Homélie Ste Famille 2021

Dimanche de la Ste Famille (Année C)

[Dimanche 26 décembre 2021]

1S 1,20-22.24-28 / Ps 83 / 1Jn 3,1-2.21-24 / Lc 2,41-52

 

En ces jours de fête où nous sommes invités à venir nous tenir au pied de la crèche et à contempler l’Enfant-Jésus – comme les bergers, hier, et les mages dans quelques jours –, en ces jours de fête, la liturgie de ce dimanche nous propose une sorte d’arrêt sur image : fixer notre regard sur cette petite famille qui est là, Joseph et Marie avec le petit Jésus qui vient de naître. Cette Ste Famille comme on dit.

Et en fixant notre regard sur eux trois, prier pour nos familles : à la fois rendre grâce, peut-être, pour ce qui a été donné – comme Anne dans la 1ère lecture –, mais aussi confier le chemin de chacune d’elles et tout particulièrement le chemin de celles qui traversent des difficultés, celles qui ont tout particulièrement besoin d’accueillir la lumière de Noël et sa paix, au cœur même du chemin parfois sinueux qu’elles ont à emprunter…

Nous fêtons la Ste Famille, donc. Avec cette question, forcément, qu’il faut qu’on se pose : qu’est-ce que la sainteté ? Et en quoi cette famille en sa sainteté est un modèle pour nous, un exemple – comme a dit la prière d’ouverture – ?

Qu’est-ce qu’on veut dire d’ailleurs, quand on parle de modèle ou d’exemple ? Qu’est-ce qu’on entend, nous, de cela ? Je pose la question parce que j’ai un peu peur que spontanément et bien souvent on confonde sainteté et exemplarité avec une sorte de perfection morale, comme si la sainteté était de l’ordre d’un parcours sans fautes.

Or il me semble que l’évangile qu’on vient d’entendre vient relativiser un peu cette compréhension-là – et d’autant plus si on en fait une lecture un peu immédiate – : on a une mère et un père qui ont perdu leur « gosse » en ville et qui ont mis plus d’une journée à s’en rendre compte et même trois jours à le retrouver ! Vous parlez de parents exemplaires !? Et le « gamin », quand ses parents le retrouvent, au lieu de faire profil bas et de les suivre sans sourciller, il leur tient tête et leur répond avec un certain aplomb un peu déconcertant ! Quelle image de l’enfant qui devrait être contrit et un peu honteux de ce qui pourrait sembler une fugue !? Il me semble qu’on fait mieux comme exemplarité d’une famille parfaite, non ?

Mais justement ! Regardons les choses un peu autrement, laissons-nous déplacer – comme je le disais hier matin à propos des bergers de la nuit de Noël ou comme ce sera le cas pour les mages qui bientôt arriveront à Bethléem. Laissons-nous déplacer : en quoi cette Ste Famille est-elle sainte ? C’est quoi la sainteté ? Et en quoi ça nous concerne très concrètement nous aujourd’hui qui sommes là à contempler tout cela ?

Cette famille elle est sainte de par la présence-même du seul Saint en elle. Dieu seul est saint, nous dit la Bible ; pensez par exemple à ce verset du livre du Lévitique où on nous appelle à devenir saints comme Dieu est saint. C’est d’ailleurs cette sainteté de Dieu qu’on chante juste avant la consécration, en reprenant le chant des anges dans le Ciel : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu de l’Univers ».

Cette famille est celle qui accueille le Saint de Dieu, son Fils, son Unique, le Sauveur annoncé. C’est lui qui la rend sainte. De par sa présence en elle.

Et c’est aussi grâce à l’amour qu’ils vont lui donner que Jésus va grandir en sainteté et devenir lui-même, qu’il va prendre conscience de qui il est. Et c’est ainsi, c’est grâce à cela, qu’il va pouvoir vivre et annoncer l’amour sauveur du Père, sa miséricorde, son Amour qui pardonne au cœur de nos parcours de vie qui sont loin d’être des parcours sans fautes, son Amour qui relève et ressuscite, son Amour qui re-suscite en nous la Vie, pour qui veut bien l’accueillir, pour qui veut bien lui permettre de faire sa demeure en nous. C’est ce que nous célébrons en ces jours de Noël et c’est bien ce que nous vivons et célébrons à chaque eucharistie.

Je le redis : cette famille est sainte de la présence en elle du seul Saint, Dieu lui-même. Et elle l’est aussi parce que Marie comme Joseph ont dit « Oui » au Seigneur à son projet d’accueillir chez eux ce petit enfant qui a été conçu en Marie par l’action en elle de l’Esprit Saint.

