Homélie fiançailles + fête Ste Marie-Madeleine

Samedi 22 juillet 2023 - Ste Marie-Madeleine [*]

Fiançailles de Louise et Thomas

Monastère des dominicaines de Chalais

Ct 3,1-4a / Ps 62 / Jn 20,1.11-18

Ces textes nous parlent d’amour. D’un amour qui met en route, un amour tel un feu qui nous prend. Cet amour de la Bien-aimée du Cantique des cantiques qui cherche son Bien-aimé. Cet amour, aussi, de Marie-Madeleine pour son Seigneur, son ami, qui vient de mourir.

Cet amour qui met en route reste un mystère en chacune de nos vies. Y compris, mes sœurs, pour notre vie donnée dans le célibat consacré, nous le savons bien ; notre vie donnée par amour, justement, sans quoi il n’aurait pas grand sens.

Et cet amour qui nous habite ou qui nous a mis en route, il est appel à chercher l’autre ; comme la Bien-aimée du Cantique des cantiques, comme Marie-Madeleine aussi, tout en pleurs, qui se demande où est passé le corps de l’aimé, celui qui est tout-Amour et qui nous appelle à nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimés (cf. Jn 15), lui qui est l’amour de Dieu venu jusqu’à nous pour nous le révéler et nous y appeler.

Tout le mystère de l’incarnation, et plus largement toute l’histoire du salut, n’est qu’une histoire d’amour, celle d’un Dieu qui veut se faire connaître pour nous conduire à lui et nous donner de goûter là cette paix véritable, cette joie profonde, qu’est celle d’un amour qui relève, qui guérit ou qui prend soin, un amour qui sauve de tout mal… C’est bien ce qu’a vécu Marie-Madeleine, pour ce que nous en racontent les évangiles et la Tradition…

Et voilà que la Bien-aimée du Cantique des cantiques cherche le Bien-aimé. Où est-il ? Une question qui en appellera d’ailleurs une autre, un « qui est-il, où en est-il ? » N’est-ce pas, pour une part, l’enjeu des années de noviciat et de premiers vœux, mes sœurs ; l’enjeu aussi d’un temps de fiançailles, Louise et Thomas ?

Car si l’amour nous saisit, si l’amour nous met en route, nous savons bien qu’il peut être un feu dévorant qu’il nous faudra toujours purifier et qui appelle à discerner, pour entendre-là qui je suis vraiment, quelle est ma quête véritable, et comment je peux y avancer en toute liberté et en réponse à ce que Dieu peut vouloir pour moi...

Sur ce chemin, nous avons besoin les uns des autres, de nous aider, nous soutenir, nous éclairer. C’est bien un des enjeux de la vie communautaire ; c’est aussi une des grâces et un des possibles de la vie de couple, où l’autre m’est donné comme une « aide » qui me soit assortie, comme dit le livre de la Genèse.

Ce qu’il faudra justement discerner, accompagner : l’aimé est-il, est-elle, pour moi, cette « aide » qui me soit donnée pour avancer et grandir, pour vivre aussi à la suite du Christ, et pour, avec lui le Christ, apprendre à aimer et à me laisser aimer de cet amour qu’il nous révèle qu’est l’amour du Père, son amour sauveur, sa miséricorde, cet amour qui veut rejoindre l’autre là où il en est, à hauteur d’homme, cet amour qui veut prendre soin de la part blessée en chacun, cet amour « qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance », comme dit le pape François (cf. texte d’annonce du Jubilé de la Miséricorde), cet amour qui, s’il est vrai et ajusté, va nous ouvrir des chemins de vie ?

Pour l’heure, la Bien-aimée du Cantique des cantiques s’est levé et elle cherche celui que son âme désire. Comme Marie-Madeleine qui fait, elle, cette rencontre étonnante et décisive : celui qu’elle pleurait est là, présent, vivant. Mais voilà qu’il l’envoie, qu’il lui demande de ne pas le retenir, alors qu’en finale de notre lecture du Cantique, ayant trouvé celui qu’elle cherchait la Bien aimée s’était exclamée : « je l’ai saisi et ne le lâcherai pas ».

Véronèse (Musée de Grenoble)

Véronèse (Musée de Grenoble)

A la fois saisir, donc, c’est-à-dire vouloir rester avec l’autre, et en même temps consentir à ce qu’il ne soit pas mien, pas que pour moi. Ça vaut sans doute dans la vie de couple, où la fusion peut entrainer la confusion. Et ça vaut pour notre quête de Dieu, à tous, quelle que soit notre vocation et notre état de vie : l’amour qui nous aura saisi n’est pas pour nous, pas pour nous seulement, il sera toujours à vivre avec d’autres et pour d’autres. Et l’ayant reconnu, ayant reconnu ce salut que nous aurons expérimenté « un peu beaucoup passionnément à la folie », il nous est demandé de l’annoncer, d’en témoigner. Car l’amour sauve et nous avons tous besoin de salut ; l’amour sauve et le tout-Amour qu’est Dieu veut nous sauver et nous relever. C’est Bonne nouvelle, c’est même le cœur de notre foi, et c’est ce que nous sommes appelés à vivre à la suite du Christ.

La question sera alors celle de savoir si cette vocation que je pressens être pour moi, cet appel à me donner dans la vie consacrée ou le mariage, est-il le chemin pour moi, pour me laisser aimer d’un amour qui me fera alors grandir, avancer, devenir plus libre, et pour aimer en retour ; est-il ce chemin pour moi grâce à l’autre que j’aime ou ces autres avec qui je veux vivre, pour que nos vies données soient réponse à un amour et signe d’un amour plus grand qui nous attend, qui nous précède et qui veut nous conduire à lui ?

Au matin de la résurrection Marie-Madeleine fait l’expérience que le Christ est là, que sa vie donnée par amour est plus forte que tout mal et que toute mort, et qu’il retourne au Père, car c’est là que nous sommes attendus, en vie éternelle, dans la paix et la joie profonde d’un salut offert. Or la vie éternelle ce n’est pas qu’une promesse pour demain, pour l’au-delà, c’est un appel pour aujourd’hui.

Si nous avons déjà goûté à cette plénitude d’amour qui se fait paix et joie profonde en nous, alors restons-y attachés comme une force pour vivre, pour vivre tournés vers nos frères et sœurs en humanité. Et revenons-y souvent, jour après jour, dans le silence de la prière, pour rendre grâce de ce qui est donné et pour confier au Seigneur la suite des jours et du chemin, et pour se laisser saisir à nouveau par sa présence et son amour.

Et si nous avons l’impression d’être loin de cela, de ne pas y avoir vraiment goûté, d’être traversé par trop de questions ou par le mal qui traverse toute vie, alors demandons simplement au Seigneur qu’il dépose en nous sa paix, qu’il nous éclaire, qu’il nous aide à avancer…

Je ne sais ce que ces mots peuvent éveiller en vous, là où vous en êtes chacun, mais prenons quelques instants de silence, si vous le voulez bien, pour recueillir ce qui monte en nous, là maintenant, ce qui nous habite. Et offrons-le bien simplement au Seigneur, pour que là il vienne en ce jour nous rejoindre… Amen.

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[*] A propos de Marie-Madeleine, je vous partageais il y a quelques années déjà – et sur ce même blog – quelques impressions de lecture de ce roman du fr. Jean Pierre Brice Olivier (dominicain)...

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