15 Octobre 2023
Dimanche 15 octobre 2023
Sainte Thérèse d’Avila (solennité au Carmel)
Sg 7,7-14 / Ps 83 / Rm 8,14-17.26-27 / Jn 4,5-15
C’est l’histoire d’une rencontre. Celle d’une femme qui, sans le savoir encore, va découvrir et rencontrer l’amour véritable, l’amour inscrit au plus profond du cœur et que tout notre être, d’une façon ou d’une autre, cherche en cette vie, l’amour qui vient de Dieu et qui rend pleinement libre et vivant, cet amour dans lequel s’enracine tout amour humain, tout amour qui en est un reflet et une expression…
C’est l’histoire de cette femme de Samarie, cette histoire qu’on vient d’entendre, mais c’est aussi l’histoire de celle que nous fêtons, votre « Mère », Thérèse de Jésus ; et c’est sans doute votre histoire à chacune, mes sœurs, d’une façon ou d’une autre, l’histoire du chemin qui vous a conduit au silence du Carmel.
Vous voilà au bord du puits, mes sœurs, appelées en ce lieu pour y chercher et y rencontrer celui qui vient nous visiter. Nous et toute notre humanité, et ce monde défiguré par le mal et la violence qui nous feraient parfois douter de Dieu et d’une bonté éternelle qui veut pour nous la vie.
Et nous voilà ce jour encore au bord du puits. Celui de la Parole et de l’eucharistie. Pour nous laisser visiter encore, nous laisser rencontrer, et pour réentendre l’appel premier et fondateur à prier et à nous laisser conduire par l’Esprit Saint, l’appel premier à ne chercher et désirer comme seul trésor que Dieu même qui peut combler notre vie et notre soif d’aimer et d’être aimés ; et devenir par là-même signes pour ce monde, signe et appel à voir plus loin que la dramatique des jours, et à croire envers et contre tout en une puissance de l’amour qui sauve et peut sauver toute vie de tout mal et de toute violence…
C’est l’histoire d’une rencontre qui vient tout chambouler, tout bouleverser. Une rencontre en laquelle fonder l’humble quotidien de nos jours, pour avancer et croire que Dieu reste présent à ce monde.
« Si tu savais le don de Dieu… », nous dit Jésus… « Si tu savais le don de Dieu » alors tu garderais confiance et espérance, malgré tout, car nos vies sont dans sa main. C’est bien ce que dira le livre de la Sagesse, deux versets après ce que nous entendions : « nous sommes dans sa main », lira-t-on, et lui seul peut nous donner « une connaissance exacte du réel » (Sg 7,16) – c’est à chercher en lui et avec lui…
« Su tu savais le don de Dieu », oui, tu ne désespèrerais pas de ta vie parfois sinueuse – comme celle de cette femme de Samarie –, ni même de la violence des hommes, aussi insupportable et incompréhensible puisse-t-elle être. Car Dieu est maître de l’histoire, et le mystère de la Croix nous rappelle que malgré les apparences immédiates le salut est promis, et même que le salut nous est déjà acquis, que le juste vivra et que le Père le ressuscite par son Esprit Saint. L’Esprit Saint qui est l’eau vive dont parle Jésus, l’eau vive du salut, l’eau vive de la miséricorde du Père. L’eau vive de son amour qui console et veut consoler, l’eau vive de son amour qui pardonne et veut pardonner, l’eau vive de son amour sauveur qui donne et veut redonner l’espérance…
C’est donc l’histoire d’une rencontre… Celle que nous avons entendue en ce récit, celle aussi de Thérèse refondant le Carmel, et celle de notre vie à chacun et à chacune qui voulons chercher Dieu, suivre le Christ et vivre en amitié avec lui.
Cette rencontre c’est celle à renouveler et à refonder tout-jours – c’est-à-dire chaque jour – dans la prière. S’asseoir, comme au bord d’un puits, et se laisser rejoindre. Être là et croire en cette présence qui vient, cette présence qui déjà nous attend et qui va murmurer en nous un « Je t’aime », son « Je t’aime » qui appelle le nôtre…
Cette rencontre, celle d’un silence qui se laisse habiter par le mystère d’une présence, est un chemin pour trouver le trésor véritable dont parlait la 1ère lecture, Dieu lui-même qui vient prendre nos cris et par là-même ceux du monde. Dieu lui-même qui veut se révéler et nous donner de tenir dans la confiance et l’espérance, malgré tout parfois. Dieu lui-même qui vient offrir son Esprit Saint, l’Esprit Saint qui veut nous conduire et qui va nous donner de persévérer et d’avancer avec le Christ pour rester ancrés en lui et pour lui donner d’offrir aujourd’hui encore son salut.
Car il s’agira, nous le savons bien, d’en être témoins – comme la Samaritaine va le devenir à la fin de l’histoire – ; devenir témoins du salut, en paroles et en actes, chacun selon notre vocation, chacun à notre mesure, mais dans une vie qui apprend jour après jour à écouter et à répondre aux appels de l’Évangile comme aux cris du monde...
« Le monde est en feu », disait Sainte Thérèse en son temps, et combien cela est-il vrai aujourd’hui encore, autrement mais tellement. Thérèse a su entendre où Dieu l’attendait et l’appelait pour œuvrer à sa façon au salut des âmes et donc au salut du monde. Puissions-nous, à son intercession, apprendre à entendre aujourd’hui où et comment Dieu nous appelle nous aussi, pour servir sa paix et pour porter ce monde dans la prière comme dans l’action…
Me revenait ce matin cette phrase de fr. Roger de Taizé à laquelle je pense souvent : « Rien n’est plus responsable que de prier » … Alors faisons monter vers Dieu tout ce qui habite nos cœurs, en ce jour ; blottissons-nous tout-jours et encore dans le silence de la prière, auprès du Christ en Croix qui est mort pour nous sauver de l’emprise du mal et du péché et de la violence de notre humanité.
Et accueillons-le, lui le Christ Jésus, lui l’Ami et l’Époux, accueillons-le aujourd’hui encore dans le mystère de son eucharistie : par le don de sa vie et par la puissance discrète de l’Esprit Saint il sauve le monde ; c’est notre foi et notre espérance, et c’est notre joie.
Puissions-nous alors entendre et recevoir avec confiance ces mots de Thérèse : « Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie ; (…) qui a Dieu, rien ne lui manque : Dieu seul suffit » … Amen.
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Et sinon, pour en savoir plus sur Sainte Thérèse d’Avila ? Deux conseils de lecture, pour ceux qui voudraient : ici et là !