Homélie dimanche de Pâques 2023

Dimanche 9 avril 2023 - Messe du soir de Pâques

Ac 10,34a-37-43 / Ps 117 (118) / Col 3,1-4 / Lc 24,13-35

 

Vous aurez peut-être remarqué qu’il y a une espèce de décalage entre le début de ce qu’on vient d’entendre, cette désespérance qui habite ces deux disciples qui rentrent chez eux, avec la joie qui va peu à peu les gagner mais surtout cette joie qui sans doute vous habite ce soir et qui a envahi vos cœurs, peut-être même vos corps, si vous étiez la nuit dernière à la Vigile, notamment ici à St Jo où la joie a éclaté et habité une bonne partie de votre nuit !

Les disciples qui rentraient ce soir-là à Emmaüs n’ont pas encore fait l’expérience du Ressuscité. Au début du récit ils ne peuvent pas encore affirmer comme Pierre dans la 1ère lecture : « Celui qu’ils ont supprimé en le pendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour ». Ils n’en sont pas là. C’est le cas de beaucoup autour de nous qui ne savent même pas ce mystère de la résurrection, peut-être même pas Dieu d’ailleurs. Ou alors, pour certains ça reste des mots, de belles idées mais ça ne change pas grand-chose à leur vie… Il me semble…

Et c’est la question qui m’habitait ce matin en méditant un peu ces textes et en pensant à vous, ici ce soir : pour de vrai, qu’est-ce que ça change pour nous que le Christ soit ressuscité ?

Je le redis autrement, mais pour vous qui étiez là hier soir, vous avez chanté et expérimenté cette joie, vous êtes peut-être resté faire la fête tard dans la nuit, au Café, mais quand même, concrètement, pour de vrai qu’est-ce que ça change tout ça ? Qu’est-ce que ça change pour chacun de nous, et du coup qu’est-ce que ça change pour notre monde, cette histoire de résurrection ?

St Paul nous dit dans la 2ème lecture que cette résurrection elle nous concerne nous aussi. Pas que le Christ : nous sommes ressuscités avec le Christ. C’est bien le sens du baptême que certains ont reçu hier soir, et dans lequel vous avez été invités à vous laisser renouveler vous aussi.

St Paul nous dit : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut » vous qui êtes déjà « passés par la mort », nous tous dont la vie reste cachée avec le Christ en Dieu – c’est St Paul qui le dit. C’est-à-dire : nous dont la vie, en son sens et dans la plénitude du mystère de ce qu’elle est, est déjà entraînée par le Christ en Dieu, dans ses promesses de vie éternelle et de résurrection.

Qu’est-ce que ça veut dire ? Ma foi en la résurrection, notre foi, c’est qu’avec Dieu, quoi qu’il puisse nous arriver, la vie peut-être re-suscitée au cœur de toute épreuve et de toute traversée quelle qu’elle soit. Au cœur de la nuit qui parfois envahit nos vies et tout notre être, une lumière peut jaillir et devenir l’étincelle d’un feu qui peut prendre nos cœurs et nous redonner vie. Le feu de l’amour de Dieu, son amour sauveur, son amour qui fait vivre.

Oui, avec le Christ, malgré les apparences immédiates de la vie, le mal et la mort sont vaincus. Le mal et la mort n’auront pas le dernier mot. La vie est plus forte que tout mal et que toutes morts. Voilà le mystère de la résurrection. Celle du Christ et celle à laquelle il nous appelle, cette résurrection qui est promesse de vie et dans laquelle le Christ nous entraîne avec lui.

Et je peux vous assurer que ça change tout, ça peut changer notre façon d’affronter les évènements. Voilà pour moi la réponse à cette question que je vous posais tout à l’heure, cette question qui est capitale pour notre vie de foi, ce « qu’est-ce que ça change pour nous et donc pour ce monde que le Christ soit ressuscité ? »

La vie, avec lui, est plus forte que tout mal et que toutes morts – j’insiste. Et s’il est ressuscité alors il peut se faire Présence à ce que nous traversons et il peut porter avec nous, par la force de l’Esprit Saint qui est cette force de Dieu par lequel le Père a ressuscité Jésus d’entre les morts, son Souffle de vie qui peut faire toute chose nouvelle en nous – et par nous, pour ce monde.

Mais pour l’heure, si je reviens à notre évangile de ce soir, pour l’heure nos deux disciples rentrent chez eux tristes et désespérés. Car ils n’ont pas encore été saisis par cette Bonne nouvelle. Ils n’ont pas encore fait cette expérience du Ressuscité. Ils n’ont pas encore fait cette rencontre déterminante pour eux et pour leur chemin de vie.

C’est dans la rencontre avec cet homme qu’ils semblent ne pas connaître et dans la mise en mots de leur mal-être mais aussi de ce qu’ils savent déjà, que quelque chose va se produire, un basculement intérieur. Ils savent déjà la résurrection, c’est eux qui le disent : « des femmes de notre groupe nous ont rempli de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant ».

