Homélie dimanche 9 juin 2024

10ème dim. du Temps Ordinaire - Année B

Gn 3,9-15 / Ps 129 / 2Co 4,13 – 5,1 / Mc 3,20-35

 

Quand j’ai lu ces textes, ce matin, je me suis demandé : Qu’est-ce que le Seigneur peut bien vouloir nous dire avec tout ça ? Qu’est-ce qu’il faut entendre ?

Et c’est en fait la question qu’on doit se poser à chaque fois ! et qu’on devrait tous se poser !

Si on écoute ce que peut vouloir nous dire le Seigneur avec cette page d’évangile déjà, il y a une 1ère question qui peut se poser à nous : pourquoi les gens qui sont là, les gens qui ont appris qu’il est revenu chez lui, pourquoi veulent-ils se saisir de lui et pourquoi se disent-ils qu’il a perdu la tête ?

On est quasiment au début de l’évangile de Marc. Qu’est-ce qui s’est passé pour que les gens aient cette espèce de frayeur à l’encontre de Jésus, au point de se demander s’il n’est pas habité par l’esprit mauvais du Béelzéboul !?

Jésus n’a rien fait d’autre que d’annoncer que le Royaume de Dieu est tout proche, d’appeler ses premiers disciples et de faire quelques guérisons. Et ça impressionne les gens, ça les questionne même, d’autant que les esprits impurs semblent dire qu’il vient de Dieu lui-même. Par exemple dès le 1er chapitre de l’évangile et dès la 1ère guérison de Jésus où un homme tourmenté par un esprit impur se met à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es, tu es le Saint de Dieu » Et Jésus l’interpelle vivement : « Tais-toi sors de cet homme » et là l’homme en question se met à convulser.

Imaginez la scène, ça a dû être assez impressionnant. Et on imagine bien que tous se demandent : mais c’est qui ce gars-là ? ça lui vient d’où cette espèce de pouvoir sur les esprits du mal ? Et on peut même imaginer qu’il se demandent si ça vient de Dieu, auquel cas c’est l’émerveillement voire la gratitude et la reconnaissance, l’action de grâce, ou alors si c’est une séduction du diable, faut faire gaffe, faut pas tomber dans le panneau, on s’est déjà fait avoir y’a bien longtemps – et c’est notamment le récit de la chute, dans la Genèse, juste avant ce qu’on a entendu dans la 1ère lecture.

C’est qui ce gars qui commande aux esprits du mal ? C’est qui ce gars qui guérit les malades et qui touche même les lépreux (cf. fin de Mc 1) ?

Et la foule est à la fois fascinée et en même temps assez inquiète en fait... C’est qui ce gars et comment c’est possible ?

Et d’ailleurs, juste après, au chapitre 2 – donc le chapitre avant ce qu’on vient d’entendre ce soir – Jésus a guéri un paralytique mais la guérison 1ère c’était le pardon des péchés. Et comme les gens n’y croient pas, comme ils disent que seul Dieu peut pardonner les péchés, alors Jésus guérit physiquement le paralytique, c’est un signe miraculeux pour qu’on croit qu’il peut de fait guérir les péchés, et donc qu’il vient de Dieu !

Certains sont dans la stupéfaction, l’émerveillement, et d’autres ont peur que ce soit une ruse du Satan… D’où ce qu’on vient d’entendre ce soir.

En plus, voilà qu’il va même manger avec les pécheurs et les gens de mauvaise vie ! C’est quoi cette histoire ?! C’est qui ce gars-là ?! Pour qui se prend-il ? Est-ce qu’il n’a pas « perdu la tête » à se prendre pour Dieu, Dieu-proche-de-tous ?

Et en fait la question de fond, la question qui va courir tout au long des évangiles c’est celle que Jésus nous posera en la posant à ses disciples : « Pour vous qui suis-je ? » Et il va falloir tous les évangiles et les années de vie à sa suite pour que petit à petit les uns et les autres comprennent que Jésus est bien le Fils de Dieu, son envoyé, son Messie…

Alors la question elle nous est renvoyée ce soir : qui est-il pour nous ? Et qu’attends-nous de lui et donc de Dieu ?

Pour le dire autrement : sommes-nous prêts à croire vraiment qu’il est le Saint de Dieu, Dieu lui-même qui vient nous visiter ? Sommes-nous prêts à entendre qu’il vient pour nous sauver et nous ouvrir des chemins de vie et que là il veut et il peut nous libérer du mal et de la mort, que là il veut et il peut nous libérer de l’emprise du péché et de tout mal ? Parce que c’est ça l’enjeu, on le sait bien, mais il nous faut l’entendre et le réentendre, et apprendre à y croire pour de vrai !

Car il suffit de regarder nos vies à chacun, il suffit d’entendre ce que nous confessons de nos chutes et de nos rechutes, pour savoir que ça n’est pas gagné tout ça ! Que le salut, certes, nous est acquis, et qu’il est promesse de vie, mais que pourtant il reste à recevoir, à accueillir, à célébrer, pour que petit à petit il devienne effectif, qu’il soit « réel » et en actes, et que nous puissions en témoigner humblement.

