C’est un très beau récit. Qui ne peut laisser indifférents toutes celles et ceux qui ont eu à accompagner un parent mourant, ou un parent malade et vieillissant qui n’en finit pas de ne pas arriver à mourir – ou de mourir à petit feu.
C’est un très beau récit, même s’il est dense et par moments douloureux.
Marion Muller-Colard a déjà écrit sur la vie fragile, celle qui ne tient qu’à un fil. Je pense à ce très beau récit à cette petite fille qu’elle va baptiser et dont la mère est en train de mourir d’un cancer – cette mère, trop jeune pour mourir, qui est une amie chère de notre auteure – : La vie funambule…
Je pense aussi à son très beau première livre sur la foi, le mal et la souffrance, L’Autre Dieu, qui m’avait tant marqué.
Nos vies sont fragiles. La vie ne tient parfois qu’à un fil. Et d’ailleurs : qu’est-ce que vivre ? Et quelle est-elle cette dignité qu’on veut défendre et de laquelle on croit débattre dans nos projets de lois sur la fin de vie, cette dignité qu’on brandit parfois comme un étendard ?
Quand Marion Muller-Colard écrit ce récit de vie – ou plutôt quand elle le vit, car c’est de son père dont elle parle ici, et cette épreuve de sa fin de vie –, quand elle met donc en mots cette « traversée » que ça leur donne à vivre, on est, en France, en plein dans ces débats sur la fin de vie, en vue de ces fameuses lois que le Parlement doit encore voter. Et elle a participé à la réflexion, comme membre du Conseil national d’éthique. Sauf que là, on n’est pas dans la théorie abstraite, on est dans le réel vécu, difficile, douloureux. Qui est aussi celui de ce qui semble être, parfois, de l’acharnement thérapeutique… C’est complexe tout ça…
Elle raconte son père et cet AVC qui le laisse à moitié vivant ; elle raconte la mort annoncée mais qui ne vient pas, les médecins et les soins à tout prix ; elle raconte cet entre-deux interminable entre vie et mort, la lente « chute libre » ce père qui lui est de plus en plus étranger et les décisions à prendre en famille, avec les médecins ; elle raconte les souvenirs, la fatigue aussi de cette traversée qui dure, et la vie qui est là quand même...
Et c’est très beau, très bien écrit, mais dense aussi d’émotion, de questions, de vie fragile, de douleur…
Il n’est pas question d’euthanasie en ces pages, ni de désir ou de demande d’aide à mourir ; il est question de cette mort qui ne vient pas, de cette vie qui se rétrécit et qui est douloureuse, d’une médecine qui veut tenter le tout pour le tout – pour offrir un éventuel sursaut de vie, peut-être –, et des proches qui sont là, avec leurs fragilités aussi, leur fatigue, leurs questions, et la vie qui doit bien continuer…
———————
Marion Muller-Colard, L’ordre des choses, Sabine Wespieseur éditeur, octobre 2025, 132 pages, 17€.