14 Novembre 2024
Je termine une première lecture de la version traduite maintenant disponible de ce « Document final » donné au peuple de Dieu par l’Assemblée générale du Synode des évêques, en clôture de sa session d’octobre – c’était la phase finale de ce processus synodal qui aura démarré en 2021, avec deux phases diocésaines, une phase continentale et deux sessions synodales à Rome.
Ce texte se lit plutôt facilement, je trouve, et il est assez intéressant, même si spontanément on a l’impression qu’il n’y a pas forcément grand chose de plus à ce qui a déjà été dit, et qu’il y a là comme un point d’étape d’un développement d’un certain nombre d’intuitions du concile Vatican II. Et de fait, je crois que nous sommes là dans une sorte de suite et de déploiement de l’ecclésiologie conciliaire. Ceci dit, le texte est plus dense qu’il n’y paraît.
On y trouve plusieurs définitions qui se complètent de ce qu’est la synodalité et quel en est l’enjeu mais aussi le but, ainsi que ses fondements théologiques, bibliques et spirituels.
On y trouve aussi pas mal d’éléments très concrets quant aux processus de décisions à vivre et quant à ce que peut vouloir dire discerner ensemble, à l’écoute de tous, selon nos charismes, vocations et ministères propres, dans une coresponsabilité différenciée et dans la complémentarité de nos rapports au monde et les uns aux autres – ces éléments concrets appellent d’ailleurs à ce qui pourrait être une révision du code de droit canonique ; ils envisagent la question des modes de désignation et de participation dans les diverses instances synodales existantes ou à relancer, la question de leur mode d'exercice décisionnel aussi (qu’ils soient plus délibératif et pas seulement consultatifs par exemple), celle encore de l’articulation entre ces différentes instances, celle également des modes de relecture et de réajustement des décisions prises, de comment elles se prennent d’ailleurs, avec du coup la question du service de l’autorité des pasteurs comme garants de ces processus et d’une décision par consensus qui soit « inspiré » et pas le fruit des seules idées personnelles de quelques uns ou de je ne sais quelle sorte de vote « démocratique », etc.
Derrière tout cela pointent deux autres thématiques importantes qu’aborde en plusieurs moments notre Document :
1. celle de la formation, notamment la formation à la synodalité (et donc au discernement ecclésial, à l’écoute réciproque et au dialogue, et à la prise de décisions ensemble et l’évaluation et réception de celles-ci) mais aussi une formation synodale qui soit commune à tous, y compris pour toutes les personnes en responsabilités quant à la vie et la mission de l’Eglise – mais une formation commune qui n’exclut pas et soit articulée à des modules spécifiques liés aux besoins propres des différents ministères ou autres fonctions ou services. Une insistance est faite sur l’enjeu de former tous les baptisés à la vie chrétienne baptismale, une vie de disciples-missionnaires qui se nourrisse de la Parole de Dieu, de la prière personnelle et commune, mais aussi de la Tradition de l’Eglise et du Magistère, ainsi que de l’écoute des appels du monde, pour apprendre à discerner la volonté de Dieu pour vivre la mission aujourd’hui ; ce qui appelle aussi de se former au témoignage et à l’annonce du salut, et donc de s’initier à la théologie, à la doctrine sociale de l’Eglise et aux dialogues inter-culturel et inter-religieux – c’est vaste, tout ça !!
2. Et la question des charismes et des ministères : non seulement ce que chaque ministère est appelé à être en lui-même – et notamment les ministères ordonnés, tout spécialement celui de l’évêque pour son diocèse et celui de l’évêque de Rome pour l’Eglise universelle (les ministères de prêtres et de diacres, référés à l’évêque, sont plus évoqués en une certaine spécificité que présentés ou travaillés pour eux-mêmes) – ; mais aussi la question des ministères institués comme celle encore ouverte d’autres formes qui pourraient naître pour un temps et en réponse à des besoins d’un moment. Ce qui est intéressant quant à cette double question des charismes et des ministères c’est comment leur articulation est présentée (qu’est-ce qui fait qu’un charisme va être institué ou reconnu ou rendu visible comme ministère, quel discernement de qui et comment) et comment (donc) on pourrait discerner et « créer » ces nouveaux ministères, comment ils pourraient là aussi s’articuler entre eux et avec ceux déjà existants, etc. Et par exemple, il est notamment question de réfléchir, à propos du ministère des prêtres, à ce qui relève stricto sensu de notre mission propre et ce qui pourrait être confié ou délégué à d’autres – mais le Document ne donne pas là plus d’éléments de réflexion ou de critères de discernement, ça reste à travailler...
Tout cela est un peu trop rapidement présenté ou mis en mot – c’est plus un premier jet de mes premières impressions ou de ce que j’en retiens déjà, plus qu’une réelle présentation de ce texte –, et vous le pressentez je pense : le Document est assez dense. En tout cas c’est fort stimulant je trouve, non sans questions à reprendre et à creuser, y compris quant à leurs implications pastorales concrètes, jusque dans nos lieux de prises de décisions ou nos différents conseils diocésains et paroissiaux – ainsi qu’à l’échelle de l’Eglise universelle ou des Conférences épiscopales...
Je terminerai ce post’ en précisant juste ce que le Document dit d’emblée, dès les premières lignes que tout cela n’a de sens et d’intérêt qu’« en vue d’un élan missionnaire renouvelé » (p.3) où chacun se sente appelé à la mission et partie prenante des modes de discernement de ce que celle-ci appelle, y compris pour la vie de nos communautés – pour que chacun y trouve de quoi nourrir sa foi et son élan missionnaire, dans une marche ensemble où tous ont leur place.
L’Eglise est par nature missionnaire, envoyée au monde pour témoigner du Christ ressuscité et du salut. Tous nous recevons ce mandat au nom de notre baptême ; et certains y reçoivent un ministère particulier mais qui est bien au service de la communauté et de ses membres pour leur vie au monde (la mission et le témoignage) et pour nourrir (et faire grandir) leur vie spirituelle en vue de cela. Le Document dit à plusieurs reprises que les laïcs hommes et femmes sont d’abord envoyés au monde, pour témoigner de l’Evangile dans la société et dans leur vie familiale et professionnelle. Mais le texte rappelle aussi que nous avons besoin des regards et charismes de chacun pour prendre les justes décisions pour la vie de notre Eglise en vue de cette mission de tous – de « justes » décisions, c’est-à-dire des décisions qu’on pourrait dire « inspirées » car elles seront le fruit d’un discernement ecclésial, dans l’écoute ce que l’Esprit du Christ peut vouloir souffler aujourd’hui à son Eglise.
Dernier point – et je terminerai vraiment par là – : on trouve trois « définitions » ou mises en mots complémentaires (et qui m’ont en tout cas marqué) de ce qu’est cette synodalité à laquelle notre Eglise est appelée et qui est constitutive de son être missionnaire :
Pour lire ce Document que le pape a annoncé être le texte définitif de ce processus synodal – il ne publiera pas d’Exhortation apostolique post-synodale, c’est ce texte-là qui aura valeur magistérielle – c’est en cliquant ici – en attendant la version publiée qui devrait alors être disponible en librairie.