Homélie mardi 19 février 2019

Mardi de la 6ème semaine du Temps Ordinaire

Carmel St Joseph (Bruxelles)

Gn 6,5-8 ; 7,1-5.10 / Ps 28 (29) / Mc 8,14-21

 

Je me suis laissé interroger par ce récit de la 1ère lecture, ce récit de ce que j’ai envie d’appeler « Les préparatifs du Déluge ». L’histoire de Noé on la connaît bien, je crois, mais ce qui m’a arrêté plus particulièrement c’est ce qui est dit de Dieu, ce sont ces sentiments qui lui sont prêtés et qui peuvent interroger, je crois, notre vivre-avec-Lui… et rejoindre, il me semble, la pointe de l’évangile qu’on vient d’entendre – je vais y faire allusion dans quelques instant…

Dans ce récit des préparatifs du Déluge, je suis frappé par cette colère, cette espèce de désolation de Dieu que j’ai envie de qualifier d’« exacerbée ». Comme si c’était trop. Je dis cela parce que je m’étonne que Dieu décide non seulement de détruire l’humanité – l’humanité pécheresse – mais plus encore d’embarquer là-dedans les autres créatures vivantes qui n’y sont pour rien au péché de l’homme…

La désolation est tellement immense pour Dieu, sa tristesse tellement importante, son dégoût est tel, qu’il préfère tout effacer, pas seulement l’humanité pécheresse. Dieu est comme malheureux de sa Création… alors que tout ce qu’il a fait est bon et il s’en était même réjoui…

J’aimerais qu’on entre dans cette tristesse, dans cette désolation de Dieu, pour sa créature, j’aimerais qu’on entende combien c’est presque démesuré, disproportionné… Tout simplement parce que Dieu nous aime tellement ! Et sans doute que dans notre propre vie à chacun ou quand il voit l’état du monde comme de notre Eglise, combien Dieu est attristé, désolé et peut-être même en colère…

Sans vouloir nous culpabiliser outre mesure, j’aimerais qu’on entende cette tristesse de Dieu, que ça nous aide à mieux percevoir le poids de notre péché et plus largement le péché du monde, ce péché dont nous sommes partie prenante même si ce peut être malgré nous, en tout cas pas toujours sciemment voire consciemment ; qu’on entende cette désolation de Dieu, pas pour nous clouer au sol ou nous morfondre sur nous-mêmes, mais pour mieux découvrir son amour et sa miséricorde, malgré tout. Car le Dieu Créateur est indissociablement le Dieu Sauveur, nous le savons, et c’est déjà présent dans ce texte qu’on vient d’entendre.

Le lien avec l’évangile, c’est la tristesse que Dieu a sans doute aussi face à nos difficultés à entendre et à comprendre ses appels aujourd’hui, ou à décider de nous y mettre vraiment, de mettre en pratique la Parole reçue. Il est là notre péché. Et, c’est lié, nos difficultés parfois à faire mémoire des œuvres de Dieu dans notre vie, au risque de sombrer dans une forme de désolation quand nous serons dans le doute ou dans une sorte de brouillard, chaque fois que la tentation ou la souffrance viennent ou viendront se faufiler au cœur de ce que nous vivons, comme le serpent tentateur des débuts de la Genèse…

Et comme les disciples de l’évangile, nous avons parfois du mal à nous rappeler ce que Dieu a fait pour nous, ce qu’il a déjà fait pour nous. Toutes ces fois, tous ces évènements ou ces rencontres, qui nous ont donné ou redonné goût à la vie, toutes ces fois, tous ces évènements ou ces rencontres, où nous avons été consolés ou pardonnés, relevés par telle main tendue ou telle parole de confiance ou d’espérance.

Le Dieu Créateur est le Dieu Sauveur. Et le salut est une re-création, pour une vie re-suscitée…

Et si je reviens à notre récit des préparatifs du Déluge, le salut vient qu’au cœur de sa tristesse, au cœur de sa désolation extrême, au cœur de sa colère, Dieu voit Noé. C’est comme s’il se laissait attendrir par ce juste. Et je pensais à cet autre récit du livre de la Genèse, quand Abraham parlementera avec Dieu pour sauver Sodome, au nom d’un seul juste qui pourrait habiter la ville, pour lequel Dieu pourrait revenir de sa colère.

Dieu se laisse toucher par Noé. Et par Noé le salut peut advenir, on pourrait même dire que Dieu se laisse convertir au salut… Par Noé, grâce à Noé, Dieu va pouvoir sauver son œuvre. Et c’est bonne nouvelle… Au cœur de ce que nous vivons, au cœur de ce que nous traversons, au cœur de nos vies qui attristent parfois Dieu et sans doute le désolent, le cœur de Dieu n’est pas fermé, ce que Jésus va révéler pleinement, le cœur de Dieu est miséricordieux. Et nous serons appelés à vivre de cette même miséricorde – on l’entendra dimanche prochain.

Cette miséricorde c’est une histoire de regard. Il s’agit de voir, comme Dieu a vu Noé. Une histoire de regard sur nous-mêmes comme sur l’autre quel qu’il soit. Croire que quoi qu’il arrive, l’autre est « sauvable », l’autre est aimé de Dieu, même s’il ne le sait pas et même si les apparences nous le feraient oublier.

Je le redis – et j’en termine par là – : le Dieu Créateur est le Dieu Sauveur. Et le salut est une re-création, pour une vie re-suscitée… Amen.

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