Samedi 7 juin 2025 - basilique St-Joseph
Os 2,16-22 / Ps 33 / Jn 15,9-16
Qu’est-ce qu’on va entendre ou retenir de tout ça, de ces lectures ? Qu’est-ce que ça peut nous dire à chacun et de ce mariage aussi que nous célébrons ?
Il y a cette page d’évangile, qui est pour moi une des plus belles – je vais y revenir – et puis il y a eu d’abord cette lecture du prophète Osée, qui vous a peut-être un peu surprise voire un peu choqués, avec cette histoire d’épouse infidèle. Et de fait, ça peut paraître un peu décalé ou même inconvenant au cœur d’un mariage où les époux s’engagent justement à la fidélité ! C’est quoi cette histoire et qu’est-ce que Dieu veut là nous dire ?
Je vais essayer de répondre ou de reprendre un peu tout ça, pour que ça nous aide bien simplement à avancer chacun, et à comprendre un peu de ce qui se joue pour nous tous, cet après-midi, avec ce sacrement de mariage qu’on célèbre.
Dans l’évangile qu’on vient d’entendre il y a cet appel que Jésus nous adresse, qui est le cœur de tout son message et de toute sa vie, l’appel à aimer. Mais pas juste aimer : aimer comme lui nous a aimés.
Aimer, on voit à peu près ; et c’est bien parce que vous vous aimez, Agnès et Robinson, que vous avez décidé et discerné de faire un pas de plus, celui de l’engagement et du mariage. Mais aimer, on sait bien que ça n’est pas juste être amoureux, que ce n’est pas juste être bien ensemble, parce que ça n’est pas gagné pour toute la vie, en tout cas pas tel quel comme si c’était acquis et comme si ça allait être pour toute la vie avec les mêmes sentiments. Aimer, y’a quelque chose de plus, quelque chose de l’ordre d’un choix de vie qu’on pose en vue d’aimer, d’aimer vraiment, d’aimer mieux, d’aimer l’autre là où la vie va nous emmener et comme on va s’en donner les moyens.
Aimer c’est un chemin, on pourrait même dire que c’est un choix, c’est un travail. Et on le décide, on s’y engage, parce qu’on a déjà expérimenté quelque chose de ce que ça nous permet de devenir et d’être, parce qu’on a expérimenté que c’est de fait du côté de la vie. Alors on fait le choix de faire confiance à cela et de croire que ça va se déployer, que ça peut rayonner, et même que c’est un chemin de vie.
Et on le sait bien au fond de nous, même quand l’amour est blessé, et peut-être justement parce que l’amour peut être blessé, on le sait bien que l’enjeu du bonheur il est là, dans le fait d’aimer et d’être aimé, et que cet amour puisse rayonner et même donner la vie. On le sait bien.
Mais on sait bien aussi qu’aimer c’est plus que le sentiment amoureux. Et d’ailleurs Jésus nous a appelé à nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimés, et son amour, on s’en doute, il est d’un autre ordre que le seul sentiment amoureux. Il est un désir de vie pour l’autre que nous sommes, un désir de vie qui rend vivant, le désir d’un salut, qui nous donne de nous relever et de continuer la route quand la vie est parfois difficile et que le mal semble prendre le dessus – et quand je dis le mal c’est tout autant celui dont nous sommes victimes, de près ou de loin, celui de la maladie comme celui des guerres, mais tout autant celui que nous faisons, le péché, toutes ces fois où nous avons du mal à aimer l’autre pour lui-même, toutes ces fois où nous manquons la cible de cet appel à aimer d’un amour qui fasse grandir l’autre.
Pour ce faire, comment Jésus s’y prend ? Il s’abaisse à hauteur de l’autre, il se met à son écoute. Jamais il ne s’impose. C’est cette question qu’il pose souvent – et qui est pour moi capitale pour toutes nos relations humaines et donc pour un couple aussi –, toutes ces fois où Jésus prend le temps de demander : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Ces mots c’est capital car ça veut dire qu’aimer l’autre c’est consentir à ne pas savoir à sa place, à ne pas savoir mieux que lui ce dont il a besoin. Et réciproquement. C’est faire le détour de se dire les choses vraiment, ce qui nous habite, ce qui nous questionne, ce qui ne va pas ; c’est faire le détour de s’abaisser et d’écouter. Alors on pourra discerner ensemble quel chemin est possible et quel chemin on veut prendre ensemble.
On va y arriver plus ou moins bien, et on le sait bien il n’y aura pas non plus d’amour vrai sans pardons à se donner, sans pardons à demander et à recevoir. Et parfois il faudra même consentir à se faire aider, par exemple à ce qu’une tierce personne puisse entendre pour nous et avec nous ce qui se joue entre nous, et qu’à sa petite mesure cette personne puisse nous aider à discerner le chemin à prendre chacun et ensemble.
