Homélie dimanche 18 juin 2023

11ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A

Ex 19,2-6a / Ps 99 / Rm 5,6-11 / Mt 9,36 – 10,6

 

Grosso modo on connaît cet appel des 12. On sait. Jésus appelle pour la mission, il appelle un premier cercle de plus proches qu’il va former pour la mission, – sa mission à lui puisque c’est bien lui dans l’Évangile qu’on voit guérir les malades, expulser les démons, ou ressusciter le fils de la veuve de Naïm ou son ami Lazare…

Ce qui est intéressant à entendre, il me semble, c’est pourquoi il appelle. C’est le début de cette page d’Évangile. Il appelle parce que la moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux – c’est ce qu’il dit – et il appelle parce qu’il est saisi de compassion devant ces foules qui sont là et dont on nous a dit qu’elles sont « désemparées et abattues comme des brebis sans berger ».

Jésus voit. Jésus se laisse toucher, il est saisi par ces foules qui sont abattues et désemparées car elles ne savent pas comment avancer et quel chemin prendre. Et Jésus les voit, il entend leur fatigue, ça le touche, il est saisi de compassion… ça le prend aux tripes !

S’il est vraiment le Fils de Dieu, Dieu tout-puissant, on pourrait croire qu’une parole pourrait suffire à indiquer le chemin et à rassasier ces foules. Telle un coup de baguette magique… Mais non, il s’y prend autrement. Il appelle. Il nous associe. Dieu décide d’avoir besoin de nous, il se choisit des proches qu’il va former à sa mission pour être envoyés à ces foules. Et ainsi il va y aller petit à petit, progressivement. Avec quelques-uns d’abord qui eux-mêmes en appelleront et en formeront d’autres. Et puis d’abord en direction des brebis perdues d’Israël avant d’étendre la mission à toutes les nations. Pas à pas, progressivement. Ce qu’il nous faut retenir nous aussi, aujourd’hui : pas à pas, de personne à personne (comme dit le pape François dans La joie de l’Évangile), au fil des rencontres et des évènements…

En tout cas, je ne sais pas si on se rend vraiment compte, mais Dieu a besoin de nous pour rejoindre chacun. Dieu a besoin de nous. Vous allez me dire qu’on le sait, que ça n’a rien d’un scoop ; mais quand même, pour de vrai, ça n’est pas rien ! Dieu a besoin de nous pour sa moisson, Dieu a besoin de nous pour sa mission.

Et c’est bien la sienne. Ça appelle, il me semble, à croire qu’il donnera ce dont nous avons besoin. Et c’est bien pour cela qu’il faut le prier, lui demander ce dont nous croyons avoir besoin, et accueillir ensuite ce qui sera donné. Comme il voudra. Mais croire qu’il donne et donnera ce dont nous avons besoin. Pas forcément comme nous on aurait voulu, mais comme ça pourra. Et ça se fera.

En vous disant cela je pense à l’épisode de la manne au désert (cf. Ex 16). Le peuple a faim, il en a marre, il râle contre Dieu. Et que fait Dieu ? Il répond. Mais par un truc bizarre, tellement bizarre et un peu insignifiant que son nom « manne » ça veut dire « qu’est-ce c’est ? » – « c’est quoi ce truc-là ? ». Et le peuple va devoir confiance que ce « truc-là » eh bien oui ça va suffire à la nourrir et que par ce « truc-là » Dieu a répondu et a permis que le chemin se poursuive.

Avec cet exemple et l’appel de ce soir à prier pour que se lèvent des ouvriers pour la moisson, je pense aussi à nos lamentations parfois au fait qu’il y ait moins de prêtres, voire pas assez. On est invité à croire que Dieu donne et donnera ce dont nous avons besoin aujourd’hui. Mais que pour cela il nous faut aussi lui demander ce dont nous croyons avoir besoin, crier vers lui. Et croire que ce qui sera donné c’est bon pour nous, ça suffit. Mais croire qu’il répond malgré tout.

Je me réjouis par exemple qu’en septembre prochain nous ayons trois jeunes gars issus de notre communauté qui entrent en « Propé » pour notre diocèse – ce qu’on appelle la « Propé », l’année de propédeutique, c’est une année de fondation spirituelle en vue d’une éventuelle entrée au séminaire, pour se donner les moyens de discerner et de se laisser former en vivant déjà quelque chose de la suite.

Je me réjouis aussi que des gars qui étaient en « Propé » cette année pour notre diocèse, ou qui sont déjà au séminaire, continuent eux aussi à avancer et à vouloir se donner ; et si Dieu le veut, si c’est vraiment le chemin pour eux et si du coup l’Église les y appelle, alors peut-être seront-ils prêtres un jour. Nous verrons… En tout cas prions ! Dieu donne et Dieu va donner.

Et ne prions pas que pour des prêtres, mais pour ce peuple de prêtres, comme disait la 1ère lecture, ce peuple de prêtres que nous sommes appelés à être tous ensemble et que nous, prêtres qui sommes ordonnés, nous sommes appelés à servir pour que nous vivions tous la mission, nous et vous.

