Cardinal Lubomyr Husar. Vers un christianisme post-confessionnel

Le cardinal Lubomyr Husar fut le primat (archevêque majeur) de l'Eglise gréco-catholique d'Ukraine de 2001 à 2011. Décédé le 31 mai dernier (2017) je viens de finir de lire ces entretiens que mena avec lui l'historien et théologien laïc orthodoxe Antoine Arjakovsky.

Cet ouvrage est divisé en deux partie, le recueil d'entretiens menés à différentes occasions, sur plusieurs années, puis une série de textes de l'archevêque majeur de cette Eglise gréco-catholique d'Ukraine.

Quel est l'intérêt de ces pages ? Il est multiple ! Voilà qui intéressera celles et ceux qui veulent comprendre un peu la question religieuse dans cette Ukraine dont parlent tant les médias depuis plusieurs années, sur le plan politique, avec notamment toute la question des liens et des affrontements avec la Russie. Les mêmes enjeux se retrouvent au niveau ecclésial et sont même une question oecuménique de premier plan. Car en Ukraine vous trouvez l'Eglise orthodoxe du patriarcat de Moscou, deux autres Eglises orthodoxes dont celle dite du patriarcat de Kiev (le patriarche actuel fut le métropolite de l'Eglise du patriarcat de Moscou !) ; à ces Eglises vous ajoutez la présence de l'Eglise catholique latine, en raison de l'histoire et des liens avec la Pologne, mais aussi cette Eglise gréco-catholique qui fait partie de ces Eglises dites “uniates” et qui regroupent des fidèles issus des rangs orthodoxes ayant rejoint l'Eglise catholique il y a plusieurs siècles tout en gardant en partie leur héritage liturgique oriental et une forme d'autonomie dans la communion avec le pape et l'Eglise catholique latine.

Pour qui veut comprendre le statut complexe aujourd'hui, oecuméniquement, de ces Eglises dites “uniates”, ou même les découvrir, ce livre est une très bonne porte d'entrée. On y comprend pourquoi les accords de Balamand, de 1993, entre catholiques et orthodoxes, ont déclaré que l'uniatisme n'est plus un modèle à envisager ; mais on y comprend en même temps pourquoi une telle Eglise peut être blessée de telles affirmations et pense au contraire pouvoir jouer un rôle oecuménique, du fait de son existence quand même ! Une thématique ou une question qui me rappelaient en lisant ces pages  un colloque auquel je participais il y a quelques années à paris à propos des 50 ans du concile Vatican II et des effets de celui-ci pour les Eglises et donc les fruits et conséquences oecuméniques ; une intervention m'avait intéressé autour du concept d'Eglises-frontières (au regard de ce que sont des frontières géographiquement et géo-politiquement) ; c'était à propos de l'Eglise gréco-catholique roumaine — l'intervention de Calin Saplacan est éditée dans La réception de Vatican II, dir. Jacques-Noël Pérès, DDB, coll. Théologie à l'Université, volume 29, janvier 2014, p.225-241.

Dans le livre qui nous intéresse avec ce post, cet ouvrage d'Arjakovsky et Husar, et avec les divers textes qui le composent, on voit bien toute la question du poids de l'histoire et les enjeux oecuméniques autour des notions ecclésiologiques de “patriarcat” et de “territoire canonique”  (que j'ai moi-même travaillées un peu dans Quel pape, pour les chrétiens ?, DDB, 2015). Le document de Balamand y est cité à plusieurs reprises et pointe déjà ce que celui de Ravenne, en 2006 (lui aussi entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe), dira de l'articulation à tenir entre les trois niveaux de la vie de l'Eglise (et des Eglises) que sont le local, le régional et l'universel. Je ne développe pas plus ici, je renvois là aussi à ce que j'en dis dans mon livre ou aux études que contient la revue Istina dans ses livraisons des dernières années.

Retenez en tout cas que ce livre est fort intéressant pour qui s'intéresse à la situation en Ukraine, pour qui s'intéresse également à la question oecuménique, notamment entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe, et pour qui s'intéresse enfin ou veut découvrir l'histoire et l'actualité d'une Eglise gréco-catholique. Un des textes du cardinal Husar nous permet tout particulièrement de comprendre ce que fut le concile d'union dit de Brest et quelles en furent les conséquences concrètes et ecclésiologiques, un autre comment une telle Eglise se positionne et voit son rôle possible sur le chemin de l'unité et notamment quant aux rapprochements de communion à vivre entre l'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes.

Pour qui veut approfondir la situation particulière de l'Ukraine et de la multiplicité des Eglises qui s'y trouve, je renvoie à l'article d'Antoine Arkakovsky “Le scénario de l'Eglise de Kiev” dans En attendant le Concile de l'eglise Orthodoxe (Cerf, coll. L'histoire à vif, mars 2011, p.447-463).

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Antoine Arjakovsky, Entretiens avec le cardinal Lubomyr Husar. Vers un christianisme post-confessionnel, Parole et Silence, juin 2005, 208 pages, 18€.

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