Dimanche soir 20 avril 2025 – Pâques
Ac 10,34a.37-43 / Ps 117 / Col 3,1-4 / Lc 24,13-35
Je ne sais pas si on mesure vraiment la force de cette Bonne nouvelle, la Bonne nouvelle de la résurrection de Jésus. Ça nous met en joie – et certains d’entre vous, ici à St-Jo, on fait la fête toute une partie de la nuit –, ça nous met en joie car nous comprenons bien qu’il y a là quelque chose d’extraordinaire pour notre vie et d’irréversible dans le cours de l’histoire de l’humanité, et pourtant… pourtant on est parfois comme ces deux pèlerins d’Emmaüs qui savent la résurrection mais qui rentrent chez eux tout tristes, et même désespérés…
Et j’aimerais qu’on prenne le temps de regarder cette réalité-là, qu’on la regarde en face. Au cœur-même de la fête et de notre joie, au cœur-même de la Bonne nouvelle qui a retenti cette nuit, mais au cœur du réel et de ce réel-là qui nous traverse parfois, comme nos deux hommes...
Parce que, oui, nous y croyons à tout ça, en tout cas on le sait et on veut bien y croire, et en même temps, parfois, ça reste quand même une question. Pas tant de savoir si c’est vraiment vrai, mais celle de savoir ce que ça change réellement pour notre vie, parce que le réel c’est que la vie continue quasi pareil et nos combats restent les mêmes…
Je ne suis pas en train de dire que ça ne change rien, cette Bonne nouvelle de la résurrection, – ne me faite pas dire ce que je n’ai pas dit, parce que je crois réellement que ça change tout, du moins ça change tout de notre regard sur la vie et sur les évènements ; et ça ouvre un horizon de vie qui change tout, oui. Mais dans le concret des jours, même si j’ai résolument décidé de vivre à la suite du Christ et de vivre en ressuscité, si j’ai résolument le désir que ça change ma vie et que ça transfigure mes combats, – tous les « stop » à poser dont parlait Christophe R. hier soir dans son homélie, vous irez réécouter sur le site de la paroisse, via ce lien –, eh bien force est de constater que nous sommes parfois déçus de nous-mêmes ou de Dieu, nous sommes parfois découragés, parce que nos combats et notre péché ont la dent dure !
Et parfois on peut se sentir un peu comme ces deux hommes qui rentrent chez eux. Ils ont cru en Jésus, ils l’ont suivi, ils avaient bien compris qu’il était le libérateur promis. Sauf que rien de ce qu’ils attendaient ne s’est produit.
Ils pensaient à un libérateur qui aurait agi avec puissance, un roi qu’une armée aurait défendu et qui aurait libéré le peuple de l’occupation romaine et de toute la violence qui va avec. Mais non, rien de tout ça. Il a été arrêté et mis à mort. Il parlait de salut et de vie éternelle mais il n’a même pas su se sauver lui-même et il est mort comme tout le monde, et même pire que tout le monde, comme le pire des malfaiteurs…
Ils ne savent plus où ils en sont, et intérieurement il se disent sans doute quelque chose du style : « C’est quoi ce bazar, c’était quoi cette histoire ? »
Et les voilà qui rentrent chez eux, ils retournent à leur vie d’avant. Et ils sont découragés, désespérés. C’est le vide. Rien ne semble s’être passé comme prévu, les promesses de Dieu semblent vides de tout contenu…
Et je les imagine marchant la tête baissée, songeurs, tristes. Alors que St Paul, dans la 2ème lecture nous a invités à regarder les « réalités d’en haut » , c’est-à-dire regarder plus loin, regarder avec une perspective autre, celle de Dieu et pas seulement la nôtre, pas seulement d’un point de vue humain, selon les apparences premières et immédiates.
Il s’agit d’entendre vraiment, pas seulement avec la tête mais avec le cœur. Se laisser toucher et transformer intérieurement par cette Bonne nouvelle de la résurrection...
Je dis ça comme ça parce que nos deux hommes ils ont eu l’annonce de la résurrection ; comme nous. Mais visiblement ça ne change rien à leur déception et leur « à-quoi-bon » d’avoir vu Jésus mourir comme un malfaiteur et pas du tout comme un sauveur. Ils sont comme enfermés dans leur « C’était quoi cette histoire ? » ; et c’est terrible !
