12 Octobre 2024
Samedi 12 octobre 2024
Ep 5,21-33 / Ps 102 (103) / Jn 15,9-17
Je ne sais pas comment vous recevez ces textes, les uns les autres, au regard de là où vous en êtes peut-être de vos questions de foi, je ne sais pas comment vous recevez notamment la 1ère lecture qu’on a choisie avec Myriam et Thibault – parce que tous les trois on aimait le côté un peu provoc’ de la chose – ; en tout cas j’ai envie de commencer ces quelques mots par redire une vérité, peut-être banale, mais qui en fait ne l’est pas tant que ça.
Cette vérité c’est que si vous nous avez invités, Myriam et Thibault, si nous sommes là, c’est parce que vous vous aimez et que vous faites le choix de célébrer cet amour, de nous associer à votre désir d’en faire le socle pour la suite du chemin, au regard de ce que vous en vivez déjà. Et en principe, jusque-là tout va bien, on est censé être d’accord.
Sauf que cette vérité elle est un peu réductrice au regard de pourquoi nous sommes vraiment là – là vous écarquillez les yeux et vous vous demandez ce que je vais raconter !?
On ne se marie pas parce qu’on s’aime, désolé de vous le dire, on se marie parce qu’on décide de s’aimer.
Alors oui, c’est bien parce que vous vous aimez déjà, que vous vous dites « ok on y va ». Et c’est bien parce que le sentiment amoureux et même le désir de l’autre sont forces de vie et que ça matche entre vous que vous y allez.
Mais on ne se marie pas parce qu’on s’aime et qu’on est amoureux ou qu’on a du désir pour l’autre, on se marie pour se promettre qu’on va s’aimer. Et donc qu’on va s’en donner les moyens parce qu’on a déjà perçu qu’il y a là quelque chose de grand et de beau qui me fait vivre et que du coup je veux bien y croire et me donner pour l’autre.
C’est d’ailleurs ce que vous allez vous dire dans quelques instants, Myriam et Thibault, c’est ce qu’on va entendre de vous et avec vous.
Et cet engagement auquel vous nous associez, vous avez fait le choix, Myriam et Thibault, de le vivre ici, dans une église. Et donc de l’enraciner en Dieu. Et Dieu, s’il existe, ce que je crois – sinon je ne serais pas là – Dieu veut s’engager avec vous, au nom même de son amour pour nous.
Alors c’est vrai, souvent on se demande où est Dieu et qu’est-ce qu’il fabrique dans ce monde tellement défiguré par le mal… La Bible est plutôt assez claire : Dieu est amour, Dieu se dit et se révèle dans l’amour en actes. Et ça c’est par son Fils Jésus Christ que nous le découvrons petit à petit, au fil des évangiles. Et à l’écoute de ce qu’il murmure peut-être en nos cœurs et qu’on peut apprendre à entendre « un peu-beaucoup-passionnément-à-folie » dans la prière…
Et dans le petit bout d’évangile qu’on vient d’entendre, Jésus nous a dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». C’est-à-dire : comme Dieu nous aime, Dieu que nos yeux ne voient pas mais que nos cœurs peuvent pressentir, Dieu que Jésus est venu révéler et manifester. Et cet appel à nous aimer les uns les autres et nous aimer comme lui nous l’a montré, c’est le cœur de l’Évangile et donc de la foi chrétienne.
Et c’est ça être chrétien, ça n’est pas d’abord, ou pas seulement, de faire des « bondieuseries » dans une église, même si c’est important de se retrouver, de prier, d’écouter ensemble la Parole de Dieu – pour apprendre, justement, à entendre ce que Jésus nous indique comme chemin de vie, et donc ce qu’il nous dit de cet amour en actes que nous sommes appelés à vivre. Et c’est important de se retrouver pour prier, pour nous soutenir aussi dans la foi, et pour communier au sacrement de sa présence – cette eucharistie qu’on va célébrer nous aussi.
Mais l’enjeu de notre vie chrétienne, c’est d’aimer, d’aimer en actes, d’aimer pour de vrai, d’aimer celles et ceux qui nous entourent. Et de nous y aider les uns les autres.
Et en cela votre mariage, Myriam et Thibault, en cela votre engagement, c’est important pour nous : car vous devenez pour nous un signe de cet appel de Dieu, un signe et un des moyens qu’il utilise pour que l’amour en actes soit vécu et visible. Et c’est à la fois un don qui vous est fait – celui de vous aimer, et de vous aimer déjà – et un appel : en être témoins pour nous, être témoins que l’amour fidèle et qui se donne pour de vrai, pour le bonheur de l’autre d’abord et donc de notre bonheur ensemble, et bien ça c’est qui sauvera ce monde de la laideur du mal – celui qui nous entoure comme celui qui nous traverse nous aussi et qui nous appelle à oser des chemins de pardon et de réconciliation.
L’appel qui nous est fait, l’appel que vous est fait, Myriam et Thibault, et que par vous nous recevons nous aussi cet après-midi, c’est cet appel à aimer, cet appel à nous aimer les uns les autres, et nous aimer à l’école du Christ Jésus qui a donné sa vie pour ça, par amour et pour nous révéler qu’il y a un Dieu qui est là, qui veut marcher avec nous, et nous donner sa force d’aimer et d’aimer mieux.