Vous avez entendu comme moi : ils savent déjà, nos deux disciples, ils savent déjà la résurrection. Mais ça reste des mots, ça reste une idée. Et peut-être que c’est pareil pour certains d’entre nous ou autour de nous, dans nos familles ou pour certains de nos amis.

Alors je repose ma question : ça change quoi pour nous la résurrection ? Concrètement ça fait quoi dans nos vies ?

Nos deux disciples, ce qui fait que ça va passer de la tête au cœur et devenir une réalité de vie et même une Bonne nouvelle, c’est de laisser la Parole de Dieu descendre en eux et façonner leur cœur, révéler en eux le sens profond de ce qui se joue là pour eux, à savoir la présence indicible du Ressuscité. Indicible et même impossible, incroyable. Et pourtant il est là.

Et quand ils en sont sûr, quand ils le découvrent avec le cœur, ou ce qu’on pourrait appeler les yeux de la foi, alors ils ne le voient plus. C’est le paradoxe. Mais leur cœur sait. Ils savent que c’est vrai, que c’est réel. Nul besoin de voir ou de preuves. Ils peuvent s’écrier : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »

Et ça les remet en route, ça les relève, ils ne peuvent garder cette Bonne nouvelle pour eux seuls, ils retournent à Jérusalem où ils pourront s’écrier comme les apôtres : oui, « Le Seigneur est réellement ressuscité : il [nous] est apparu à [nous aussi] ».

Plus rien ne sera pour eux comme avant. Mais la question, elle, elle demeure, pour nous. Celle de nous laisser habiter profondément, nous aussi, par cette Bonne nouvelle, cette Bonne nouvelle de cette Présence autre mais réelle de Jésus à ce que nous vivons, et de cette promesse de vie plus forte que tout mal et que toutes morts, pour nous aussi, dans le réel concret de ce que nous avons à vivre et à traverser.

Alors je ne sais pas où vous en êtes les uns les autres de votre chemin de foi et même de votre chemin de vie et de vos questionnements de tous ordres. Mais ce qui me paraît capital à entendre ce soir et à retenir c’est que cette annonce de la résurrection, pour que ça devienne réellement une Bonne nouvelle qui change quelque chose, que ce soit une Bonne nouvelle qui change notre vie et nous donne de l’élan à vivre ce qui est, il me semble qu’il nous faut entendre l’enjeu d’apprendre à mettre en mots avec d’autres nos doutes, nos désespérances et peut-être même nos souffrances. Et d’apprendre à permettre à l’autre que nous rencontrerons de pouvoir lui aussi vivre cela.

Et là, l’enjeu ça va être ensuite d’apprendre à laisser le Christ nous rejoindre, notamment par sa Parole. L’écouter, la prier, la partager aussi avec d’autres, pour apprendre à entendre ce que Dieu veut nous dire au cœur de ce que nous traversons et de ce que Dieu fait déjà en nos vies.

Alors, comme nos deux disciples, nous pourrons dire au Christ, dans le silence de nos cœurs : « Reste avec nous, Seigneur », reste encore avec moi. C’est la prière, qui peu à peu va devenir un lieu pour nous laisser rejoindre et conduire par le Christ, un lieu pour lui laisser place et lui permettre d’éclairer notre vie dans le concret de ce qu’elle nous donne de vivre et de traverser.

Et à notre petite mesure nous pourrons apprendre à en témoigner pour d’autres et leur permettre d’emprunter ce chemin à leur tour. Celui d’une rencontre du Ressuscité que nos yeux ne voient pas mais que notre cœur peut pressentir. Le Ressuscité dont l’étincelle de son amour peut saisir nos cœurs et les enflammer d’une joie profonde et paisible qui va nous permettre les uns les autres d’apprendre à avancer sur le chemin de la vie avec une confiance grandissante en ce qui sera…

Je vous assure que ce ne sont pas que des mots, en tout cas derrière ces mots j’essaye de vous parler d’expérience. Et ce que je peux vous assurer aussi, c’est que tout seul c’est difficile, on a besoin les uns des autres sur ce chemin, pour nous soutenir, et pour nous aider à entendre et à recueillir la vie qui est là, malgré tout parfois, et pouvoir alors continuer à avancer. C’est tout l’enjeu de notre vie ecclésiale, d’être ensemble disciples de Jésus, de nous en donner les moyens au fil des jours, des semaines et des mois.

Alors ce soir je rends grâce de ce qui nous est donné de vivre ici à St Jo, mais plus largement de ce que nous célébrons, cette joie de la résurrection et du Christ qui est là, cette Bonne nouvelle qui peut devenir un vrai moteur de vie et de confiance en la vie, un vrai moteur de confiance et d’espérance, pour nous tous – je le crois vraiment.

Je prie pour que nous nous laissions saisir par ce mystère, que nous nous laissions renouveler par cette Bonne nouvelle. Que ça puisse réellement changer notre vie !

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Bonus : un commentaire – ou plutôt une lecture spirituelle – du tableau d’Arcabas Le Repas à Emmaüs que vous trouvez en image de couverture et d’en-tête de ce blog : c’est par ici...

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