1 Mai 2021
Samedi de la 4ème semaine du temps pascal
[Carmel ND de Surieu]
Ac 13,44-52 / Ps 97 (98) / Jn 14,7-14
Le Christ Jésus nous indique le chemin, la destination qui nous est promise : être auprès du Père. C’est là où il va et c’est ce que nous célèbrerons tout particulièrement dans une dizaine de jours, à l’Ascension. Être auprès du Père. C’est là où il va et c’est là qu’il veut nous conduire.
Mais voilà que si nos vies devraient être tendues vers l’accomplissement de cette promesse, voilà que si nous devrions nous exclamer comme Philippe « Montre-nous le Père » – et plus que cela, même : « Emmène-nous au Père, maintenant, emmène-nous avec toi » –, voilà que nos vies sont en tension. Parce que sommes-nous si pressés de rejoindre la Maison du Père ? Et parfois – pour ne pas dire souvent, peut-être – vivre ici-bas en confiance du Fils et de sa Présence à laquelle nous croyons et que nous pressentons, cela ne nous suffit-il pas – et le reste on verra pour plus tard, mais plus tard justement – ?
Eh bien non, le but c’est le Père, et avec lui, en lui, la vie éternelle pleinement réalisée. Au dernier jour, comme disait l’évangile de jeudi dernier (il y a 10 jours), quand nous seront pleinement ressuscités.
Et voilà que nous sommes en tension, une double tension en nous : entre le désir que notre vie ici-bas nous soit pleinement profitable, que ça dure – parce qu’on est bien, ici, et que nous ne sommes bien souvent pas très pressés de mourir – et notre aspiration quand même à cette destination-là, qui nous prend intérieurement, et la question parfois de savoir alors pourquoi ça dure ici-bas – ce serait aussi bien d’en être dès maintenant, non ?
La vie nous fait osciller dans cette double tension, je crois. Et aux heures les plus difficiles pour moi de ces derniers mois, quand la fatigue et la lassitude de celle-ci et de la maladie prenaient le dessus, c’était ma question, une question existentielle et spirituelle : Pourquoi Seigneur ? « Pour - quoi » – en deux mots – ? Après tout, ne serais-je pas mieux et plus utile au Ciel pour faire à ma petite mesure du bien sur la terre – comme dirait Ste Thérèse de Lisieux – ? Après tout…
La question derrière tout cela, c’est celle de notre vocation à vivre, à vivre ici-bas, à vivre ici et maintenant dans l’aujourd’hui qui est là…
Pourquoi le Seigneur nous veut-il encore ici et pas déjà au Ciel ?
L’Évangile de ce jour apporte quelques éléments de réponses, qui sont des appels pour notre pèlerinage sur cette terre.
Vivre c’est donné pour apprendre à connaître le Christ Jésus et par là-même apprendre à connaître le Père qui veut sauver tous les hommes, toute l’humanité, qui nous aime au point d’avoir donné son propre Fils pour nous le révéler et nous y appeler. Mais le Père, nous le savons, qui aime pour de vrai et donc qui nous laisse libres de vouloir ou non être de son projet de salut pour nous.
Vivre, n’est-ce pas pour cela ? Pour apprendre à connaître Dieu et son salut, et à en être, apprendre à se laisser aimer de cet Amour-là pour en vivre, justement ?
Et vivre c’est ainsi et c’est alors devenir témoins pour d’autres, témoins qu’il y a un Dieu qui est là, qui nous fait vivre et qui, avec nous, par nous, voudrait permettre pour d’autres cette rencontre. Faire les œuvres de Jésus lui-même, nous a-t-il dit. Or son œuvre, le pourquoi de sa venue, c’est bien cela. C’est révéler le Père tout-aimant et miséricordieux, c’est nous entraîner à sa suite pour en vivre concrètement, et c’est nous ouvrir au salut, à sa résurrection, qui est victoire de la vie sur tout mal et sur la mort.
Notre job ici-bas c’est cela. Rien de moins que cela. Et porter le monde dans la prière, ce monde tellement défiguré par le mal ; porter ce monde dans la prière et implorer la miséricorde du Père pour ceux qui n’auront pas accès à l’annonce du salut ou qui le refuseront. Comme Jésus a prié, jusque sur la croix. « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » …
Notre job ici-bas, notre vocation à vivre, c’est tout cela, chacun à notre mesure et selon nos charismes propres et notre vocation particulière. En dynamique de vie éternelle puisque déjà nous apprenons à connaître le Père et le Fils et que déjà nous apprenons à vivre du salut et à en témoigner par ce qui fait notre vie.
Alors, oui, comme Philippe, crions vers le Fils, vers le Christ Jésus, crions : « Montre-nous le Père », aujourd’hui ! « Révèle-nous le Père, Seigneur Jésus », que nous marchions avec toi en vie éternelle en ce jour que tu nous donnes.
D’ailleurs le dernier jour, celui de notre résurrection promise – ce dernier jour dont parlait l’évangile de jeudi dernier, il y a 10 jours –, ne disais-je pas qu’il est en fait, je le crois, le premier jour éternel et quotidien d’une vie renouvelée par le mystère de la résurrection du Christ ?
Le premier jour éternel et quotidien d’une vie déjà renouvelée par le mystère de la résurrection du Christ…
C’est dans cette dynamique là que nous sommes appelés à vivre l’aujourd’hui qui nous est donné. Avec le Fils qui veut nous entraîner vers le Père, le Fils qui se donne à nous pour que nous ayons force en lui, par lui, avec lui, pour la route qui nous est donnée. C’est bien ce que nous célébrons et ce que nous lui demandons ce matin encore dans cette eucharistie.