Dimanche 1er juin 2025
Anniversaire de la Dédicace de la basilique Saint-Joseph de Grenoble [1er juin 1924]
1R 8,22-23;27-30 / Ps 83 (84) / 1P 2,4-9 / Mt 16,13-19
En préparant ces mots et en pensant à vous ce soir, j’ai deux questions qui me sont venues, et même trois en fait [2+1] :
Si on repart des lectures que la liturgie nous propose pour cette fête de la Dédicace, il y a comme un chemin qui se fait des unes aux autres.
La 1ère lecture est tirée de la grande prière de dédicace du Temple de Jérusalem. Et c’est intéressant parce qu’à la fois on a construit ce Temple pour y prier Dieu de façon toute particulière, avec des fêtes de pèlerinages et des sacrifices d’action de grâce ou de demande du pardon de Dieu, donc à la fois ce lieu est celui du culte à Dieu et en même temps, on l’a entendu, personne n’est dupe, Dieu n’est pas enfermable dans ces pierres, Dieu sera toujours au-delà et donc ailleurs et donc avec nous quand nous le prierons, y compris retirés tout simplement dans le silence de notre chambre ou je ne sais où d’ailleurs, partout et en nous…
Alors on pourrait se demander pourquoi faut-il un Temple, pourquoi fallait-il un tel lieu ? Ce lieu est un signe pour le peuple d’Israël. Et nos lieux de cultes quels qu’ils soient sont des signes. A la fois pour nous rassembler et nous rappeler que Dieu est présent au milieu de son peuple et qu’il est juste que nous lui rendions un culte, à la fois que pour que nous y implorions sa miséricorde face à tout ce mal qui traverse le monde et qui défigure nos vies, mais aussi que nous lui offrions le sacrifice d’action de grâce par excellence qu’est le don que le Christ a fait de sa vie, pour nous, pour nous ouvrir le chemin du salut, et nous y entraîner avec lui. Nos lieux de culte devenant du coup le lieu où nous sommes constitués comme « peuple saint », un peuple en marche avec son Dieu. C’est donc important.
Et en même temps, ce n’est que relatif, c’est un signe, un signe de ce que nous sommes appelés à être : nous sommes le Temple véritable, nous sommes le Temple de l’Esprit Saint, c’est-à-dire de la présence agissante de Dieu.
On l’a d’ailleurs entendu dans la 2ème lecture : nous sommes les pierres vivantes de ce « lieu » que Dieu veut – on pourrait même dire ce « lieu » que Dieu veut être – ce « lieu » que nous sommes, qui repose et qui est bâti sur la pierre angulaire qu’est le Christ.
Et d’ailleurs, quand nous communion au sacrifice de l’eucharistie – qui est le sacrificie définitif, le sacrifice d’action de grâce par excellence, sacrifice du Christ pour notre salut –, quand nous communion chacun au même pain eucharistique, chacun mais finalement ensemble, dans une même marche vers le Christ qui se donne, alors nous devenons ce que nous avons célébré, nous devenons ce que nous recevons : le Corps du Christ ; au souffle de l’Esprit Saint qui va être invoqué sur le pain et sur le vin, ce même Esprit Saint que nous allons appelé sur nous tous, sur notre communauté. L’Esprit Saint nous fait devenir le Corps du Christ, sa présence aujourd’hui dans le monde, chacun et ensemble, selon nos charismes et surtout avec nos réponses concrètes aux appels de l’Évangile…
Le Temple d’Israël était ce lieu-signe ou symbole pour rappeler à tous la présence de Dieu au milieu de son peuple, ce peuple qui avait lui-même reçu la mission d’être signe au milieu des nations, signe de quoi ? Signe qu’il y a un Dieu qui est là, le Dieu unique, un Dieu qui veut faire alliance avec nous, c’est-à-dire marcher avec nous, se faire notre compagnon de route, un Dieu qui veut élargir cette Alliance et ses promesses à tous les peuples.
Et c’est la mission que nous recevons, en devant ce Temple nouveau, ce Temple fait non pas de mains d’hommes et de pierres de tailles, non, mais ce Temple nouveau dont les pierres sont vivantes, dont nous sommes les pierres vivantes si nous prenons construction sur le Christ, à l’écoute de sa Parole – en « obéissance » à sa Parole, disait la 2ème lecture.
Et notre mission elle sera bien celle-là : être présence de Dieu dans le monde, en paroles – par l’annonce du salut et de l’Évangile –, mais surtout en actes, par notre vie en réponse d’Évangile.
Et c’est bien de cela qu’il s’agit à la fin de l’évangile qu’on vient d’entendre ce soir, avec ce « pouvoir des clés » qui a été remis à St Pierre et qui sera élargi à tous au ch. 18 du même évangile selon St Matthieu : tout ce que nous lierons sur la terre sera lié au Ciel, et tout ce que nous délierons ici-bas sera délié là-haut, dans le cœur de Dieu.