Et je dis tout ça parce que parfois on est pareil : la joie nous a pris, la joie vous a peut-être envahi hier soir, entraînés que vous étiez par la louange et la beauté des chants, et parce que la joie est contagieuse ; mais au fond, ça va changer quoi aux combats intérieurs qui sont les vôtres et à ces questions qui parfois vous font douter de la vie et d’un sens à vivre ?! ça va changer quoi, pour de vrai ? …
Je ne dis pas tout ça pour plomber l’ambiance, promis. Mais pour que nous demandions au Seigneur la grâce de nous laisser rejoindre-là, en ces lieux-là de notre vie réelle, dans nos combats, dans nos questions de vie, dans nos épreuves peut-être ; et que nous demandions au Seigneur sa grâce de voir ce réel-là au prisme de son regard à lui et de cette Bonne nouvelle de sa résurrection, que ça vienne changer notre regard sur les évènements et sur le cours de l’histoire ; et que nous acceptions de nous laisser rejoindre par cette Bonne nouvelle, au cœur même de nos aller-retours entre un « Oui Seigneur j’y crois » et nos découragements pourtant qui nous feraient peut-être dire : « C’est quoi tout ça, c’est quoi ces histoires, ça change rien »…
Si, ça change quelque chose – même si ça n’est pas magique, la foi – ; et même ça change tout. Ça ne change pas le cours des choses, mais ça change notre regard et notre façon de vivre tout cela.
Et parfois, comme nos deux hommes qui rentrent chez eux, un évènement ou une rencontre va venir réveiller en nous l’espérance, ça va venir bouleverser quelque chose en nous, et alors on va comprendre avec le cœur que Dieu est là avec nous, que Dieu ne nous abandonne pas, que Dieu a bien tenu promesses.
Et elle est là notre espérance : croire que la vie, oui, malgré tout, est plus forte que mes découragements ; croire que la vie, oui, malgré tout, est bien là, même imperceptible parfois, telle une lueur d’espérance qui va éclairer la nuit des jours. Et que oui, la vie est plus forte que le mal, ce mal qui m’entoure et m’assaille parfois.
Et alors, prenant conscience de cela, la vraie joie va nous envahir, la joie intérieure qui se fait paix du cœur. Et qui se fait confiance. Confiance malgré tout. Mais confiance.
Et ça change tout, parce que je sais du coup que quoi qu’il m’arrive, Dieu est là, et que quoi qu’il m’arrive, le mal et la mort sont déjà vaincus, qu’ils n’auront pas le dernier mot de ma vie. Et que quoi je fasse, quelles que soient mes rechutes au péché et mes combats de chaque jour, avec moi-même et ma désespérance, quoi que je fasse, Dieu me promet sa présence qui sauve, Dieu me promet son pardon qui va me relever jour après jour et me remettre en route.
Et même : Dieu est là et il compte sur moi pour être témoin pour d’autres de sa miséricorde et de son salut, être témoin de sa résurrection qui est force de vie dès aujourd’hui. Il compte sur moi pour être témoin d’espérance.
Voilà la Bonne nouvelle de ce jour. Et voilà le chemin que nous allons être appelés à vivre au fil des jours et des semaines. Et c’est beau.
Alors redisons au Seigneur notre désir de le suivre, de le suivre vraiment, et de choisir de vivre pour le bien, choisir de vivre déjà de ces « réalités d’en haut » dont parlait St Paul, celles de son amour pour tous et pour tout-jour – chaque jour –, celles de sa miséricorde qui appelle à se laisser consoler et pardonner et à devenir, à notre tour, consolation et pardon pour d’autres, car là est le chemin de l’espérance, là est la Bonne nouvelle de la résurrection dès ici-bas.
Et là sera ce que j’aime appeler notre moteur de vie et de confiance, cette certitude de foi que Dieu est là, que Dieu tient promesses, et que la vie est vainqueure du mal et de la mort ; et donc que quoi qu’il nous arrive, le mal et la mort n’auront pas le dernier mot de ce que nous avons à vivre, si nous traversons toute épreuve et tout découragement avec le Christ ressuscité – avec lui, j’insiste ! – et en lui demandant l’Esprit Saint, sa force de vie et d’amour, sa force de résurrection, celui qui va « re-susciter » la vie en nous…
C’est l’Esprit saint qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, c’est lui qui nous est donné pour vivre en ressuscités nous aussi, un jour après l’autre, pas à pas et jour après jour.
Alors rendons grâce, rendons grâce à Dieu pour cette Bonne nouvelle de la Résurrection.
Rendons grâce au Seigneur pour celles et ceux qu’il met sur notre route et qui sont, sans le savoir, présence du Ressuscité qui ouvre nos cœurs à son espérance.
Et confions-lui nos combats de chaque jour, ce qui nous décourage ou qui parfois nous fait douter de cette Bonne nouvelle, cette Bonne nouvelle de la Résurrection qui peut pourtant être un vrai moteur de vie et de confiance en la vie, malgré tout…
Et que la paix et la joie de la Résurrection envahisse nos cœurs à chacun ; que ce soit une réelle force de vie, en nous, une force de vie qui illumine tout ce que nous avons à vivre. Amen.
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Pour comprendre mieux l’illustration de ce post’ et méditer sur ce tableau du repas à Emmaüs d’Arcabas: c’est par là !