25 Septembre 2022
26ème dimanche du Temps Ordinaire (Année C)
Am 6,1a.4-7 / Ps 145 / 1Tm 6,11-16 / Lc 16,19-31
Qu’est-ce qu’on va faire de tout ça ? Parce que quand même, c’est un peu violent, non, ce qu’on vient d’entendre ? Vous ne trouvez pas ? La question, là maintenant, c’est quand même de savoir qu’est-ce qu’il faut qu’on entende de tout ça, et notamment à quoi ça nous appelle aujourd’hui, nous, et donc à quoi ça nous appelle chacun et ensemble en cette période de rentrée ?!
Personnellement, je me suis dit qu’à la fin de cette année qui commence j’aimerais bien qu’on ne dise pas de moi, ni de vous d’ailleurs, qu’on aurait été une belle « bande de vautrés » …
Excusez l’expression mais c’est celle de la 1ère lecture ! Ce sont les mots du prophète Amos à propos du peuple d’Israël. Et ça colle visiblement avec la description qui nous est faite de ce riche de l’évangile…
Ces « vautrés » de notre 1ère lecture ce sont ces hommes et ces femmes qui vivent bien « tranquilou » dans leur confort et leurs sécurités alors qu’autour d’eux c’est pas la joie. Mais ils préfèrent ne pas voir, c’est plus simple. On pourrait dire qu’ils sont un peu dans leur monde, un peu dans leur tour d’ivoire. Tout va bien pour eux et le reste on s’en fout.
Sauf que Dieu n’attend pas ça d’eux. J’ai même envie de dire que Dieu n’attend pas ça de nous. Il a besoin qu’on se retrousse les manches, il a besoin qu’on regarde autour de nous et il a besoin qu’on vive de ses appels. Parce que le monde en a besoin, et que Dieu aime et veut sauver ce monde.
Et ça n’est pas magique : Jésus est venu révéler en paroles et en actes que Dieu veut sauver ce monde, c’est-à-dire le libérer de l’emprise de tout mal, mais que ça ne se fera pas contre nous ni sans nous. Et c’est ce que nous raconte à sa façon cet évangile qu’on vient d’entendre…
Alors c’est vrai, là vous avez le droit de m’arrêter et de me dire que j’ai pas dû bien écouter ce que nous dit cette histoire que Jésus nous raconte. Parce que visiblement, le pauvre de cette histoire, personne n’a rien fait pour lui, pas le riche en tout cas, mais au Ciel, ouf, c’est le bonheur quand même. D’ailleurs son prénom à ce pauvre, Lazare, ça veut dire « Dieu a secouru ». Pas de soucis, donc !
Eh bien non ! je maintiens ce que je vous ai dit juste avant : Dieu ne va pas secourir de façon magique, à notre place. Et cette histoire c’est justement pour nous dire que si on ne vit pas maintenant l’Évangile eh bien demain ça risque d’être trop tard. C’est trop tard pour ce riche ! C’est tellement trop tard que l’histoire en rajoute : au séjour des morts il y a désormais un fossé infranchissable entre eux. Aucun recours possible. Pour nous dire : demain il sera trop tard.
L’enjeu de cette histoire, ça n’est pas de nous faire peur ou de nous enfermer dans une culpabilité mortifère, voire de nous dire qu’un salut est impossible pour nous qui n’arrivons pas toujours à vivre les appels de l’Évangile, notamment à prendre soin des plus petits et des plus pauvres, non, rassurez-vous quand même ! C’est une histoire pour provoquer une sorte d’électrochoc. Qu’on se réveille, quoi ! Que justement on ne soit pas de ce qu’Amos appelle une « bande de vautrés ». Mais qu’on se mette en route, qu’on essaye dès aujourd’hui de vivre l’Évangile. Parce que c’est un chemin de vie et de bonheur – c’est même le chemin de vie et de bonheur que Dieu propose à notre humanité.
Et cette histoire que Jésus nous raconte c’est donc une histoire pour provoquer un « électrochoc », c’est pour qu’on comprenne qu’il y a urgence à écouter la Parole de Dieu et à la mettre en pratique. Dès aujourd’hui. Dès ici-bas. Dès maintenant.
D’ailleurs Jésus s’adresse à des pharisiens, c’est-à-dire ceux qui savent ou qui croient savoir tout bien comme il faut et qui disent aux autres tout ce qu’il faudrait faire tout bien comme il faut, mais que Jésus accuse souvent de dire mais de ne pas vraiment faire. C’est dire qu’il ne suffit pas de savoir les choses et notamment de savoir avec la tête ce que Dieu attendrait de nous, mais qu’il faut s’y mettre. Parce que là est le chemin de la vie véritable.
A notre mesure à chacun, rassurez-vous, et en nous y aidant, en nous soutenant les uns les autres. Mais à notre mesure, toute notre mesure, qu’elle soit petite ou grande. Et qu’on puisse dire de nous et de ce que nous aurons vécu de l’Évangile : oui, « Dieu a secouru ».