D’où l’appel à un salut concret dans nos relations les uns aux autres : l’appel à vivre des chemins de réconciliation, l’appel à aimer même nos ennemis, l’appel à être miséricordieux comme le Père est miséricordieux !
Ceux à qui nous refuseront le pardon, quelles qu’en soient les raisons, sont condamnés ?! C’est ça que ça veut dire, c’est en tout cas ce que le Christ veut qu’on entende, pour provoquer une sorte d’électrochoc !
Il nous appartient de vouloir pour eux le salut, malgré tout, malgré le mal qu’ils ont pu faire. Il nous faudra trouver des chemins de guérisons. Pas pour excuser ou pour gagner notre propre salut à coup de bonnes actions, non, mais pour désirer que l’autre, quoi qu’il ait pu faire et même me faire, que l’autre trouve un chemin de vie et de guérison, un chemin de salut.
Et quand je parle de l’autre, soyons honnêtes et voyons que cet autre c’est nous aussi.
En tout cas il y a là un enjeu pour notre bonheur, un enjeu pour toute vie chrétienne, l’enjeu d’apprendre le pardon, l’enjeu d’apprendre à vivre en actes la miséricorde de Dieu qui se fait consolation, pardon, écoute de l’autre ; d’où l’enjeu à prier et à demander au Seigneur sa force de vie et de pardon, sa force d’amour qu’est l’Esprit Saint, pour qu’il nous éclaire sur ce qui sera réellement possible de vivre aujourd’hui, quels pardons réels je peux commencer à vivre, ces pardons que le dois donner ou demander, et qu’est-ce qui reste difficile voire qui me semble impossible que je peux alors offrir au Seigneur, dans la prière, pour lui demander qu’un chemin de salut puisse se faire un jour, petit à petit, qu’il m’y aide, qu’il soit ma force, peu à peu et pas à pas.
Ce qui sera lié sur la terre sera lié au Ciel, nous dit Jésus dans l’évangile de ce soir, et ce qui sera délié le sera pour toujours… Quel mystère et quelle responsabilité…
Mais pour de vrai, le chemin du salut pour ce monde tellement défiguré par le mal, nous savons bien en fait, au fond de nous, qu’il ne peut être que là, même si ça nous paraît difficile. Et ce le sera pas à pas, je le redis, et avec la force et la puissance de Dieu, mais quand même.
Avec cette espérance qui est la nôtre, et qui doit devenir notre prière : cette confiance et même cette certitude de foi que Dieu tient promesses, qu’il tient et donc qu’il tiendra ses promesses de vie et de salut, et donc qu’il va nous aider sur ces chemins de pardon et de réconciliations que nous avons tous à vivre.
Et ainsi, petit à petit, serons-nous réellement témoins de ce salut que Dieu veut pour tous les hommes et pour ce monde. Ainsi serons-nous peu à peu artisans de paix, dans ce monde qui en a tellement besoin et même dans nos familles et nos communautés humaines voire ecclésiales…
Mais pas seuls, je le redis, ensemble, en Église, en nous soutenant les uns les autres ; et en demandant au Seigneur qu’il nous fasse passer des ténèbres à sa lumière – comme le rappelait la 2ème lecture. Qu’il nous donne de croire à un pardon possible, quoi que nous ayons pu vivre et quand lui-même nous le rendra possible. Si nous le lui demandons.
L’enjeu, je le redis, notre mission, c’est que nous soyons ce que nous croyons, c’est que nous devenions ce que nous célébrons, ce que nous allons recevoir : le Corps du Christ, les pierres vivantes de ce Temple nouveau qu’est l’Église, pierres vivantes qui sont appuyées et attachées fermement au Christ, le Christ qui nous promet l’Esprit Saint et qui le donne à qui le lui demande.
Alors prions, prions avec foi, prions et demandons au Seigneur que, dans cette eucharistie, il nous affermisse dans cette confiance-là et dans cette espérance qu’il est avec nous sur le chemin, qu’il nous donne et nous donnera son Esprit Saint, et qu’avec lui, à sa suite et en son nom, nous pouvons être ses témoins, nous pouvons être ces témoins du salut dont le monde a besoin, témoins de pardon et de paix…
Et peut-être pouvons-nous lui confier bien simplement, là maintenant, les visages que ces mots viennent peut-être éveiller en nous. Celles et ceux avec qui nous avons peut-être des chemins de pardons à vivre, que ce pardon soit à demander ou qu’il soit à offrir.
Demandons au Seigneur qu’il nous éclaire sur le réel possible aujourd’hui, demandons-lui qu’il nous en donne la force, même si c’est à petits pas. Et surtout demandons lui sa lumière et sa paix – sa paix en nous et en l’autre. Amen.