Et désolé de vous le dire ou de vous le rappeler, mais parfois nous nous décourageons, parfois nous désespérons de nous-même ou des autres ou de Dieu. Parce que nous avons l’impression que rien ne change, que tout ça c’est des belles paroles – le salut, le pardon des péchés, la vie plus forte que tout mal –, or nous voyons bien que c’est pas si évident au quotidien, même quand nous voulons y croire et même quand nous essayons vraiment de mettre Dieu de notre côté pour progresser un peu.

C’est difficile parfois, on aimerait que Dieu nous guérisse d’un coup de baguette magique. Or visiblement le chemin est long et lent – le chemin du salut. Et le risque quand on se décourage de nous-même ou des autres et parfois même de Dieu, le risque quand on se décourage du mal qui nous cloue au sol et de ce péché parfois bien tenace en nos vies, le risque et la tentation c’est de s’éloigner de Dieu, de se dire que peut-être il ne peut pas grand-chose pour nous…

Peut-être qu’on continue de venir à la messe, au cas où, parce qu’on aimerait bien y croire quand même ; peut-être qu’on essaye de se faire aider un peu et on demande par exemple un accompagnement spirituel – et vous avez raison ! – ; peut-être aussi qu’on se dit que si on va de temps en temps à l’adoration ou à je ne sais quel temps de prière ou je ne sais quel pèlerinage et pourquoi pas se confesser ça va finir par marcher mieux… Mais au fond, parfois on n’y croit plus trop et on s’éloigne… intérieurement d’abord et puis réellement – on en connaît tous…

Et Dieu ce soir voudrait dire à chacun de nous : « J’entends ce découragement, je l’entends pour de vrai ; mais j’aimerais tant que tu crois quand même que je suis là et que je peux porter avec toi… J’aimerais que tu croies vraiment qu’un salut est possible, que la vie est malgré tout et malgré les apparences immédiates plus forte que ce mal qui te cloue parfois au sol et plus fort que tout ce qui te fait douter de toi, des autres, de Dieu et même de la vie ». La voilà la tentation du Satan, voilà justement ce qu’il veut nous faire croire : que tout ça serait vain... « Alors accroche-toi, crie vers moi, tourne-toi inlassablement vers moi ; et soutenez-vous les uns les autres, soutenez-vous très concrètement, en paroles et en actes, et aussi dans la prière ».

C’est ça l’enjeu de toute vie ecclésiale : nous soutenir les uns les autres, nous aider à suivre le Christ et à croire en sa Parole, y croire et en vivre : devenir les uns pour les autres les mains de Dieu qui veulent prendre soin, devenir les uns les autres sa voix qui va oser des paroles de réconfort et de consolation, des paroles aussi de pardon et de réconciliation ; devenir présence de Dieu qui veut se faire proche de chacun. Et là, expérimenter mystérieusement quelque chose du salut, la vie plus forte que le mal, même imperceptiblement ou dans des choses très ordinaires, et expérimenter que là se joue quelque chose de l’amour de Dieu, son amour sauveur, sa miséricorde.

Et c’est ça faire la volonté du Père dont parlait la fin de l’évangile : vivre son salut, vivre cet amour sauveur, devenir miséricordieux comme lui, le Père, est miséricordieux. Nous approcher les uns les autres comme Dieu qui dit à Adam : « Où es-tu ? » c’est-à-dire : « Mais qu’est-ce qui t’arrive, laisse-moi me rapprocher de toi, toi qui t’éloignes de moi et qui a du mal à oser la confiance – la confiance en toi, en l’autre, en Dieu, peut-être même en la vie. »

Oui, « Où es-tu ? », veut nous dire le Père ; et il veut le dire à chacun de nous. Alors il pourra faire son œuvre en nous, mystérieusement mais réellement.

Et lui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts – comme nous le rappelait la 2ème lecture –, lui le Dieu de la vie, il pourra nous ressusciter nous aussi, c’est-à-dire re-susciter la vie en nous, par son Esprit Saint, sa force de vie et d’amour qui peut guérir toute blessure et pardonner tout péché. Non pas que nous ne souffrirons plus ou que nous ne pécherions plus, mais avec sa force et avec la patience dans l’épreuve qu’il peut nous donner nous allons toucher du doigt que la vie est là malgré tout et que nous sommes malgré tout capable d’aimer et d’apprendre à aimer comme Jésus lui-même ; et que ça c’est sauveur, pour nous déjà et pour les autres autour de nous.

Et alors, en faisant cette expérience et en grandissant dans une confiance en nous, en l’autre et en Dieu, et comprenant que Dieu, là, vient nous rejoindre et nous relever, nous allons comprendre que quoi qu’il arrive il compte sur nous, et que c’est bon ; et que Dieu, oui, peut faire de grandes choses en nos vies, l’air de rien…

Alors je ne sais, pour la plupart d’entre vous, ce que vous vivez ou ce que vous traversez les uns les autres, et je ne sais comment nous recevons tout cela ce soir, je ne sais quel écho ça trouve peut-être dans vos questions de vie et de foi et peut-être même dans vos découragements ou vos questions sur Dieu… mais tout simplement déposons auprès de lui ce que ça fait remonter en nous. Et comme le psalmiste osons crier vers lui notre attente de son salut comme nos désespérances. Que Dieu vienne-là nous renouveler par cette eucharistie.

Parce qu’il veut nous rejoindre, quoi que nous vivions et au cœur-même de cela, et il veut faire de nous ses témoins… Quel mystère quand même ! Amen.

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