Parce que Dieu, je le redis, a besoin de nous. Et je le dis souvent – permettez-moi de le redire aujourd’hui notamment pour les nouveaux – : Dieu a besoin de nos mains qui vont prendre soin et offrir le salut, Dieu a besoin de nos pieds pour aller à la rencontre de chacun, et Dieu a besoin de notre voix à tous pour oser des paroles de pardon, de consolation et de réconfort, ces paroles et ces gestes qui vont aider à se relever et à croire en la vie, en soi et même en Dieu. Et ça, figurez-vous que ça s’appelle la résurrection.
Parce que la résurrection ce n’est pas qu’une promesse de vie après la mort, c’est une dynamique de vie dès maintenant, c’est la promesse que la vie est plus forte que tout mal et que toute mort, même imperceptible et malgré les apparences immédiates. Et que ça, ça commence par l’appel à aimer, cet appel à aimer qui est le cœur de l’Évangile et qui est l’annonce en actes du salut que Jésus est venu révéler.
Dans la 2ème lecture on a d’ailleurs entendu quelque chose de cet appel et de ce cœur de toute vie à la suite du Christ, quand l’apôtre nous a dit : « garde le commandement du Seigneur ». Parce que son commandement, son unique commandement, c’est l’appel à aimer. C’est lui qui le dit. Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force et de tout son esprit. Et – c’est semblable, dit l’évangile de Matthieu – aimer son prochain comme soi-même.
Cet appel à aimer l’autre c’est justement ce que notre riche de l’évangile n’a pas fait vis-à-vis du pauvre Lazare. Il n’en avait rien à faire de lui, il ne le voyait même pas. Ça a creusé un fossé entre eux. Et demain, dit Jésus, il sera trop tard pour s’en rendre compte.
En tout cas il nous met en garde, nous aujourd’hui. N’attendons pas d’être morts pour découvrir que le chemin du bonheur, le chemin de la vie que nous propose Dieu, ça passe par le regard à poser sur l’autre et le chemin à vivre avec lui. A notre mesure mais toute notre mesure. C’est ce que Jésus dira autrement avec la parabole du Samaritain (en Lc 10) que je ne peux que vous inviter à relire. Un texte pour moi capital ! mais rassurez-vous je ne développe pas maintenant.
En tout cas entendons, s’il vous plaît, entendons cet appel fort, aujourd’hui, à écouter Dieu qui veut nous parler, Dieu qui nous parle par ces textes de sa Parole, et l’appel à mettre en pratique.
C’est vraiment l’appel à entendre en ce début d’année. Et c’est finalement ce qu’à dit notre évangile à sa façon dans la finale qu’on a entendue, quand Abraham dit au riche qui prend peur pour ses frères qui risquent le même sort que lui : « S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus ». Écouter Moïse et les Prophètes c’est écouter la Parole de Dieu. Et c’est apprendre à entendre ses promesses de vie et l’annonce de la venue du Christ pour nous le révéler pleinement et nous ouvrir un chemin à sa suite.
Et du coup demandons-nous, chacun, aujourd’hui, comment on va s’y prendre concrètement cette année… Comment on va se donner les moyens d’écouter cette Parole, de messe en messe, mais aussi chez soi en se donnant les moyens de la prière, et pourquoi pas grâce à l’accompagnement spirituel qu’on propose largement ici à St Jo…
Demandons-nous aussi comment on va se laisser former ensemble par cette Parole et pourquoi pas en commençant par demander la confirmation, si on n’a pas été confirmé, ou la communion ou le baptême, pour apprendre à entendre avec d’autres et pour découvrir ensemble qui est le Christ, comment Dieu nous parle, et comment apprendre à répondre et à suivre le Christ en Église. C’est ce qu’on appelle « Tl’AC », ici à St Jo – « Tl’AC » c’est-à-dire « Tenter l’aventure chrétienne » …
Et puis très concrètement encore, demandons-nous comment on va mettre en pratique, c’est-à-dire quel engagement ? par exemple dans le Pôle mission qui fait sa rentrée jeudi qui vient ou dans le Pôle solidarité. Ou autrement, y’a l’embarras du choix ici à St Jo. Mais y’a en tout cas un vrai enjeu à se dire : qu’est-ce que je vais faire de ce que je vais recevoir, ces appels de Dieu que je vais entendre petit à petit, au fil des semaines et des mois, et comment y répondre et nous soutenir pour cela les uns les autres ? …
Alors je prie pour que cette année qui commence soit belle, qu’elle soit belle de cette écoute de la Parole et des appels de Dieu et de cette mise en pratique que nous vivrons les uns les autres. Et je prie pour qu’on ne puisse pas de dire de nous, dans quelques mois, qu’on ne puisse pas dire ni de moi ni de vous : quelle « bande de vautrés » quand même !
Alors prenons quelques instants de silence, là maintenant, pour laisser descendre en nous tout cela et pour offrir au Seigneur ce que ça réveille ou ce que ça appelle déjà en nous. Tout simplement. Amen.