17 Juin 2023
L'heure est à pour certains à la remise en cause du célibat des prêtres, voire à sa mise en cause au coeur de cette crise des abus que nous traversons... Notre célibat interroge, parfois il dérange. Et si je ne crois pas que des pervers-abuseurs-prédateurs seraient mieux équilibrés affectivement s'ils étaient mariés – pauvres épouses et pauvres familles que de penser ainsi !! – force est de constater que certains disent encore que la solution à tous ces problèmes serait la mariage des prêtres...
Je crois au célibat des prêtres. Et ce petit livre peut être précieux pour mieux le comprendre dans sa dimension spirituelle et théologique. Ordonnés prêtres nous sommes « configurés » au Christ Tête et Pasteur de son Église, cette Église dont on dit aussi qu'elle est son Épouse. Il y a une forme de « célibat consacré » dans cette discipline demandée aux prêtres catholiques d'Occident. Un célibat qui a du sens, je le crois ; en tout cas un célibat qui fait signe, puisqu'il questionne.
Ces pages nous font relire un certain nombre de textes du pape Jean-Paul II, tout particulièrement dans Pastores dabo vobis (notamment les n°12-13, 22-26 et 29). Et c'est bon – du moins pour le prêtre que je suis. Et ce qui est intéressant et un peu orignal je trouve c'est que notre auteur réfléchit et médite tout cela avec en arrière fond ce qu'on appelle la Théologie du corps de Jean-Paul II qu'il a visiblement pas mal étudiée. Ajoutez à cela cette autre mise en résonance qu'est celle avec sa spiritualité de prêtre du Prado, à l'école du Père Antoine Chevrier. Le tout est agrémenté d'« intermèdes », entre chaque petit chapitre, qui sont plutôt de l'ordre du témoignage de vie, toute simple et avec du factuel bien concret – notre auteur a trente ans de ministère derrière lui.
Lisant ces pages je me disais que ça sonne comme une réponse et un prolongement au précédent du même auteur qui était sous forme de Lettre à ses confrères prêtres. Un livre que j'avais trouvé intéressant lui aussi, comme je le partageais sur ce même blog.
Dans sa réflexion notre auteur n'idéalise pas le célibat, il ose partager les objections qui lui sont faites et les difficultés que traversent ou peuvent traverser certains prêtres. Il nous rappelle aussi que si « paternité » spirituelle ou pastorale il y a – parce que notre ministère a bien une certaine fécondité – celle-ci doit s'équilibrer dans une fraternité qui lui est inséparable. Me revenaient là des propos échangés alors avec mon évêque, il y a quelques années déjà, lui disant que pour moi on ne peut oser dire que nous sommes « pères » que si nous nous reconnaissons d'abord « fils » – fils de Dieu – et donc « frères » les uns des autres. Ensembles, prêtres déjà, nous sommes frères ; et ensembles nous sommes appelés à dire par notre vie et notre ministère quelque chose de la paternité de Dieu – mais j'insiste sur ce ensemble, ce qui manque sans doute à ces pages – ; et parce que nous vivrons cette fraternité ensemble et avec le Christ, dans cette autre fraternité plus large avec celles et ceux à qui nous sommes envoyés, alors il y a une sorte de paternité équilibrée qui peut se donner à voir et à vivre.
Notre auteur ajoute à cela cette autre dimension d'une certaine « sponsalité » de notre ministère, à l'image du Christ Époux de l'Église, à sa suite et à son école – c’est même sa thèse, ici comme dans son autre livre déjà cité, c’est son intuition. Cette « sponsalité » et plus largement notre « configuration » au Christ Tête, Pasteur et Époux de l’Église, ce sera tout l'enjeu de toute notre vie spirituelle et pastorale que de nous laisser conformer et configurer au Christ Bon Pasteur qui révèle le Père tout-aimant et qui se donne à son Église pour qu'elle devienne témoin pour cette commune humanité à laquelle nous appartenons – je mentionne au passage la place qui est faite et affirmée ici de l’eucharistie, centrale et source pour notre ministère, ce que je crois vraiment.
Je trouve ces pages spirituellement stimulantes, pour moi en tout cas. Et elles pourraient l'être pour mes confrères. Je les pense intéressantes aussi pour ce peuple de Dieu auquel nous sommes envoyés et avec lequel nous voulons marcher et grandir sur le chemin de la sainteté, ce peuple de Dieu que nous sommes appelés à servir au nom du Chirst Tête et Pasteur de son Église. Le Christ Époux.
Je reste un peu réservé ou plutôt prudent quant à cette dimension sponsale de notre ministère. Je crois que nous sommes appelés à être avec Jean-Baptiste « Amis de l'Époux » et à l'être avec vous tous qui vivez de votre baptême. Faire signe, indiquer le Christ pour se laisser conduire et rejoindre par lui.
A méditer... voire à travailler encore !
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Frédéric Dumas, Le sacerdoce à l'épreuve. Domination ou don ?, Mame, coll « L'évangile du corps », avril 2023, 94 pages (format poche), 12€90.