[Ascension] Tout est accompli ?

Tout est accompli, pourrait-on dire, ou plutôt : pourrait-on croire. Car de fait, la boucle est bouclée : le Fils est venu du Père et il retourne au Père. N’est-ce pas d’ailleurs ce que chantait St Paul dans son hymne aux Philippiens ?

« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenu semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la Croix.

« C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est seigneur » à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,5b-11).

Au jour de l’Ascension le Christ remonte auprès du Père. Et désormais il sera présent autrement...

Tout est accompli, alors, ou pas ?

« Tout est accompli », n’est-ce pas ce que Jésus a dit sur la Croix (en Jn 19,30) ? Qu’est-ce qui était alors accompli ? Ce pour quoi il était venu ? Le pour-quoi de son passage ici-bas ? Ce qu’il avait à manifester que sa résurrection vient sceller et mettre pleinement en lumière ?!

« Dieu a tant aimé le monde, écrit l’évangéliste Jean, qu’il a donné son Fils unique afin que (...), par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,16-17). C’est fait, tout est accompli. Et les apparitions du Ressuscité sont là pour l’authentifier et pour nous indiquer le chemin, le passage, la Pâques qui nous attend et dans laquelle le Fils veut nous entraîner avec lui.

Et le Fils remonte au Père. Retour à la case départ, apparemment, mais pour lui seulement. Car si tout semble accompli tout reste pour nous en attente et est maintenant à vivre. Tout reste à accueillir, pour nous, et à déployer, ici-bas déjà. Car ce n’est justement pas un retour à la case départ, ce qui a été semé est à poursuivre et à récolter, le Royaume révélé et manifesté est à accueillir et à faire advenir dans le concret de nos jours, pour vivre déjà de cette vie éternelle à laquelle nous sommes promis et appelés.

Me reviennent ces mots du prophète, en Is 55,10-11 : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. » 

St Jean l’avait écrit, dans le Prologue de son Évangile : « Le Verbe s’est fait chair » (cf. Jn 1,14) ; la Parole qui vient de Dieu et sort de sa bouche est venue et à creuser son sillon. Et le Christ Ressuscité qui remonte au Père nous a confié sa mission, de la poursuivre ; alors oui, tout est accompli ou presque, tout est accompli pour le Christ, de sa venue et de son retour au Père, mais tout reste à vivre pour nous. Et même : pour nous avec lui, avec lui présent autrement, depuis le sein du Père, au souffle de cet Esprit Saint qu’il a promis et qui sera donné à la Pentecôte.

Tout est accompli, ou presque, car il faut maintenant que les disciples attendent et reçoivent cette force de vie pour la mission qu’est l’Esprit Saint. Et nous, dans l’aujourd’hui de nos vies, que nous le demandions pour en vivre, pour qu’il vienne établir sa demeure en nous et agir par nous.

Ainsi serons-nous ce que nous célébrons à chaque eucharistie, nous serons ce que nous devenons quand nous communions au mystère du sacrement de la présence du Christ : son Corps, appelés à être chacun et ensemble sa présence qui se dit, en paroles et en actes, et qui poursuit son oeuvre de salut et d’annonce en actes de la miséricorde du Père.

Alors oui, en cette fête de l’Ascension le Christ remonte au Père, il nous a indiqué le chemin et là où nous sommes attendus. Demandons pour l’heure l’Esprit Saint et vivons alors en disciples et en témoins, qu’il poursuive en nous et dans son Eglise on oeuvre de salut ; et qu’il la continue par nous et en Eglise. C’est chemin de vie éternelle.