 30 ans auparavant, lors de la présentation de l’enfant nouveau-né au Temple [*].
Et lui, Jésus, souffre avec nous, aujourd’hui, car il a consenti à souffrir à cause de nous et pour nous, pour nous ouvrir un passage. Il a été cet « obéissant » dont parle la 1ère lecture, fidèle à ce qui advient, par amour qui va jusqu’au bout et ne reprend pas sa parole, qui ne se défile pas ni ne sauve sa peau. Non, il a consenti à avancer librement pour épouser notre condition humaine jusqu’au bout, quoi qu’il en coûte, jusque dans la souffrance qui nous prend, pour nous ouvrir un passage, nous ouvrir au salut, le salut qui déjà est à l’œuvre et se révèle dans le mystère de la Croix et de la résurrection.
Car la Croix nous indique un chemin, celui que nous fêtions hier, celui de la foi en la victoire de la vie, cette victoire que la résurrection de Jésus va manifester et inaugurer pour nous.
Et cela nous concerne, cela nous appelle : apprendre à être tout-jours – chaque jour – dans cette confiance-là, cette espérance-là, en faire un moteur de vie, un moteur de confiance et d’espérance, pour nous qui souffrons ou pour celles et ceux que nous allons rencontrer et rencontrer jusque dans cette réalité-là de leur vie. Par amour. Pour risquer une présence car il n’y a rien de plus précieux pour celui qui souffre que de faire l’expérience qu’il n’est pas complètement seul et qu’une présence se tient là, à l’écoute de ce qu’il pourra partager de ce qu’il traverse. Pas pour faire de grands discours qui risquent de tomber à côté et d’être maladroits voire blessants, non, mais pour recueillir ensemble ce qui pourra se dire et discerner peut-être ce que cela ouvre comme chemin...
Comme Marie qui se tient là, femme des douleurs – car rien n’est plus difficile pour une mère que de perdre son fils –, Marie qui se tient là et qui reçoit ces mots de Jésus qui nous engendrent à une vie nouvelle : Femme voici ton fils ... [Et toi,] voici ta mère.
Marie nous accompagne dans cette communion à laquelle nous sommes appelés, au nom même de l’Évangile, celle de l’amour en actes et de la compassion, celle de la fraternité à toute épreuve, au nom même de l’Évangile…
On dit souvent dans telle ou telle scène d’évangiles que Marie retenait et méditait dans son cœur les évènements que le Seigneur lui donne de vivre. Nul doute que là encore c’est ce qui a dû se produire. Se tenir en ce silence-là, écouter, accueillir ce qui advient, et qui va transfigurer toute douleur…
Et consentir à nous soutenir les uns les autres dans ce passage, cette traversée, comme Jésus y invite Marie avec le Disciple Bien-Aimé ; entendre que se joue là notre vie en Église, en communauté, mais aussi en humanité, avec celles et ceux qui nous entourent et qui ont besoin d’une présence qui console et redonne l’espérance.
Nous tenir là, en silence, en souffrance, mais surtout en présence, comme Marie. Nous tenir ainsi aux côtés de celles et ceux qui souffrent et pressentir ensemble le salut qui vient, ce que nous affirmons et célébrons ce soir encore, comme à chaque eucharistie : la victoire de la Vie sur tout mal et sur toute mort, et la présence du ressuscité à nos côtés, comme il l’a promis.
Alors ce soir, bien humblement, présentons-lui ce que ces quelques balbutiements font monter en nous, présentons-lui aussi ce qui a besoin en nos vies ou autour de nous de croire en son salut et en sa résurrection. Prenons quelques instants de silence et présentons tout cela au Christ et par lui au Père, par l’intercession de ND des Douleurs, Marie sa mère et notre Mère. Amen.
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[*] cf. Lc 2,33-35 : autre évangile au choix pour ce jour.