12 Juin 2022
Dimanche 12 juin 2022 – Sainte Trinité (Année C)
Pv 8,22-31 / Ps 8 / Rm 5,1-5 / Jn 16,12-15
C’est un peu étonnant ce qu’on vent d’entendre. C’est comme si on faisait un retour en arrière. Jésus annonce la venue de l’Esprit Saint. Et s’il l’annonce c’est parce qu’il part vers le Père.
C’est un peu étonnant parce que tout ça on l’a déjà fêté, on l’a déjà entendu. Le retour au Père c’était pour l’Ascension, et le don de l’Esprit Saint c’était la semaine dernière pour la Pentecôte.
Mais ça, figurez-vous, c’est intéressant à remarquer : cette fête de la Ste Trinité elle s’inscrit dans cette continuité-là. Pas une continuité chronologique mais une continuité liturgique et même théologique.
Cette fête de la Trinité elle est comme un saisissement, un re-saisissement – si j’ose ce mot dont je ne suis même pas sûr qu’il existe –, cette fête elle est comme une ressaisie de ce mystère qu’est Dieu et que le Christ est venu nous révéler pleinement : un Dieu d’amour qui veut offrir cet amour à notre humanité et à ce monde, son amour sauveur, cet amour donné pour nous libérer de tout mal et de toute mort et de tout ce qui va avec, peurs et repli sur soi, angoisse aussi, mais également péché et haine de l’autre, etc.
C’est ça que Jésus est venu révéler, qu’il est venu dévoiler et annoncer. Vous le savez bien, c’est ce que nous entendons et découvrons ou approfondissons dimanche après dimanche ou quand nous ouvrons les Écritures pour entendre qui est Dieu et quel est son projet de salut pour nous et pour ce monde.
Cette fête de la Sainte Trinité, c’est donc une espèce de synthèse de ce mystère qui se déploie au fil des semaines et dont les fêtes pascales ont été comme le sommet. Tout est dit, et désormais il faut en vivre !
Vivre à la suite et à l’école du Christ, vivre à son écoute. Pour se laisser aimer par Dieu le Père et vivre de son amour, sa miséricorde.
Et pour cela s’ouvrir au souffle de l’Esprit Saint, sa force de vie et d’amour, sa présence aujourd’hui, celui que le Christ nous a promis et par qui le Christ peut se faire présent à nos vies comme il l’a promis : « Et moi, dit-il en finale de l’évangile de Matthieu, avant son retour au Père, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin de temps » (Mt 28,20)...
Et donc cette fête de la Ste Trinité c’est un déploiement des fêtes pascales et notamment de la Pentecôte où nous avons célébré l’Esprit Saint qui est donné à son Église, l’Esprit Saint qui est la Loi nouvelle déposée en nos cœurs, celle de l’amour de Dieu, son amour sauveur, sa miséricorde. Car là est l’être même de Dieu. Dieu est amour. Dieu est miséricorde. Il n’est rien d’autre. Tout se dit en ces quelques mots que St Jean rassemble ou condense et répète à plusieurs reprises dans ses lettres.
Dieu est amour. Et pour aimer il faut être plusieurs, on le sait bien, il faut que ça circule, que ce soit ouvert. L’amour d’un homme et d’une femme, s’il n’est pas tourné l’un vers vers l’autre mais s’il ne se tourne pas aussi de l’un et l’autre sur le monde et dans le don de la vie sous toutes ses formes eh bien ce n’est pas de l’amour, du moins c’est fusionnel et enfermant. L’amour vrai ouvre et veut rejoindre d’autres.
Le Père et le Fils s’aiment de cet amour qu’ils veulent répandre dans le monde et dans nos cœurs, par l’Esprit Saint, l’Esprit Saint qui est l’amour même qui les relie.
C’est à la fois un grand mystère et c’est en même temps fabuleux ! …
J’en reviens à nos textes et à cette fête. Il y a un côté un peu décousu de ce qu’on a entendu d’une lecture à l’autre, mais l’enjeu il est de nous faire entrer un peu dans ce mystère de ce Dieu un et trine, ce Dieu Père, Fils et Esprit Saint.
Il est ce Dieu créateur dont parle la 1ère lecture, qui a tout créé avec cette Sagesse qu’il enfante mais qui semble aussi préexister avec lui. Qu’elle est-elle cette Sagesse, est-ce le Fils – le Verbe de Dieu, sa Parole – ou est-ce l’Esprit Saint ? Peu m’importe, ce sont des débats de théologiens ou de biblistes. Mais ce que j’entends c’est que Dieu n’est pas une entité fermée sur elle-même et qui se complet de cela, non il y a de l’altérité, et que ça, ça donne la vie, c’est créateur, et nous en sommes le fruit. Notre monde en est en fruit.
