19 Juillet 2024
Voilà un petit essai fort intéressant et stimulant à la réflexion. C’est un livre plutôt de type socio-philosophique sur la question de la charité, l’amour en actes. Et pour ce faire c’est une réflexion à partir du la parabole dite du Bon Samaritain.
Mais l’angle d’attaque nous invite à nous laisser déplacer : la réflexion part d’un commentaire d’un tableau de Rembrandt qui en est même le fil conducteur, ce qui sous-tend ce qui va se mettre en mots. Et sur ce tableau place est faite à la rencontre entre le Samaritain et l’hôtelier, y compris avec l’échange d’argent qu’annonce la fin de la parabole mais sur lequel nous ne nous arrêtons quasi jamais.
Ces pages sont comme une réponse ou un prolongement de la réflexion que nous propose le pape François dans son encyclique sociale Fratelli tutti où un chapitre entier est consacré à cette même parabole du Samaritain pour illustrer et développer ce que le pape appelle l’« amitié sociale ».
Dans cet essai de la philosophe lyonnaise Marie Grand, il est question d’articuler charité spontanée et individuelle à celle plus institutionnelle qui permette une prise en soin du plus grand nombre et dans la durée. L’une l’autre s’appellent et doivent s’interroger mutuellement, mais l’une l’autre doivent aussi être articulées. Car il pourrait y avoir un risque à se réfugier dans la question des problématiques institutionnelles et oublier qu’aimer c’est déjà aimer son prochain qui est là, c’est-à-dire celui qui souffre et dont je vais consentir à me faire proche car nos chemins se croisent. Et en même temps on ne peut en rester à cette seule dimension qui dépend du regard de chacun et de son bon vouloir à s’arrêter à hauteur de l’autre.
Dès les premières pages notre auteure fait d’ailleurs mention de la parabole de la brebis perdue : que se passe-t-il pour les 99 autres ? Qu’est-ce qui permet qu’elles soient laissées à elles-mêmes pour qu’on puisse aller chercher celle qui s’est perdue sans les mettre en d’âges, en ayant créé les conditions pour qu’elles soient en sécurité ?
La parabole ne se pose pas cette question, car l’enjeu est bien d’entendre que le Christ vient sauver celles et ceux qui sont perdues. Mais la question ne se pose-t-elle pas quand même au cœur de nos sociétés, pour un juste vivre ensemble qui à la fois prenne compte de chacun mais aussi de tous, et donc qui sache articuler charité individuelle et prise en soin du collectif ?
Tout cela est plutôt intéressant. Ça décale un peu de nos lectures habituelles de cette parabole dite du Bon Samaritain. Et ça nous invite à ne pas oublier la place et le rôle de l’hôtelier.
Pour ma part j’ai souvent attiré l’attention sur le fait que notre Samaritain n’a pas prétention à tout faire pour l’homme blessé, il ne joue pas au sur-homme – avec tous les risque d’emprise auquel cela pourrait conduire – ; non, il fait ce qui est de son possible puis il passe le relais. En l’occurrence à l’aubergiste. Mais il ne se débarrasse pas de l’homme blessé ni ne se dédouane de sa responsabilité à avoir commencé à prendre soin de lui : il promet qu’en repassant il remboursera ce que l’accueil de cet homme blessé aura pu coûter à l’aubergiste. Il s’est engagé, à sa mesure et sa mesure seulement, mais toute sa mesure.
Le propos de Marie Grand ouvre d’autres pistes et d’autres questionnements, ce que mes balbutiements ci-dessus ont tenté de vous donner à entrevoir. Une lecture en tout cas intéressante et qui donne à réfléchir et qui en plus se lit plutôt facilement…
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Marie Grand, Géographie de l’amour. Une autre histoire du bon samaritain, éditions du Cerf, avril 2024, 137 pages (petit format), 16€.
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Autre essai, autre façon de lire ou mettre en résonance cette parabole dite du Bon Samaritain, je rappelle ici ce livre de Mgr Ravel que je recommandais sur ce même blog sur la question d’un care chrétien… Pour en savoir plus ou retourner voir ce que j’en disais alors c’est en cliquant ici !