C’est lui, d’ailleurs, lui l’Esprit Saint, qui sanctifie toute chose, comme on le dit dans une des prières eucharistiques ; c’est lui qui peut nous rendre saints à l’image et à la suite du Christ. C’est lui, d’ailleurs, que nous prions et que nous invoquons sur le pain et sur le vin, et sur nous tous, pour que nous puissions accueillir le mystère de la Présence du Christ aujourd’hui, en cette eucharistie, et pour que nous puissions alors devenir ce que nous allons recevoir, le Corps du Christ, et accueillir sa Présence au cœur de ce que nous sommes et de ce que nous vivons. Alors nous pouvons rayonner et vivre de son amour…

J’aime citer ce verset de St Luc, Jésus qui appelle ses disciples à être miséricordieux comme le Père est miséricordieux. Vous retrouvez l’appel du Lévitique à être saints comme Dieu est saint. Elle est là cette sainteté à laquelle nous sommes appelés : la miséricorde ; Dieu qui est cet Amour-là – et qui l’est en personne, ai-je envie de dire –, par l’Esprit Saint qui est le Souffle de Vie et d’amour de Dieu, l’amour qui relie le Père au Fils et qui nous est donné ; cet amour dont il est d’ailleurs question dans la 2ème lecture de ce jour, cette lecture qui nous redit que nous sommes appelés à aimer de ce même amour qu’est celui du Christ venu en notre chair pour nous le révéler, cette miséricorde qui est cet « amour de Dieu qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance » – comme dit le pape François –, cet amour qui relève et guérit, cet amour qui donne la paix et la joie intérieure, cette paix et cette joie profonde qui nous permettent de traverser plus sereinement les épreuves et les nuits de toute vie.

Et comme le rappelle la fête de ces jours : Dieu aime tellement notre humanité qu’il a donné son Fils, le Christ Jésus, pour que nous nous laissions rejoindre et aimer par lui, pour que nous entrions dans ses promesses de vie et de salut, et que nous fassions ainsi l’expérience qu’aimer fait vivre, qu’aimer donne sens à tout ce que nous avons à vivre, et même qu’aimer nous permet de traverser épreuves et tempêtes, un jour après l’autre et les uns grâce aux autres...

Et ça, Jésus l’a appris grâce à l’amour dont il était question en 2ème lecture et qu’il a reçu de ses parents, ses parents qui lui ont donné de vivre cette expérience qui lui a permis de trouver les mots pour annoncer l’amour qu’a pour nous Dieu le Père. Et Jésus a découvert aussi ce projet d’amour du Père grâce à ses parents qui lui ont également appris à ouvrir la Bible et à prier ce Dieu qui veut se révéler à nous et nous faire connaître son projet de salut, au nom même de l’amour qu’il a pour nous.

Voilà en quoi cette famille de Nazareth est sainte. De tout cela. Du Christ présent en elle et de cet amour vécu et référé à celui du Père. Et voilà à quoi nous sommes appelés, nous aussi.

Et c’est bien ce que nous pouvons demander pour nous-mêmes et pour nos familles, en priant avec la Ste Famille et en la contemplant qui est là, dans la crèche, cette Ste Famille qui accueille cette vie nouvelle et fragile qui va se déployer, se révéler, et devenir une annonce en actes de Dieu lui-même et de son amour, cet amour que nous sommes appelés à vivre nous aussi à sa suite.

Alors je ne sais ce que vivent vos familles à chacun, je ne sais où elles en sont de leur chemin de sainteté, je ne sais pas non plus comment chacun de nous se laisse rejoindre par la Présence du Christ et comment nous nous laissons travailler par l’Esprit Saint, comment nous nous laissons sanctifier… Mais je prie pour qu’à l’exemple et à l’intercession de la Ste Famille nous devenions ces saints, ces miséricordieux, dont notre monde a besoin. Et que nos familles, comme nos communautés paroissiales et toute notre Église, soient de ces lieux où l’on apprenne à aimer de cet amour de Dieu pour nous et à en vivre.

Et je prie pour que nous osions demander à Dieu son aide, au cœur des méandres de nos chemins à chacun, nos chemins familiaux ou personnels ; que nous ayons confiance qu’il peut répondre à nos prières – comme disait la 2ème lecture –, qu’il le veut et qu’il le peut, comme il voudra ou pourra, mais aussi comme nous le lui permettrons, en tout cas si nous vivons toutes choses avec le Christ, en sa Présence, et si nous apprenons à tout ordonner en Dieu, comme Jésus l’a appris de Joseph et de Marie et comme il leur a finalement permis eux aussi de le découvrir plus encore – c’est bien ce qu’on a entendu ce soir dans notre évangile avec la réponse de Jésus à sa mère : « il me faut être chez mon Père », c’est-à-dire le Seigneur Dieu…

Pour l’heure, puissions-nous, comme Marie, garder tout cela en nos cœurs, le méditer, et offrir dès maintenant, dans le silence de la prière, ce que ces quelques mots éveillent en nous. Que là, au cœur de ce qui nous habite, le Seigneur vienne nous rejoindre en ce jour, et que là il puisse nous donner sa paix, la paix de sa Présence, la paix de son amour pour nous et pour celles et ceux pour qui nous voulons le prier. Amen.

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