23 Mai 2011
Voilà un film déroutant. Vraiment. Et en même temps, il a quelque chose de fascinant... Plusieurs fois je me suis dit : "c'est bizarre..." Mais je crois que je suis content de l'avoir vu. Je crois même que c'est à voir...
Avec cette "Palme d'or" de Cannes, Terrence Malick nous offre une sorte de méditation. Sans doute faudrait-il d'ailleurs le dire au pluriel. Méditation sur la figure du père - Brad Pitt - autoritaire, voulant que ses enfants s'en sortent comme lui - sauf que ce n'est pas sûr qu'il ait vraiment réussi. Méditation sur Dieu - avec cette question : comment notre expérience du "père" interfère sur nos images du "Père" ? Méditation aussi sur le mal, celui qui nous tombe dessus et qui nous fait douter de Dieu, et celui que nous faisons - jouer avec le mal, pour se prouver des choses à soi-même et prouver aux autres qu'on est fort, voilà qui semble entraîner le jeune héros de ce film dans une sorte de fascination au mal qui lui échappe, l'attie, mais le questionne aussi. Une méditation, enfin, sur le deuil et le non-sens des épreuves qui nous tombent dessus - et c'est là le point de départ de ces deux longues heures de film.
L'histoire alterne entre présent et passé ; cela entrecoupé de longues méditations en musique et en images ; le tout ponctué de versets de psaumes et de symboles bibliques dont grouille le film - rien que le titre évoque déjà le livre de la Genèse. Tout cela est très étonnant, déroutant, intrigant... Ainsi en est-il par exemple de cette longue scène méditative qui ressemble à la fois à un chaos - celui de cette mère qui vient d'apprendre la mort de son fils et qui est révoltée dans sa prière, en souffrance, en questions - mais aussi à une description de la création du monde. Mais n'est-ce pas également une mise en images libre et illustrative du chapitre 19 du livre des Rois habité par cette question : où est Dieu ? Dans le tumulte de la catastrophes naturelles ou dans le passage et le bruit d'un silence ténu ? Comme pour Elie sur l'Horeb, défilent devant nous des explosions volcaniques, des tempêtes, mais aussi cette caverne magnifique où semble tout juste perceptible un fin souffle qui passerait... Le tout illustré par la musique absolument magnifique du Lacrymosa du Requiem de Preisner.
Notons d'ailleurs que la bande-son est vraiment très réussie, très belle. Comme les prises de vues.
Mais le résultat est de fait déroutant... Touchant, mais laissant comme un sentiment de "c'est bizarre..." Que penser notamment des scènes finales, cette plage habitée de mille personnes dont notre famille et notre héros enfant et adulte... ? Une sorte d'évocation de la résurrection (et de réconciliation avec son histoire et avec les autres) ? Cela laisse songeur... ou plutôt intrigué... suspendu...
Un film sur le sens de la vie et sur le rapport au père ; mais surtout un film sur la quête de Dieu. Qui est-il ? Comment peut-on dire qu'il est bon ? Que fait-il alors que nous souffrons ?
Un film étonnant pour cette culture très laïque dans laquelle nous sommes constamment baignés... Un film qui nous invite en tout cas à nous laisser déplacer et dérouter, pour entrer, mystérieusement, dans une sorte de méditation à laquelle on ne s'attend pas et qui est pour le moins inhabituelle et innatendue...