Nous sommes nés – on pourrait dire – de ce jaillissement d’amour qu’est Dieu. Et voilà pourquoi c’est l’amour qui donne sens à nos vies. Nous le savons bien. Aimer et être aimé. Nous savons que la vérité de toute vie est là. Et son drame aussi, car notre humanité est blessée par le péché, blessée par nos manquements à l’amour, cet amour qui reste pourtant inscrit en nous, nous le savons bien, nous le pressentons bien.
La 2ème lecture nous a dit que cet amour qui est là en nous, qui est « répandu en nos cœurs », dit St Paul, c’est le don de l’Esprit Saint. L’Esprit Saint qui est ce souffle de vie déposé en nous, ce souffle de l’amour du Père et du Fils. C’est là, en nous. Ça nous habite, et ça ne demande qu’à se laisser vivre, se laisser déployer. Dieu nous y pousse de l’intérieur.
Aimer. C’est ce à quoi nous sommes appelés. Aimer Dieu et notre prochain comme nous-mêmes. Tout se résume en cela, dit Jésus ; tout est là de ce qu’il est venu enseigner à ses disciples. Aimer comme lui nous a aimés, dit-il aussi dans l’évangile de Jean.
Aimer. Et pour cela nous laisser aimer. Nous laisser aimer par Dieu et par celles et ceux qu’il met sur notre route. Nous laisser consoler, pardonner. Laisser l’autre prendre soin de nous. Et à notre tour le vivre. Entre nous et plus largement avec celui que ma route croisera, celui dont j’accepterais de me faire proche. Au nom de Jésus et de l’Évangile.
Parfois, c’est vrai, nous avons du mal. Nous ne savons pas toujours comment faire ou comment nous y prendre. Parfois nous avons peur de l’autre ou de nous faire accaparer par lui… Demandons à l’Esprit Saint de nous éclairer et de nous donner de discerner, et notamment avec d’autres, comment répondre, comme répondre de façon ajustée, avec ce que nous sommes et nos talents propres, et les uns avec les autres, dans une belle complémentarité de nos charismes.
Demandons l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité, celui qui nous donne de comprendre à quoi nous sommes appelés et comment le maître en œuvre. C’est lui qui nous fera connaître, dit Jésus, ce que Dieu veut pour nous et par nous. C’est lui qui nous donnera d’être ses mains aujourd’hui qui vont prendre soin, sa voix qui va réconforter et annoncer la Bonne nouvelle de son salut, et ses pieds qui vont oser s’approcher et s’abaisser à hauteur de l’autre.
C’est lui, l’Esprit Saint, qui nous fera connaître toute chose et qui nous donnera la persévérance – y compris dans l’épreuve et la détresse, disait St Paul dans la 2ème lecture –, pour que l’œuvre et la mission du Christ continuent aujourd’hui par son Église, que l’œuvre et la mission du Christ se poursuivent grâce à ce que nous vivrons et annoncerons de l’Évangile.
Alors oui, demandons l’Esprit Saint, l’Esprit du Père et du Fils que le Christ nous a promis et que nous avons fêté et célébré dimanche dernier. C’est lui que nous allons invoquer tout à l’heure sur le pain et sur le vin pour qu’ils deviennent sacrement de la présence du Christ, et c’est lui que nous invoquons aussi sur son Église que nous sommes pour que nous devenions ce que nous allons recevoir, le Corps du Christ, sa présence qui révèle le Père, ce Père tout-aimant qui veut offrir son salut.
Voilà ce que nous croyons et célébrons. Vous le savez. Voilà en tout cas qui est notre Dieu et qui nous sommes à sa suite et à son image…
Je ne sais comment vous recevez tout cela ce soir, ce que ça rejoint ou éveille en vous de votre foi et de vos désirs de vie et de Dieu. Prenons tout simplement quelques instants de silence pour laisser tout cela prendre toute sa place en nous, laisser tout cela nous habiter. Et bien simplement recueillons chacun ce que ça éveille en nous, ce qui monte en nous, et offrons-le au Père, par le Christ Jésus et dans l’Esprit Saint. Que ce soit notre prière de ce jour. Ce que nous avons à offrir tout à l’heure avec le pain et le vin de l’eucharistie… Amen.