Homélie dimanche 19 février 2023

7ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A

 

Lv 19,1-2.17-18 / Ps 102 (103) / 1Co 3,16-23 / Mt 5,38-48

 

En lisant ces mots de Jésus, ce matin, j’ai pensé à l’Ukraine, à la Russie, et à tant de chrétiens qui vivent dans des situations de conflits. Comment peuvent-ils recevoir et que peuvent-ils faire de ces paroles de Jésus qu’on vient d’entendre ?!

 

Et de fait, [je le disais hier aux couples en week-end de préparation au mariage en leur présentant le temps qu’on a pris sur cette page d’Évangile :] Jésus nous appelle à une vraie radicalité – et pour reprendre les mots de la 2ème lecture on pourrait même dire : une sorte de « folie », au regard d’une certaine sagesse humaine immédiate –, une radicalité qui peut faire peur et qui peut paraître trop exigeante.

 

Il s’agit de tendre l’autre joue, nous dit l’évangile, de donner son manteau, et d’aimer même nos ennemis. Et ce n’est pas rien ! Et peut-être qu’on peut se demander : mais à quoi bon, en fait ? Pourquoi ? C’est quoi l’enjeu ?

 

Pour essayer de répondre un peu, et pour nous donner de comprendre un peu mieux l’enjeu de cette radicalité de l’Évangile et en quoi c’est une Bonne nouvelle, un chemin de vie, j’aimerais repartir de deux appels qu’on a entendus dans ces lectures, ou plutôt deux affirmations qui nous sont faites.

 

La première, elle est de Saint-Paul dans la 2ème lecture : « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » Et la seconde, à la fin de l’évangile :  « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » L’enjeu il est là : être parfaits comme le Père est parfait. Et ça c’est possible, on le peut, parce que l’Esprit Saint habite en nous, il nous est donné ; c’est possible, on le peut, si on se laisse habiter par l’Esprit Saint, si on le laisse venir façonner nos vies – et ça c’est laissé à notre liberté…

 

Être parfaits comme le Père est parfait !? Ça veut dire quoi ? Nous on entend une perfection morale : être des parfaits. Et ça nous paraît soit trop exigeant soit impossible. De quelle perfection on nous parle ?

 

La 1ère lecture pour nous éclairer, en lien avec le Psaume : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis Saint », avons-nous entendu au livre du Lévitique. La sainteté, là encore, ce n’est pas une perfection morale ou une espèce de pureté de cœur et de vie, c’est l’être même de Dieu, c’est ce que Dieu est. Dieu seul est Saint.

 

Et sa sainteté – ce que Dieu est – c’est ce qu’on a chanté avec le psaume : c’est son amour, c’est sa tendresse, c’est son pardon, quoi que nous ayons pu faire. Non, pas que ce ne soit pas grave parfois, mais au sens où Dieu veut nous sauver, nous libérer, y compris de l’emprise du mal que nous faisons, ce mal qui peut nous enfermer dans une culpabilité mortifère ou dans un découragement de soi et parfois même de la vie.

 

Nous libérer de ce mal, de son emprise sur notre vie, celui que nous faisons et du coup celui aussi que nous subissons. Et c’est ça l’enjeu du pardon. Non pas excuser et dire « C’est pas grave, on s’en fout, on avance », non, mais reconnaître le mal qui a été vécu, sans pour autant enfermer l’autre dans ce mal, sans pour autant réduire l’autre ou moi-même à ce mal et à nos actes – « Tu m’as fait mal, c’est difficile à vivre, mais je consens quand même à vivre, à m’autoriser à vivre, et même à t’autoriser toi aussi à vivre. »

 

Et l’enjeu, vous le percevez bien je pense, c’est de sortir d’une spirale de la violence et de la vengeance. Sortir de l’enfermement du mal. Et c’est ce que Jésus nous dit avec cette histoire, de joue à tendre et d’appel à aimer même nos ennemis et à prier pour celles et ceux qui nous persécuteraient.

 

La sainteté de Dieu, cette perfection de Dieu, elle est là : celle de son amour, l’amour qu’il est lui-même, l’amour sauveur que le Christ vient révéler et manifester par toute sa vie, jusque sur la Croix, l’amour sauveur du Père qu’est sa miséricorde. Et j’aime rappeler cette définition que le pape François donne de la miséricorde : c’est l’amour – l’amour de Dieu – « qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance ».

 

Devenir parfaits comme le Père est parfait, devenir saints comme Dieu et saint, c’est vivre de cet amour, ce pardon ; c’est avoir cette confiance, cette foi-là en l’autre, malgré tout, malgré ce mal qui est entre nous et que je suis appelé a dépasser. C’est devenir miséricordieux comme le père est miséricordieux, comme le dit saint Luc au chapitre 6 de son évangile (au verset 36) à propos de ce même appel à aimer nos ennemis…

 

Vous êtes peut-être en train de vous dire : « Ok c’est gentil, c’est beau, pourquoi pas, mais concrètement on fait comment ? »

 

C’est là que je reviens à Saint Paul : se laisser habiter par l’Esprit Saint, la force de vie et d’amour de Dieu. Se laisser habiter par l’Esprit Saint qui nous est promis, et qui est donné à qui le demandera. Et pour cela : prier.

 

Prier, c’est-à-dire demander cette force à Dieu, et lui demander qu’il vienne travailler mon cœur et celui de l’autre. Jésus a dit : « Priez pour ceux qui vous persécutent ». Et c’est sans doute une des premières étapes sur ce chemin du pardon et de l’apprentissage à aimer même nos ennemis.

 

Prier pour que Dieu travaille mon cœur et y mette de la paix, et prier pour qu’il travaille le cœur de l’autre, et qu’alors un chemin de réconciliation soit possible, un chemin de remise en mots ensemble – c’est ce que veut dire le mot réconciliation. Un chemin de remise en mots ensemble de ce qui s’est joué entre nous, et notamment du mal qu’on a pu se faire…

 

Ce sera long parfois, et difficile. Acceptons-le. Et prions. Demandons au Seigneur sa paix, sa force, sa lumière aussi, et la grâce de la persévérance. Demandons-lui la grâce de croire qu’un chemin est possible et que c’est vraiment un chemin de libération et donc de liberté. C’est-à-dire croire que je ne suis pas prisonnier du mal qu’on m’a fait ou que j’ai fait, et croire que je vais avoir la force intérieure dont j’ai besoin pour aimer, pour aimer mieux, pour aimer l’autre, jusqu’à pardonner. L’autre qui est mon prochain, celui qui est là à mes côtés ; l’autre qui peut devenir mon ennemi, celui que j’ai du mal à aimer, voire que je ne sais plus aimer. Mais l’autre qui est là. Et que le Christ m’appelle à aimer.

 

Alors oui, nous sommes appelés à une vraie radicalité, une sorte de « folie » d’Évangile, nous sommes appelés à « grand », mais parce que Dieu sait que nous le pouvons. Avec sa force, avec sa grâce, avec son Esprit Saint.

 

Il s’agit et il s’agira d’apprendre à aimer de l’amour même de Dieu, cet amour que nous a révélé le Christ et pour lequel il a donné sa vie. C’est ce que nous célébrons à chaque eucharistie, et c’est ce que nous pouvons lui demander ce jour encore : recevoir et apprendre à vivre de cet amour-là. Amen.

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