La ténèbre n'est point ténèbre

Voilà une lecture originale et assez touchante. Je ne sais trop dire pourquoi ou comment, mais c'est une belle lecture. Les pages se tissent autour des thèmes de la ténèbre et de la lumière, des mots très présents dans nos bibles et qui disent aussi notre marche spirituelle avec ses détours et ses questionnements, ce qui se dissipe aussi et s'éclaire...

Ce livre est très personnel, dans le style – et une certaine douceur – et dans ce qu'il raconte et dit, l'air de rien, de son auteur. Celui-ci est un jeune dominicain qui n'a pas trente ans et qui après avoir pas mal cherché, mais aussi après une expérience spirituelle assez forte, a trouvé le Christ et une lumière pour sa vie. La lumière. Et dans ces pages il tente de nous parler de sa génération, leur quête de sens, les ténèbres qui semblent – ou peuvent nous sembler – obscurcir leur vie et les lumières qu'ils trouvent, qu'ils cherchent, qui peuvent les perdre aussi. C'est vraiment intéressant.

S'il fallait retenir quelque affirmations sur ces jeunes dont il est question et qui sont ceux que je croise pour une part en paroisse, je mentionnerai que cette génération est celle des paradoxes – plus que d'autres ? je ne sais – et vite jugée, ou en tout cas assez incomprise des plus anciens – comme l’illustre notre jeune auteur avec les réactions de ses frères plus âgés de communauté – :

• une génération où on compte d’abord – beaucoup ? – sur soi-même pour avancer, qui veut faire ses propres expériences quitte à se faire un peu mal, et qui aime tant la vie alors même qu'elle la trouve parfois décourageante voire désespérante ;
• une génération pleine de désillusions et qui pourtant se bat pour des causes qui lui semblent importantes, qui oscille entre fatalisme et croire qu'elle peut changer ce monde ;
• une génération qui a peur de mourir – et de souffrir, en fait – mais qui n'est finalement pas très inquiète de la mort elle-même en ce qui pourrait advenir ensuite – la mort plutôt vue comme fin de toute vie, alors vivons, quitte à se perdre dans une recherche effrénée de ce qui donnera l'impression d’être vivant ! – ;
• une génération qui n'a pas forcément reçu de croire en Dieu – ou qui peine à y croire vraiment – mais qui cherche un sens à la vie et à la destinée humaine, et du coup une génération qui cherche un peu tout azimut mais sans trop savoir où et comment chercher ;
• une génération qui est plutôt très généreuse et en même temps malade de trop posséder ou  de tout vouloir – quitte à en changer souvent – ;
• une génération, enfin, qui sous couvert d'un certain relativisme et de chacun-a-sa-vérité a néanmoins une exigence de transparence et de justice et donc de vérité...

Que ces quelques pistes – un peu trop vite déclinées ici mais développées en ces pages – nous donnent de vouloir comprendre ces jeunes et donc de vouloir marcher avec eux et témoigner humblement de ce qui nous fait vivre, à l'écoute de ce qu'ils cherchent et espèrent, de ce qu'ils trouvent aussi, de leurs questions, leurs ténèbres comme ces lumières qui semblent les aider à avancer...

Je ne sais si ces quelques lignes rendent comptent un peu ou au mieux de cette belle lecture et de ce que ça a éveillé en moi. Mais je crois que ça vaut le coup, pour nous tous, y compris pour entendre peut-être notre propre histoire, les ténèbres qui peuvent être les nôtres ou qui ont pu l'être comme les lumières qui là ont pu – ou peuvent – nous éclairer ou nous aveugler, et pour voir ou entendre ainsi comment nous avons pu nous-mêmes avancer et nous laisser conduire ou rejoindre...

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fr. Rémi-Michel Marin-Lamellet, La ténèbre n'est point ténèbre. Une génération qui cherche la lumière, Les éditions du Cerf, juillet 2023, 129 pages (petit format), 12€.

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En bonus, pour comprendre un peu mieux qui est ce jeune auteur et ce qui sous-tend son livre mieux que je ne l'ai balbutié : cet article de fin septembre dans la revue Famille chrétienne.