Je verrai toujours vos visages

Avez-vous déjà entendu parler de « Justice restaurative » ? Un processus de mise en mots ensemble, victimes et condamnés, sur ce que les uns et les autres ont pu vivre. Pour que chacun puisse dire, entendre, faire tomber des peurs et déjà les nommer, faire tomber aussi certaines culpabilités mortifères ou au contraire mettre l'autre face à la gravité de ce que ses actes peuvent produire sur une victime. Pour entendre. Entendre ensemble. Et peut-être en sortir un peu relevés, grandis, vivants.

Sans doute cela est-il dit de façon trop rapide. Et sans doute ce film est-il par certains côtés un peu caricatural, je ne sais mai je me suis demandé... En tout cas c'est bien de cela dont il s'agit ici.

Et je suis sorti très touché de ce que je venais de voir. Car il y a une certaine densité voire une certaine violence des émotions. Et de la vie qui passe, qui reprend, qui se fraie un passage, chez les uns comme les autres, victimes et agresseurs. Ce n'est pas tout simple, c'est lourd et même difficile. Mais là encore : pour les uns comme pour les autres en fait.

Et c'est dense aussi pour celles et ceux qui les accompagnent dans le processus, ces « médiateurs en justice restaurative » qui suivent les uns et les autres de longs mois avant de rendre possible une éventuelle rencontre. Soit en groupe de victimes et agresseurs, soit une victime face à son agresseur lui-même.

Les uns les autres disent leurs peurs de tous ordres, mais aussi le réel de leur vie, avant comme après, les paralysies à vivre ou la colère, l'incompréhension à ce qui a pu leur arriver voire leur incapacité à s'autoriser à vivre de nouveau. On est également témoin de certains dénis voire de jugements sur soi ou sur l'autre...

Ce film est très beau. Même s'il faut rentrer dedans, parce que ça fait un peu documentaire au début. Il faut accepter d'entrer dans les récits de vie, ceux des victimes comme ceux de ces condamnés, celles et ceux qui acceptent d'être de ce programme ou celles qui l'ont demandé parce qu'elles ont besoin de se confronter à l'autre. En tout cas ça donne de croire en la force de la parole et de la rencontre, la force de la mise en mots, pour vivre et se relever. Et croire que des chemins sont possibles, malgré tout, pour les uns et pour les autres. Même si, je le redis, c'est long, c'est difficile, ça peut être violent en émotions et dense. C'est un combat entendra-t-on au début du film comme en finale. Mais qui semble valoir le coup.

En tout cas un beau film, vraiment. En plus avec une belle distribution, notamment Gilles Lellouche, Leila Bekhti, Adèle Exarchopoulos, Miou-Miou et Jean-Pierre Darroussin. Un film de Jeanne Herry.