Pour rappel nous sommes tous depuis notre baptême participant de la triple dignité du Christ de prêtre, prophète et roi. C’est notre mission à tous. Et si certains sont prêtres, au sens d’un ministère ordonné, c’est pour être au service de cette mission de tous, c’est pour vous donner les moyens de la vivre. Quelle que soit alors votre vocation, votre état de vie ou comment vous aller vous engager dans le monde, dans le mariage ou le célibat ou dans telle ou telle forme de vie consacrée. Je ne développe pas plus mais c’est important à bien avoir en tête : les ministères de quelques-uns – ici à St Jo : Urgel, Emmanuel et moi, comme prêtres, et Michel comme diacre – c’est au service de vous tous, au nom du Christ qui veut nous conduire et nourrir notre chemin de vie et de foi, c’est au service de la communauté que nous formons ensemble, pour que nous vivions les appels de notre baptême.

En tout cas Jésus nous invite à prier alors prions ! Prions pour que nous ayons goût à vivre l’Évangile dans ce qui fait notre quotidien, prions aussi pour que des hommes et des femmes est soif de se donner radicalement et que ce soit signe pour nous tous ; prions pour qu’ainsi, avec ce que nous sommes les uns les autres, la mission du Christ continue à être à l’œuvre et à permettre que celles et ceux qui nous entourent puissent accueillir ce salut que Dieu veut pour tous. Ça veut dire prier pour que nous vivions très concrètement l’appel à aimer comme Dieu nous aimes, l’appel à aimer comme Jésus nous a aimés (cf. Jn 15), lui qui est, disait St Paul dans la 2ème lecture – lui qui est « la preuve que Dieu nous aime ».

Pourquoi « la preuve » ? Parce qu’il est mort pour nous, disait Paul, au nom même de l’amour de Dieu pour nous. Et parce qu’il est cet amour de Dieu en personne, l’amour de Dieu en paroles et en actes venu partager notre condition humaine pour nous l’annoncer en direct et nous permettre par rayonnement et par contagion de l’étendre à tous.

Du coup – vous le savez mais c’est toujours bien de se le redire – l’enjeu pour notre vie à tous ça va vraiment être de se laisser former par Jésus lui-même, c’est-à-dire par sa Parole où nous allons apprendre à voir comment il s’y prend et comment il répond, comment il aime, comment il ouvre des chemins de vie et de réconciliation, des chemins de salut et de miséricorde. L’enjeu ça va être aussi de nous laisser habiter par l’Esprit Saint pour apprendre à répondre aux appels que nous aurons entendus, apprendre à discerner comment je peux répondre aujourd’hui avec ce que je suis et ce que j’ai reçu déjà de Dieu.

C’est d’ailleurs la finale de notre évangile, et c’est, je trouve, un bon critère de discernement de comment chacun peut vivre la mission aujourd’hui : « Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement »

C’est une question qu’on peut tous se poser : qu’est-ce que j’ai reçu ? Non seulement : c’est quoi les talents qui sont inscrits en moi, ce que je sais faire et que je peux faire fructifier pour d’autres ; mais encore : dans ce que j’ai été amené à vivre et peut-être à traverser de difficile ou de douloureux, qu’est-ce que j’ai expérimenté déjà du salut, comment j’ai été rejoint dans tel évènement ou telle rencontre, et qu’est-ce que je peux en faire ?

Ce sont de bonnes questions, et ça tombe bien juste avant la dispersion de l’été, ça tombe bien d’être invité à se les poser : c’est une façon de relire notre année, et peut-être de se demander comment ou quoi vivre l’année prochaine, à ma petite mesure mais toute ma mesure, pour être de cette mission de Jésus et de toute son Église… Puisque Dieu a besoin de nous – c’est quand même incroyable, cette confiance qu’il nous fait ! Dieu a besoin de nous…

En tout cas on pourrait finir par ça – j’ai envie de dire : tout simplement – : on pourrait prendre quelques instants de silence, dès maintenant, pour nous demander, chacun, qu’est-ce qu’on a reçu cette année – qu’est-ce qu’on a reçu de Dieu – : une Parole biblique qui a pu nous marquer, ou une personne ou un évènement qui nous ont aidé à avancer, ou une expérience spirituelle peut-être, ou tel service qui nous a permis de faire grandir tel talent que nous avions ou que nous avons découvert… Qu’est-ce qu’on a reçu ? Et qu’est-ce qu’on en fait pour l’année prochaine, à quoi on se sent peut-être appelé ou qu’est-ce qu’on sent en nous qu’on aimerait vivre ou qu’on pourrait faire, même si on ne sait pas trop comment ou avec qui ?

Qu’est-ce qu’on a reçu et qu’est-ce qu’on peut en faire ?

Alors oui, prenons le temps, là maintenant, mais aussi dans les jours qui viendront. Et n’hésitez pas à venir voir les permanents – les LEMEs ou les prêtres – ou Virginie qui coordonne le pôle écoutant ou les membres de l’équipe paroissiale, n’hésitez pas à venir partager vos envies ou votre désir de service ou vos questionnements, et on pourra discerner ensemble quoi en faire… Tout simplement…

En tout cas prions. Et donnons-nous les moyens d’écouter les appels de Dieu et du monde ; demandons la grâce de nous laisser toucher, nous laisser saisir de compassion, comme Jésus ; et demandons à l’Esprit Saint de nous éclairer, de nous inspirer, que nous puissions discerner comment répondre, bien simplement, concrètement, et avec ce que nous sommes chacun. Amen.

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