Homélie de mariage de Blanche et Timothée

Samedi 9 juillet 2022

He 13,1-6 / Ps 138 / Mc 5,13-16

 

On vient de l’entendre, Jésus invite ses disciples à être « le sel de la terre » et « la lumière du monde ». Pour les plus « cathos » d’entre nous, celles et ceux d’entre vous qui êtes pratiquants, on connaît bien cet appel de Jésus.

Je parle d’appel car c’est souvent ainsi qu’on entend ces mots et qu’on les commente, sauf qu’en fait ce n’est pas d’abord un appel. C’est d’abord un constat. Jésus leur dit : « vous êtes le sel de la terre (…) vous êtes la lumière du monde ».

Vous allez peut-être me dire que c’est du détail. Peut-être, mais je ne crois pas. Oui, il y a sans doute un appel à entendre à ce que nos vies – notre vie à la suite du Christ, si nous sommes ses disciples – disent quelque chose du chemin de bonheur que Dieu veut pour nous et pour ce monde, et que notre vie en réponse aux appels de l’Évangile soit de l’ordre de ce sel qui va donner goût ou plutôt révéler le goût de vivre. Et cet appel il est tout particulièrement à entendre à cette époque qui est la nôtre où les crises de tous ordres, notamment la crise écologique, génèrent une sorte d’angoisse quant à l’avenir, notamment chez les jeunes – et pour une part on peut le comprendre, évidemment.

Il y a donc bien un appel à entendre, oui, pour nous, et pour vous Blanche et Timothée, au nom même de notre foi et de l’espérance qui doit nous habiter et qui peut devenir un véritable moteur de vie et de confiance.

Mais je le redis, quand Jésus nous dit « vous êtes le sel de la terre (…) vous êtes la lumière du monde », c’est d’abord un constat, et du coup c’est même une Bonne nouvelle. Ce que vous vivez, ce que nous sommes appelés à vivre, ce dont vous témoignez pour nous cet après-midi, Blanche et Timothée, c’est Bonne nouvelle, c’est motif d’espérance, et ce doit être et devenir pour nous tous une force de vie. Alors nous nous laisserons moins gagner et envahir par les catastrophismes ambiants, aussi vrais soient-ils de ce qu’ils mettent en lumière de l’état du monde et de notre humanité…

Du coup, demandons-nous : qu’est-ce qui donne saveur à notre vie et peut éclairer notre chemin ? Qu’est-ce qui va révéler le goût véritable à vivre alors même que ça semble parfois difficile ? C’est ça la question ! Et ce que vous vivez et voulez vivre, Blanche et Timothée, ce que nous célébrons cet après-midi, en quoi ça va jouer sur ce chemin, pour qu’il soit un chemin d’espérance ?

Ce que nous célébrons c’est l’amour qui se donne et qui donne sens à toute vie.

Nous le savons bien, nous avons tous ce besoin inscrit en nous, ce désir de vie profond qu’est celui d’aimer et d’être aimé. Voilà d’ailleurs pourquoi l’amour fragile ou mal vécu voire perverti fait si mal. Nous sommes faits pour aimer. Nous avons besoin d’exister dans le regard de l’autre qui va nous aider à nous révéler à nous-mêmes et trouver sens à cette vie…

J’ai presqu’envie de dire que Jésus n’a rien inventé à nous appelant à nous aimer les uns les autres. Il n’a fait que mettre au jour ce qui est inscrit au plus profond de nous – et donc, c’est notre foi, ce que Dieu a inscrit en nos cœurs. Et cela devient alors un appel : être témoins de l’amour qui donne vie.

C’est bien ce que nous célébrons cet après-midi. Avec une dimension de plus : celle de l’engagement, l’engagement, à s’aimer, c’est-à-dire à croire que se donner les moyens de s’aimer dans la durée et dans la fidélité à la parole donnée c’est force pour avancer. Que c’est force pour être vainqueurs de ce qui sera plus difficile. Car c’est difficile parfois d’aimer, c’est difficile parfois de vouloir le bonheur de l’autre comme chemin de mon propre bonheur. On le sait tous, en amour comme en amitié, et jusque dans nos fratries.

On le sait, c’est d’autant plus vrai dans un monde de plus en plus individualiste où on peut se donner corps et âme pour son travail ou pour de grandes et belles causes  mais qui, malheureusement, peuvent devenir parfois tel des idéologies où le souci de l’homme (l’humain) n’est plus au centre, au risque alors d’oublier qu’il y a autour de soi des frères et sœurs en humanité qui ont besoin d’être regardés, aidés, soignés, relevés, aimés.

En tout cas aimer sera toujours un chemin sur lequel nous apprenons à avancer et à grandir. Et ce sera toujours une décision à prendre. Celle d’apprendre à se recevoir d’un autre, et même d’apprendre à se recevoir des autres, quels qu’ils soient. Ce sera toujours, aussi, la décision de nous soutenir, parce qu’à deux on est plus fort face aux questions existentielles – parfois vertigineuses, comme celles que nous pose l’état du monde –, à deux on sera plus fort aussi quand l’épreuve survient et qu’elle pourrait nous clouer au sol ou nous faire désespérer d’un sens à la vie…

Alors entendons ce constat de Jésus qui dit à ses disciples qu’il sont « le sel de la terre » et « la lumière du monde ».