Et dans l’évangile qu’on vient d’entendre il nous dit que pour aimer à son école, pour apprendre à aimer vraiment, il nous faut demeurer en son amour à lui. Et donc l’associer et le lui demander, lui demander sa force d’aimer, lui demander de ressentir quelque chose de sa présence, et de faire l’expérience de cet amour qui nous relève quand la vie est trop difficile parfois, cet amour qui s’abaisse à hauteur de l’autre et qui va prendre soin de lui, cet amour dont on sait bien les uns et les autres que c’est ce qui donne sens à la vie.
Alors oui, on aimerait parfois que Dieu fasse des choses extraordinaires dans nos vies, qu’il se manifeste avec puissance et qu’il nous prouve qu’il est là. Eh bien Dieu a choisi de se faire proche de nous par les uns et les autres qui seront des témoins en actes de cet appel à aimer. Et je dis souvent que Dieu n’a pas d’autre moyen que nos mains pour prendre soin de celui qui souffre, qu’il a besoin aussi de nos voix pour oser des paroles de réconfort, de consolation ou d’encouragement, ou pour dire des mots d’amour aussi qui vont nous redonner confiance en la vie. Dieu n’a pas d’autres moyens que nous pour se faire proche, car Dieu c’est comme l’amour vrai : jamais il ne s’impose…
Alors vous devenez l’un pour l’autre, Myriam et Thibault, sacrement de cette présence de Dieu à l’un et l’autre, sacrement c’est-à-dire signe de cet amour et de cette présence de Dieu, et le moyen qu’il se donne et qu’il prend, et vous êtes appelés à en rayonner, à ce que ce soit fécond, à en être témoins pour nous. A la fois le signe et un moyen que Dieu utilisera dans la façon dont ensemble vous allez vous donner, dans la façon dont ensemble votre foyer sera ouvert et attentifs à celles et ceux qui souffrent ou qui peinent autour de vous.
Et franchement, c’est beau et c’est grand ce qu’on célèbre cet après-midi avec vous ! Je pourrais en parler des heures.
Un mot encore à propos de la 1ère lecture, j’avais promis, cette lecture qui peut heurter les plus féministes d’entre vous. En fait, si on replace dans le contexte de l’époque, ce que dit St Paul des femmes, c’est malheureusement normal pour son temps. Mais ce qu’il dit des hommes et la conséquence qua ça a dans leur rapport aux femmes, ça c’est révolutionnaire en fait : il est en train de dire aux hommes d’aimer leurs femmes comme eux-mêmes, et donc pas juste comme des bonnes à tout faire dans la maison ou à s’occuper des gosses – même si évidemment, il faut bien s’en occuper et plus que cela : les aimer.
Ce que St Paul nous dit c’est qu’on devrait aimer l’autre – son mari comme sa femme – comme soi-même. Et s’en remettre à l’autre en toute confiance car c’est dans la réciprocité. C’est ça être soumis l’un à l’autre.
Et le vivre dans la crainte de Dieu, c’est-à-dire en espérant le vivre du mieux possible, comme chemin de vie justement, non pas dans la crainte comme si c’était la peur de Dieu, mais dans la crainte de Dieu au sens de l’émerveillement devant la grandeur et la beauté de ce qu’il nous propose. La crainte c’est le frémissement qui nous prend tel un frisson, mais pas forcément de peur ; en l’occurrence, dans la Bible et pour Dieu, un frémissement d’amour et d’émerveillement.
Et ce que St Paul nous dit c’est quand même hyper actuel à une époque où certains passent plus de temps en salle de muscu qu’à prendre soin de leur conjoint ou de leurs enfants. Pas vous, évidemment, je n’oserais pas le penser ! Mais entendons-le quand même : il s’agit de se livrer à l’autre et se donner vraiment les moyens de s’aimer, et donc : de vouloir le bonheur de l’autre comme mon propre chemin de bonheur ; s’aimer vraiment et donc : vouloir donner à l’autre les moyens d’être vraiment lui-même ou elle-même, et de s’y aider l’un l’autre. Et ça devrait nous prendre autant d’énergie si ce n’est plus que de s’occuper de nos muscles ou de nos corps, ou je ne sais quoi d’autre – un van par exemple (facile, j’avoue) !
Vous voyez je pense ce que je veux dire, ou plutôt ce que St Paul nous dit à sa façon et avec le contexte qui est le sien ! En tout cas c’est ça l’enjeu et c’est qu’on célèbre avec vous Myriam et Thibault : le choix, l’engagement, à s’aimer et s’en donner les moyens. Car nous faisons le pari de confiance que c’est là le chemin du bonheur, même s’il y aura des moments plus faciles que d’autres, même s’il faudra parfois consentir à se faire aider. Et dans cette confiance aussi que Dieu s’engage avec nous sur ce chemin, à la mesure de la place qu’on lui fera et aussi par celles et ceux qu’il mettra sur notre route…
Alors je ne sais comment tout ça résonne en vous, les uns les autres, et au regard de là où vous en êtes sur votre chemin de vie ou de foi. Cette fois je m’arrête, mais on pourrait prendre quelques instants de silence, là maintenant, pour juste laisser descendre en nous tout ce qu’on vient d’entendre et pour recueillir ce que ça éveille ; peut-être même la prière que ça nous inspire, pour nous ou pour Myriam et Thibault… Tout simplement…