13 Août 2023
19ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A
1R 19,9a.11-13a / Ps 84 (85) / Rm 9,1-5 / Mt 14,22-23
Je ne sais pas vous mais ça arrive que dans nos vies on aurait bien aimé que le Seigneur fasse un miracle. Un bon gros miracle comme avec Pierre que le Christ invite à marcher sur les eaux. Et il y arrive, Pierre ! en tout cas au début…
Attention : je ne dis pas qu’il ne peut pas y avoir de miracles, mais laissons Dieu seul juge de ce dont nous avons réellement besoin pour avancer avec lui et pour que ça témoigne, et laissons-le seul juge – c’est le mot qui me vient – de ce que, du coup, il voudra bien nous donner...
Ce qu’il faut qu’on entende aujourd’hui, et même ce que nous sommes appelés à croire – j’ai envie de dire : envers et contre tout ou malgré tout parfois – c’est que Dieu est avec nous. Si nous lui faisons place. Il est là. Et il nous veut vivants, debout, relevés. Ça s’appelle la résurrection, et c’est bien ce que nous célébrons et confessons chaque dimanche et à chaque eucharistie.
Il nous veut debout, relevés, en marche, comme Pierre qu’il invite à la foi, la confiance. Il nous veut confiants, justement, en sa présence, comme le prophète Elie dans la 1ère lecture. Mais comme lui voudra, à sa façon à lui, pas comme nous on rêverait parfois, notamment avec une petite soif d’extraordinaire qui nous prouverait que Dieu est bien là et que c’est bien son œuvre à lui qui peut-être se joue pour nous dans tel ou tel évènement ou telle ou telle rencontre.
Je vous dis ça parce que j’ai été frappé, dans la 1ère lecture, du fait que, si on nous dit que Dieu n’était pas dans l’ouragan ou dans le tremblement de terre ou dans le feu, on nous précise pourtant que cet ouragan ou ce tremblement de terre ou ce feu ça vient à l’approche de Dieu – c’est ce que dit le texte : « à l’approche du Seigneur ». Car Dieu a promis à Elie sa présence, et de fait il passe ; et il se manifeste. Et cette manifestation c’est dans un presque rien qu’elle va en fait se produire, dans ce « murmure d’une brise légère », comme a dit le texte – si on traduit au plus proche de l’hébreu on pourrait même dire que c’est dans « le bruit d’un silence ténu » ; j’aime beaucoup cette expression : « le bruit d’un silence ténu ».
On voudrait parfois que Dieu se manifeste avec grandeur et éclats, mais bien souvent ce sera de façon imperceptible, discrète. C’est après coup qu’on se dira : Dieu était là, je crois ; Dieu était là, peut-être ; en tout cas j’ai expérimenté un quelque chose de l’ordre de la vie plus forte que tout mal, malgré tout…
La vie plus forte que tout mal et que toute mort, c’est le mystère de la résurrection, le mystère de la vie re-suscitée au cœur du non-sens du mal et de la mort…
Je ne dis pas qu’il ne faut pas vouloir de miracles dans nos vies. Et si Dieu est vraiment Dieu, c’est-à-dire le Dieu de la vie, le Dieu qui tient promesses, le Dieu qui nous aime de sa toute-puissance d’amour et de miséricorde, alors oui, il nous faut espérer sa présence et sa force qui relèvent, et oui il nous faut crier vers lui, y compris quand nous sommes dans l’épreuve et que le doute pourrait nous submerger. Et je crois que Pierre a raison de crier vers Dieu, lui crier sa peur, y compris au cœur du miracle qui advient pour lui et qui est pourtant déjà à l’œuvre…
Mais il nous faudra toujours consentir à relire ce que la vie a donné, pour apprendre à y voir – y discerner– le passage de Dieu. Qui bien souvent se fera présence discrète. Réelle, je le crois vraiment, mais discrète. Tel un souffle de paix intérieure qui nous traverse, souvent imperceptiblement… ou telle une intuition de vie qui nous fait espérer un peu, alors que le doute ou le découragement pouvaient nous assaillir… etc. etc.
Et peut-être que la vie et Dieu vont nous faire cadeau d’un miracle. Tant mieux. Rendons grâce à Dieu et témoignons de ce qu’il aura fait pour nous. Car les miracles que Dieu fait ne sont jamais pour soi mais pour les autres, pour le témoignage, pur annoncer le salut. Dans la Bible comme dans la vie. Comme pour Pierre aussi : ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant Jésus et ils ont pu s’écrier et confesser que oui, vraiment, ils ont pu reconnaître là et en lui le Fils de Dieu.
« Vraiment tu es le Fils de Dieu » …
On entendra la même chose au soir de la mort de Jésus quand ce romain face à la croix s’exclamera :« Vraiment cet homme était le Fils de Dieu ». Et d’ailleurs le Père va le ressusciter, comme une confirmation de tout cela qui vient ouvrir pour nous un passage, celui d’une espérance et d’une confiance que quoi qu’il nous arrive, quelles que soient nos traversées, si nous crions vers le Seigneur et si nous consentons à le faire monter dans la barque, alors la vie sera plus forte que les vagues du mal et de la mort qui peuvent nous assaillirent et risquer de nous couler dans les flots du découragement et de la désespérance.