A sa suite et à son école, ce que nous avons à offrir au monde et ce dont vous êtes témoins aujourd’hui pour nous, Blanche et Timothée, à votre mesure, c’est que c’est l’amour vrai qui donnera sens à notre passage sur cette terre, l’amour vécu, l’amour en actes, l’amour qui s’abaisse à hauteur de l’autre, l’amour qui apprend à pardonner et à soigner les blessures de celui qui est là à mes côtés ou que je vais rencontrer. Voilà ce qui sauvera le monde et que Jésus est venu révéler de qui est Dieu.

Car Dieu – s’il existe, ce que je crois –, Dieu n’a pas d’autre projet pour nous que cet amour – cet amour sauveur – qu’il est lui-même, comme le dit St Jean dans une de ses lettres. Dieu est amour, dit-il, et donc là où l’amour se vit en vérité, Dieu est présent. Le Dieu sauveur, Dieu qui veut nous libérer de tout ce qui nous empêche de vivre pleinement et d’être des vivants debout.

Le pape François le dit un peu autrement, en parlant de Dieu qui est « Miséricorde » et par une formule qui moi me parle : la miséricorde, dit-il, c’est « l’amour de Dieu qui console qui pardonne et qui donne l’espérance ». Et c’est très concret, c’est grâce à ce que nous en vivrons les uns pour les autres, puisque Jésus dira à ses disciples : « Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux » (Lc 6,36). C’est très concret : il s’agit de consoler, il s’agit de pardonner et de réconcilier, et il s’agit d’être témoins d’espérance. C’est ainsi que Dieu – s’il existe, ce que je crois – prend soin de nous.

C’est bien ce que vous pressentez déjà, Blanche et Timothée, et c’est ce que vous vous engagez à vivre, à vouloir vivre pour tout-jours, et à transmettre aux enfants que la vie vous donnera.

Dans le concret de ce que nous pouvons en vivre, jour après jour, c’est par exemple cette histoire d’hospitalité dont parlait notre 1ère lecture tout à l’heure ; c’est aussi ce que ça disait du désir d’aimer l’autre sans le brutaliser ou le tromper – de quelque façon que ce soit – ; ou encore dans le fait de visiter les malades et celles et ceux qui sont en situation de souffrance ou d’exclusion, au nom même de la dignité inaltérable de tout homme et de toute femme.

Aimer, je le redis, c’est prendre soin, prendre soin les uns des autres. Aimer c’est être ainsi les mains dont Dieu a besoin pour réconforter et soigner les blessures, et c’est être sa voix pour consoler et pour aider l’autre à discerner les possibles qui pourraient s’ouvrir à lui.

Dans cette aventure d’une vie, n’oubliez pas, Blanche et Timothée, que Dieu nous accompagne, ce que vous nous rappelez aussi cet après-midi en décidant de l’associer à votre engagement. Il est là avec vous, il veut être là avec nous tous, et il le sera à la mesure de la place que nous lui laissons chacun. Car jamais il ne s’impose, il respecte trop notre liberté, car là est l’amour vrai.

Alors confiez-lui vos joies comme vos peines, confiez-lui vos questionnements de tous ordres, confiez-lui les pardons que vous aurez à vous donner pour que grandisse votre amour en vérité et en confiance en l’avenir. Demandez-lui qu’il vous éclaire, que ce soit par telle ou telle intuition, dans le silence de la prière, ou dans telle rencontre ou tel évènement dont vous vous rendrez compte après coup qu’ils vous peut-être aidé à avancer.

Et faites-vôtre ce verset que nous avons entendu dans la 1ère lecture, Dieu qui vous dit, Blanche et Timothée, et qui voudrait nous dire à chacun : « Jamais je ne te lâcherai, jamais je ne t’abandonnerai. » Faites-en une force de vie et de confiance pour ce que vous aurez à traverser. Et vivez-le l’un pour l’autre…

« Jamais je ne te lâcherai, jamais je ne t’abandonnerai. »

Croyez-le, et vivez-le. Alors, oui, votre chemin aura belle saveur et il rayonnera d’une belle lumière, pour vous, pour nous qui vous entourons, et du coup pour ce monde, quels que soient les combats à mener…

Je ne sais pas trop comment les uns les autres vous recevez ces mots… Je propose qu’on prenne quelques instants de silence pour laisser tout cela résonner en nous. Tout simplement.

Et pour celles et ceux d’entre nous qui sont croyants, nous offrons au Seigneur ce qui nous habite, là, maintenant ; nous lui demandons qu’il vienne là nous rejoindre, que là il se révèle dans ce qu’il attend peut-être de nous, et que là il nous éclaire et nous accompagne… Amen.

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