Mais c’est bien parce que vous avez déjà expérimenté quelque chose de cela que vous voulez y aller. Et faire ce pari de confiance que oui c’est possible et que ce « pour toute la vie » auquel vous vous engagez ça n’est pas enfermant mais c’est au contraire libérant, ça ouvre un horizon dans lequel vous allez apprendre petit à petit et jour après jour à déployer ce que vous percevez comme un chemin de vie. Un chemin sur lequel vous décidez librement de vous donner l’un à l’autre et de vous recevoir l’un l’autre comme une « aide » et un don de Dieu l’un pour l’autre.
Vous le savez Agnès et Robinson, j’aime cette idée que vous soyez donnés l’un à l’autre comme une « aide ». C’est ce que nous dit le livre de la Genèse au moment de la création de l’homme et de la femme.
Et il me semble que c’est un bon repère pour avancer ensemble. Se recevoir comme une « aide » l’un l’autre, pour le quotidien comme pour les décisions de tous ordres qu’il y aura à prendre. Personne n’est au-dessus de l’autre, personne n’est « maître » de l’autre, comme disait la 1ère lecture, mais vous devenez l’un pour l’autre une « aide » que Dieu vous donne, y compris pour votre chemin de vie et de foi avec lui.
Et permettez-moi de dire un mot de cela, dire un mot de ce « avec lui », Dieu qui est là avec vous et qui s’engage avec vous. Il nous l’a dit dans cette page d’évangile, il veut notre bonheur, il veut que la joie soit en nous et qu’elle soit parfaite, profonde, véritable, malgré les questions et les difficultés qui surgiront. Il veut marcher avec vous et se faire votre ami. Tout simplement parce que Dieu nous aime et veut pour nous le bonheur.
Puissiez-vous, Agnès et Robinson, ne pas oublier cela, que Dieu est avec vous et qu’il nous promet sa présence pour tout-jours – et donc chaque jour ! – et que vous êtes donnés l’un à l’autre pour vous aider là aussi, vous soutenir dans la vie de foi et de prière, pour que Dieu soit associé à ce que vous aurez à vivre. C’est laissé à votre liberté, car jamais Dieu ne s’impose.
Puisez force et lumière dans la prière, chacun et ensemble, mais aussi dans l’eucharistie et le sacrement du pardon. Donnez-vous les moyens de grandir dans cet amour qu’il a pour nous et auquel il nous appelle.
En tout cas Jésus l’a dit dans l’évangile que vous avez choisi et qu’on a entendu : il s’agit de Demeurer dans son amour et de garder ses commandements, c’est-à-dire écouter sa Parole et discerner comment mettre en pratique ; alors, dit-il, ça portera du fruit, beaucoup de fruit, c’est-à-dire ce sera chemin de vie, et de vie plus forte que tout mal et que toute mort, y compris malgré les apparences premières et immédiates. C’est notre foi.
Et il vous appelle, à votre mesure, à en être témoins. Témoins comme nous tous, mais témoins de façon toute particulière, témoins que l’amour et l’appel à aimer c’est concret, ce n’est pas que des grandes idées, que ça doit s’incarner, dans l’humble quotidien où on va prendre soin l’un de l’autre et s’apporter consolation et réconfort, pardon aussi et confiance ; être l’un pour l’autre les mains de Dieu qui veut prendre soin de nous et nous relever, être l’un pour l’autre sa voix qui veut encourager et remettre en confiance et en chemin, etc.
Votre sacrement de mariage, Agnès et Robinson, est aussi un envoi en mission. Être des témoins de l’amour, être des ministres de la vie, pour le monde et pour l’Église, comme époux et comme parents. En vivant bien humblement l’appel à aimer, aimer de ce même amour de Dieu.
Alors demandez-lui qu’il vous éclaire au fil des jours. Et mettez-en mots ce qui vous semble se dire et se dessiner pour vous. Demandez-lui aussi la grâce de la confiance et de la fidélité à votre amour et à cette mission que vous recevez, y compris au cœur des moments plus difficiles, quand vous serez comme cette épouse infidèle de la 1ère lecture, infidèle d’avoir délaissée Dieu et avoir pris d’autres chemins, infidèles d’avoir douté et perdu confiance. Mais Dieu promet qu’il est là, que lui reste fidèle, qu’il ne nous abandonne pas, même s’il nous laisse libre.
Que ce soit votre force, et que vous puissiez mettre votre foi, votre confiance, en ce Dieu-là. Et que ça vous appelle à vous aider à grandir sur le chemin de la confiance et de la fidélité – confiance en Dieu, en l’autre et en la vie. Pas à pas et jour après jour, avec l’aide de ceux qui vous entourent...
Alors je ne sais comment les uns les autres nous recevons tout cela au regard de là où nous en sommes de notre chemin de vie et même de foi. Je prie pour que nous nous laissions saisir ou rejoindre au moins un peu par cet amour que Dieu veut nous révéler et nous offrir. Et que chacun à notre mesure, et selon notre état de vie, nous puissions en être témoins, et nous y aider…
Je propose qu’on prenne quelques instants de silence pour laisser tout cela descendre en nous et recueillir ce que ça vient éveiller. Tout simplement nous l’accueillons et pourquoi pas nous l’offrons au Seigneur dans le silence du cœur ; c’est prière. Amen.