Jésus est cette présence qui nous dit : « Vas-y, tu peux avancer malgré tout. Ose croire que je suis là, vainqueur des forces du mal et qui peut te permettre de les traverser toi aussi, malgré les apparences qui nous feraient croire le contraire. Vas-y, avance, mais san regarder en bas, c’est-à-dire en fixant l’horizon, celui de la promesse de vie qu’annonce la résurrection. Regarde au loin et laisse-toi conduire » …
Je crois vraiment – et je vous parle au regard de ma petite expérience – que Dieu nous permet ce miracle-là, celui de ne pas couler quand l’épreuve manquerait de nous engloutir. Mais qu’il nous faut saisir sa main et nous laisser saisir par lui. Que ce soit dans la prière, qui bien souvent sera comme le passage de Dieu dans « le murmure d’une brise légère » tel « le bruit d’un silence ténu », un pas grand-chose auquel il nous faut pourtant nous raccrocher. Ou que ce soit par celles et ceux que le Seigneur va mettre sur notre route et qui vont pouvoir nous aider à mettre en mots le doute ou le découragement du moment ou qui vont parfois être juste là et risquer une présence qui peut nous réconforter et nous donner la force de ne pas nous isoler et nous laisser aller.
Comme Pierre, nous allons parfois douter, soit du réel de Dieu qui peut nous aider à traverser l’épreuve et même à nous dépasser, soit de sa puissance de vie. Et nous allons regarder nos pieds, nous allons regarder ces forces du mal qui nous font perdre pieds.
Mais comme Pierre crions notre doute, crions nos peurs, pour nous laisser rejoindre à nouveau par le Seigneur ou par celles et ceux qui pourront entendre et être ses mains à lui, le Christ, qui vont prendre soin et apaiser, ou sa voix qui va consoler et réconforter.
Osons croire que le Christ, tout-jours – c’est-à-dire chaque jour – est bien là avec nous comme il l’a promis à sa résurrection. Osons croire qu’avec lui, si nous le laissons venir à nous, la vie sera plus forte que tout mal et que toute mort. Osons faire appel aux uns et aux autres ou les laisser nous aider et nous approcher. Et soyons ainsi, les uns pour les autres, des témoins de la miséricorde de Dieu qui veut apaiser toute souffrance et donner sa paix. Et la vie peut reprendre son cours, malgré tout mais réellement.
Je me permets de vous le dire d’expérience – en l’occurrence, pour moi, certains d’entre vous le savent bien, celle de la maladie et notamment de la maladie qui dure, avec ses rechutes, et qui a pu me clouer au sol et me laisser parfois découragé d’un sens à vivre…
Et si je puis me permettre une parenthèse : c’est l’enjeu de notre vie ecclésiale, de ne pas être seul pour traverser nos épreuves, pouvoir compter sur des frères et sœurs qui peuvent nous soutenir, et qui vont prier pour nous. Comme je l’ai souvent dit aux heures les plus difficiles de ma maladie : une guerre ou un combat on ne les gagnes pas sans une armée ; mes amis, mes proches, mes paroissiens ont été cette armée de priants dont j’avais besoin, et des frères et sœurs qui ont pris soin et qui ont permis à la vie de se frayer un passage et d’y croire…
Alors je ne sais pas ce que vous vivez ou ce que vous traversez les uns les autres. Je ne sais pas comment vous croyez en cette présence de Dieu au cœur de vos épreuves et de vos peurs ou de vos découragements. Mais j’aimerais qu’aujourd’hui nous puissions crier vers Dieu et renouveler notre confiance en sa présence qui sauve. La renouveler ou au moins lui en demander le désir et le crier vers lui.
Je propose que dans les quelques instants de silence qu’on va prendre maintenant on fasse monter tout cela vers lui. Et qu’on fasse ce pari de confiance que là, au cœur de cela, il veut nous rejoindre, et qu’il le peut et même qu’il le fait ! Et que là sera le miracle, celui de goûter peut-être une forme de paix intérieure, et celui peut-être de se relever ou se remettre en route et d’oser croire à nouveau ou un peu plus…
Déposons tout cela au Seigneur ; et tout à l’heure quand nous nous approcherons pour communier, osons alors crier intérieurement : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! » …
« Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! » …
Et que notre Amen, celui, que nous disons en recevant le sacrement de la présence du Christ, soit un Amen de confiance : « Oui, Seigneur, je crois que tu es là et que tu veux pour nous la vie. Je crois que tu viens porter avec nous le fardeau des jours. Et que tu me permets ainsi et que tu m’appelle même à devenir présence pour d’autres » …
« Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! » …
Nous prenons quelques instants de silence… Amen.